Erwan MENGUY QUARTET – Spi
(Klam Records)
Du vent dans les cordes : voilà comment pourrait être résumé ce qui est donné à écouter dans ce disque, le premier enregistré par cette formation dirigée par le flûtiste et compositeur Erwan MENGUY. Cer dernier n’est pas un inconnu de la scène musicale traditionnelle bretonne, puisqu’il a œuvré dans plusieurs formations en concerts et en festoù-noz, au sein de LE BOUR/BODROS QUINTET, EGÒN, STOURM, ou encore en duo avec Ronan PELLEN, Kevin LE PENNEC, Erwan BERENGUER…
Parallèlement à son intérêt pour des instruments à vent comme la flûte traversière en bois et le low whistle irlandais, Erwan MENGUY s’est aussi distingué en tant que joueur de biniou koz (son premier instrument ayant été la bombarde) et a sonné en couple avec Daniel LE FEON (avec qui il a remporté le trophée Matelin An Dall à Lorient deux années de suite, en 2008 et en 2009) et Mathieu MESSAGER (les deux ayant sacrés « champions de Bretagne » en 2005 à Gourin). Mais en montant un quartet à son nom, Erwan MENGUY se lance dans une nouvelle aventure musicale tant scénique que discographique, et Spi est à sa première trace gravée.
Pour ce projet, le flûtiste breton s’est associé avec des musiciens qu’il connaît suffisamment bien pour avoir travaillé avec chacun d’eux depuis plusieurs années, mais c’est la première fois qu’il les réunit tous au sein d’un même groupe. Il s’agit donc d’Erwan BERENGUER à la guitare, Kevin LE PENNEC au cistre et Hugues LASSERRE à la contrebasse, soit que des joueurs d’instruments à cordes acoustiques. Le rôle de ce trio de cordes est principalement d’ordre harmonique et rythmique, la flûte en bois étant la « voix » principale. L’idée d’Erwan MENGUY est d’élargir le spectre des possibles en matière d’arrangements afin de proposer une musique plus étoffée et dont le répertoire a été spécifiquement conçu pour ce quartet. Ainsi constitué, celui-ci prend des allures de groupe folk ou bluegrass américain, et dont l’assemblage équilibré de timbres renvoie à ceux d’un ensemble de musique de chambre ou de quatuor à cordes.
S’appuyant sur la notion de « projection sonore », qui définit le placement des sons au sein d’un ensemble et leur adaptation, Erwan MENGUY a écrit les pièces du répertoire de son quartet en s’affranchissant notamment des formules occidentales habituelles, n’hésitant pas à pratiquer des superpositions dans des rythmes asymétriques, et à repenser le rapport du thème principal à l’accompagnement ainsi constitué.
De fait, ce qui frappe bien vite dans la musique de l’Erwan MENGUY QUARTET, outre son profil intimiste, c’est cette nature très acoustique et très organique, et son tempérament globalement très énergique, assurément hérité des musiques de danse au sein desquelles les quatre musiciens ont inscrit leurs parcours jusqu’à présent. La flûte se taille bien évidemment la part du lion, amenant les thèmes et s’engageant dans des développements assez diserts. Les notes d’Erwan MENGUY font montre d’une propension non dissimulée pour la folâtrerie aérienne, l’engouement serpentin, les circonvolutions sémillantes, avec parfois quelques touches plus méditatives.
La flûte est telle une anguille qui se faufile entre les cordes, ces dernières s’efforçant de cadrer ses libations en tricotant des entrelacs subtils et complexes qui lui servent surtout à rebondir, à s’élancer de plus bel dans des explorations mélodiques richement colorées, à l’instar des impressionnantes teintes automnales gorgées de soleil qui colorent les paysages boisés des photos de la pochette et des volets du digipack (photos prises par Nicolas BOCQUEL). On y voit les musiciens se promener dans une forêt luxuriante et enluminée, véritable miroir de la musique tout aussi dense et compacte délivrée par le quartet.
Mais jamais la flûte ne s’exprime en solitaire ; même dans les passages plus minimalistes, elle est constamment soutenue ou encouragée par au moins un instrument à cordes, ici la guitare, là le cistre, ou bien encore la contrebasse. Cette dernière procure à l’ensemble un swing quasi constant, mais sait se faire plus ambiguë quand elle est jouée à l’archet (cf. le titre éponyme).
Car oui, dans cette musique pleine d’entrain, il y a aussi des passages plus feutrés, au rythme temporairement ralenti, où la flûte baisse d’un ton, se fait plus discrète, autorisant les cordes à prendre les devants pendant un (court) instant. Il y a même une pièce entière dans laquelle la flûte prend des vacances prolongées (le temps de reprendre son souffle, sûrement) et laisse les clés de la boutique au cistre, à la guitare et à la contrebasse pour esbaudir leurs esprits animaux.
Bref, Erwan MENGUY a beau être le maître de cérémonie dont la parole est proéminente, il sait aussi se mettre à l’écoute de ces acolytes et interagir avec eux. De fait, son quartet a la faculté d’entraîner l’auditeur dans une escapade dont les chemins buissonniers se nourrissent d’influences diverses, irlandaise, balkanique, orientale, suédoise, etc. Les dix morceaux de Spi offrent ainsi moult vertiges aux oreilles averties et ont cette capacité non négligeable d’illuminer vos journées les plus mornes et grises. Un vent et trois cordes suffisent à faire mettre les voiles !
Stéphane Fougère
Site : https://erwanmenguy.wixsite.com/erwan-menguy
Label : www.klam-records.net