CLUSTER – Curiosum
(Bureau B)
De tous les albums de CLUSTER, Curiosum a été le plus difficile à se procurer. Datant de 1981, il ressurgit aujourd’hui grâce au label Bureau B, à un prix étonnamment abordable, bisant ainsi son statut de pièce rare pour collectionneurs. Cela va certainement faire enrager ceux qui ont eu l’impatience d’acheter la réédition japonaise de Captain Trip, et surtout les quelques exemplaires vendus sur le net à des prix exorbitants.
Une faiblesse est à noter quand à la qualité sonore de cette nouvelle édition. L’écoute au walkman permet d’entendre de malheureux et indésirables bruits de fond, comme s’il s’agissait d’un repiquage sur CD d’une copie vinyle. Le plaisir de (re)découvrir cette vieillerie électronique à la beauté éphémère (7 titres pour à peine 35 minutes) reste malgré tout intact. Si vous n’aimez pas les tours de magie sonore de MOEBIUS et ROEDELIUS, des albums tels que Zuckerzeit (1974) ou Grosses Wasser (1979), alors il ne vous reste plus qu’à emprunter un autre chemin.
Nos deux krautrockers abordent avec élégance la nouvelle décennie, loin du post-punk et de la new-wave, avec des petits hymnes (entre trois et huit minutes) parfaitement « clusterisés » sur le plan mélodique et d’une simplicité absolue, sans jamais être démodés.
Le premier titre Oh Odessa est une joyeuse petite ritournelle robotique, dont la légèreté apporte un souffle d’air frais revigorant et rompt avec l’ambiance sérieuse, cérébrale et ambiante du long morceau Grosses Wasser qui conclut le précédent album. Avec l’émouvant Helle Melange, c’est un ciel étoilé de rêverie et de mélancolie qui s’offre à nous.
À l’opposé, l’étrange Seltsame Gegend et le très « motorik » Proantipro ouvre la voie à un CLUSTER favorisant les rythmes mystérieux. Telle une transe tribale, Charlic met en avant une pulsation électronique inquiétante, imitant un didjeridoo, où l’auditeur ressort hypnotisé. Quant au final Ufer, c’est une plongée sans fin et claustrophobique au cœur même d’abîmes ténébreux comme au temps de KLUSTER.
À l’écoute de ce disque, vous ressentirez beaucoup de nostalgie. Une mélodie électronique comme celle de Tristan in der Bar renvoie, tel un flashback lumineux, à l’album Zuckerzeit. Un sentiment de tristesse coulera aussi à flot dans vos veines, parce que Curiosum marque la fin d’une histoire.
Un chapitre se clôt, mettant un terme à une aventure musicale de plus de dix ans. En effet, il s’agit de la dernière collaboration entre MOEBIUS et ROEDELIUS qui vont privilégier leurs carrières solo et d’autres collaborations, toutes aussi passionnantes. Il faudra attendre neuf années, en 1990, pour les réentendre de nouveau ensemble avec Apropos Cluster.
Cédrick Pesqué
Label : www.bureau-b.com
(Chronique originale publiée dans
TRAVERSES n°28 – mai 2010)