DANGAA – Altai

141 vues
DANGAA – Altai
(Blue Flame)

dangaa-altaiDès lors que le folklore d’une région ou d’un pays du monde commence à intéresser le public occidental ainsi que le marché de la world music, il se trouve toujours un artiste pour sacrifier son bagage traditionnel sur l’autel du modernisme fusionnel. En Mongolie, Dangaa KHOSBAYAR, jeune soliste de chant diphonique né dans les montagnes de l’Altaï, a bien voulu jouer ce rôle. Loin d’être le premier venu, DANGAA pratique le chant de gorge « khöömii » depuis l’âge de sept ans et a intégré plusieurs groupes ancrés dans la tradition, comme MANDUCHAI, UYANGA et EGSCHIGLEN (il est présent sur l’album Gobi), après avoir été consacré « meilleur chanteur mongol » à l’occasion d’un concours national en 1995. Ce faisant, il a également loué ses services gutturaux à l’excellent combo allemand de free-ethno-jazz EMBRYO (pour l’album Istanbul/Casablanca Tour 98 !), ainsi qu’au très lucratif CD Gregorian Masters of Chant, vol.2, dont vous avez certainement vu les affiches dans le métro ou dans la rue.

Bref, DANGAA semble concerné par ses racines autant que par le rapprochement des cultures, et c’est dans cet esprit qu’il a enregistré l’album Altai. Celui-ci, bien que présentant toutes les allures d’un disque solo de chant traditionnel dont le livret offre moult photos de yourtes et de chevaux dans les steppes sauvages pour bien faire comprendre de quoi il retourne, est en fait un projet de world music conçu par le producteur allemand Pat PANGEA, qui a signé la majorité des morceaux du disque et qui n’est autre que le pseudonyme de DANGAA !

DANGAA a donc prêté ses talents vocaux à des compositions aux consonances ethno-new age tel qu’il s’en fait de plus en plus dans le domaine de la world globale. Passe encore que l’on combine le khöömii à du didjeridoo samplé et à une basse MIDI (Native Calls), que l’on plaque des volutes synthétiques sur de très convaincantes imitations de cris d’animaux ou de créatures équivoques (Voices of Springtime, Witches and Shamanes), que l’on enrobe le chant diphonique de sons de flûte et de harpe (Flight of the Eagle), ou que l’on tire sur la corde toujours sympathique de « la sérénité des chants mongols » (Altai). Mais quand le chant de DANGAA accompagne un sitar indien et des percussions orientales (Caravan to Kasachtan), on se demande si l’on n’est pas en train de sombrer dans le n’importe-quoi exotique. On peut aussi trouver ça « fun »…

Certes, le chant de gorge de DANGAA est impressionnant de résonance et de profondeur harmonique, c’est un fait. Mais était-il utile de lui adjoindre ces nappes de clavier conventionnelles et ces rythmiques programmées à l’insurmontable platitude (Mongolian Mood, Grassland and Breeze) ? On suppose qu’il en fallait pour tous les goûts…

Et précisément, les amateurs de musique mongole plus acoustique (et moins trafiquée) pourront se régaler des deux seules compositions signées non pas par Pat PANGEA, mais par DANGAA. (Je sais, c’est légèrement schizophrène !) Il s’agit de Shepherd at a Mountain Lake, dans lequel le khöömii se combine au bourdon de la traditionnelle vièle à tête de cheval, et Throat Singer’s Parade, véritable feu d’artifice de voix gutturales superposées et entrelacées qui procure de grisants frissons.

Signalons de plus que DANGAA a depuis enregistré en autoproduction un album dans une veine plus traditionnelle sous le nom HOSOO (Höömij Legende, en 2001), et qu’il a fondé le groupe TRANSMONGOLIA avec lequel il a enregistré deux albums, Gesang des Himmels (2005) et Memories of my Nomeland (2007).

Stéphane Fougère

YouTube player

 

YouTube player

Print Friendly, PDF & Email

Laisser un commentaire

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.