Festival interceltique de Lorient 2025
Partie 2 – Entretien avec Jean-Philippe MAURAS (directeur artistique du FIL)

Édition 2025
L’an dernier, en raison des Jeux Olympiques, la FIL avait du être décalé et légèrement écourté. Cette année, on revient vers une édition plus conforme.
Jean-Philippe MAURAS : On est très heureux de revenir sur nos dates habituelles. C’est toujours cette tradition de démarrer le premier vendredi du mois d’août et d’avoir dix jours et deux week-ends. L’année dernière, l’édition à sept jours nous a un peu laissé sur notre faim. Il y a notamment beaucoup de choses qu’on n’avait pas pu mettre en place. On retrouve donc nos bonnes habitudes.
Après la Jeunesse Celte, on revient aussi vers une thématique plus classique même si elle est cette fois plurielle.
JPM : Je ne sais pas si elle plus classique ! Certains me disaient que ça pourrait être l’année de l’Acadie. La dernière fois, c’était il y a une dizaine d’années. J’ai souhaité vraiment ouvrir sur les Celtes du Nouveau Monde, sur ces « Cousins d’Amérique ».
Au cours des derniers siècles, il y a eu beaucoup de migrations, aussi bien des Bretons que des Irlandais, des Écossais et des Gallois qui sont allés de l’autre côté de l’Atlantique pour des raisons religieuses, politiques, économiques et autres. En tout cas, ils ont franchi l’Atlantique et sont arrivés sur la Côte Est américaine. Ils n’avaient des fois pas beaucoup de bagages, mais ils avaient au moins leur langue et leur culture. Ce qui m’intéressait, c’était de montrer comment ces cultures ont évolué, des fois différemment.
Qui retrouve-t-on derrière cette appellation « Cousins d’Amérique » ?
JPM : « Cousins d’Amérique », c’est une communication, réellement ! Je n’y pensais pas en pensant uniquement francophonie. On a également des communautés anglophones, irlandaises ou écossaises qui existent aux États-Unis qui seront également présentes. On travaille bien sur la façade Ouest Interceltique en Europe et la façade Est de tous nos Cousins d’Amérique. En tout cas, c’est vraiment cette idée de l’Océan Atlantique entre les deux. C’était un peu long de mettre sur l’affiche : les cousins de la Côte Est de l’Amérique du Nord. On a donc simplifié.
Depuis l’annonce de cette thématique 2025, il y a eu des élections aux États-Unis qui ont remis en place un président, on va dire… particulier, qui entretient des relations plus ou moins houleuses avec son voisin canadien. Tu ne crains pas des heurts, des incidents diplomatiques ?
JPM : On a senti quelques tensions avec nos différents interlocuteurs sur l’automne dernier. On me disait que c’était étonnant de partir sur ce thème-là cette année.
Il faut savoir qu’un thème sur le Festival, c’est au minimum deux ans de préparation. Donc, ça faisait un moment que je travaillais sur cette idée que 2025 serait une édition sur les « Cousins d’Amérique ». Je n’aurais pas imaginé il y a deux ans que Donald TRUMP repasserait en janvier 2025, avec toutes les conséquences qu’il y a pu avoir. Cela dit, ça n’a pas dérangé la préparation puisque nos différents interlocuteurs, au niveau des différents états américains ou des différentes provinces canadiennes, étaient plutôt contents de travailler sur le niveau culturel et artistique et d’être présents à Lorient.
On en vient à la programmation et elle est intense. Alan STIVELL, c’était une évidence ?
JPM : J’aime beaucoup les artistes qui ont une actualité et qui ont une histoire ! Alan coche toutes les cases. Il coche même la case « mythe vivant ». Il a sorti un album en 2024 avec l’Orchestre National de Bretagne. C’est la vingtième fois qu’il est programmé dans la cadre du Festival Interceltique. Il était là lors de la première édition en 1971. Ce sont beaucoup de symboles.
Luz CASAL, même si elle est galicienne, c’est un peu un pas sur le côté, une proposition qui sort de la musique celtique.
JPM : Oui, légèrement, même si elle est très influencée par sa province. Elle le dit aussi ! C’est la seconde fois que le Festival l’accueille. Cela fait plaisir à beaucoup de festivaliers.
Au-delà de Carlos NUŇEZ, on connaît assez peu d’artistes galiciens. Quand il y a eu l’opportunité de cette tournée, j’ai trouvé intéressant de pouvoir reprogrammer Luz CASAL, qui est une grande dame de la musique et de la chanson.
Julio IGLESIAS est aussi d’origine galicienne, je crois (rires) !
JPM : Oui, alors là, ce serait vraiment un énorme pas de côté ! Non, ce n’est absolument pas sur mes tablettes (rires).
La québécoise Lynda LEMAY est sur cette même ligne.
JPM : On est en 2025 et on ne peut pas s’amuser à avoir des artistes qui viennent simplement pour faire un concert à Lorient et repartir. On est dans la transition écologique, toute la notion des transports. On a veillé à ce que le programme soit fait par rapport à des artistes qui venaient jouer également ailleurs en Europe et sur d’autres festivals, pas sur un seul concert, de manière à ce que le déplacement transatlantique soit le meilleur pour la planète.
Lynda LEMAY est en tournée. Elle joue également à Paimpol, au Festival du Chant de Marins. Ce sont des choses que l’on a mutualisées.
Lynda LEMAY est plus dans la francophonie et le contexte québécois. C’est une artiste qui est connue. On pourrait parler également de LE VENT DU NORD, de tous les artistes québécois ou acadiens qui sont présents. Ils ont tous des notoriétés différentes mais c’était une belle opportunité de l’accueillir sur Lorient.
Elle est aussi dans une mouvance folk !
JPM : Exactement ! Comme pourraient être d’une certaine manière des Gilles SERVAT, des Christy MOORE et autre Bob DYLAN.
Le groupe québécois LE VENT DU NORD se produira avec l’Orchestre National de Bretagne ?
JPM : LE VENT DU NORD, c’est la quatrième ou cinquième fois qu’il vient. On travaille aussi avec l’Orchestre de Bretagne d’une manière assez récurrente. On s’était mis d’accord avec Marc FELDMAN, qui est l’ancien directeur, pour pouvoir faire ce spectacle. C’était l’occasion d’une collaboration entre Québec et Bretagne. On est complètement dans notre thème.
C’est un groupe que l’on aime beaucoup. Comme le spectacle a déjà été donné, toutes les partitions existent. L’Orchestre National de Bretagne, qui est un ensemble de très grande qualité, a travaillé là-dessus.
Un autre spectacle donne l’eau à la bouche, c’est la soirée irlando-américaine avec LUNASA et SOLAS.
JPM : Évidemment ! Pour ceux qui ont suivi la programmation du FIL 2025, il y a une petite vidéo qui a été donnée en mars dernier et la musique, c’est SOLAS.
Quand je travaillais sur le thème, je pensais à ce groupe, qui est un groupe américain faisant de la musique irlandaise. Les deux leaders sont basés à New-York et Boston. Ils sont de la deuxième ou troisième génération de ces communautés irlandaises.
Le groupe ne tournait plus. Il avait arrêté en 2016. J’ai appris la bonne nouvelle en 2024, qu’il se reformait et repartait en tournée à partir de janvier 2025. L’occasion était trop belle, bien évidemment ! La première date en Europe aura lieu à Lorient.
Je suis très heureux de l’accueillir à nouveau, sachant qu’il y a un an, on n’était pas encore au courant qu’il se reformerait. J’ai suivi la tournée qui a eu lieu aux États-Unis et au Canada en février, mars, avril et mai. Il repart en très grand forme.
Il y a une autre formation qu’on connaît bien à Lorient qui s’appelle LUNASA. Il se trouve que deux des musiciens de LUNASA sont également de New-York. On est vraiment sur une notion de pont entre l’Irlande et les États-Unis. On sait que c’est très marqué musicalement.
On pourrait se dire que les deux formations se rencontrent souvent à travers leurs tournées, mais ce n’est pas le cas. C’est une belle opportunité de voir ensemble sur une même scène sans doute deux des meilleurs groupes de musique irlandaise existants aujourd’hui dans le monde.
L’an dernier, l’Espace Jean-Pierre PICHARD était simplement un chapiteau sans aménagement au sol. Cette année, on retrouvera l’espace que l’on a connu auparavant ?
JPM : L’édition 2025 voit le fait que l’on n’a pas le Théâtre de Lorient. La scène est en réfection durant tout l’été. La programmation que l’on pouvait trouver au Théâtre sera entre le Palais des Congrès et l’Espace Jean-Pierre PICHARD.
Cet espace, qui est la grosse scène du Festival, est en deux temps. Sur la première moitié du FIL, c’est une jauge assise avec gradins et chaises et sur la deuxième partie, c’est une jauge débout, plus pour les soirées Bouge ton Celte! et ÉlectroFil.
Le Breizh Stade ne sera pas présent par contre !
JPM : Je le dis souvent, le FIL reste un festival urbain. On est en plein cœur de ville. Une ville, elle évolue, elle s’urbanise.
Cette année, il y a les travaux autour du stade pour aménager le futur parc du Moustoir. On ne disposait pas de l’espace nécessaire pour faire le Village Celte qui se situe à cet endroit depuis quelques années. On n’a pas trouvé d’espace équivalent.
En revanche, on crée un nouveau lieu qui sera sur Quai de Rohan que l’on appelle la Taverne Celte. C’est un lieu de restauration où tous les soirs il y aura des dîners-spectacles à thèmes. Cela permet d’avoir un menu spécial en lien avec une Nation Celte et des concerts d’artistes présents pendant tout le dîner.
Un trophée Soïg-Siberil a vu le jour.
JPM : Cela s’est fait assez récemment. Le guitariste est décédé début avril cette année. Au-delà de ses plus de quarante ans de carrière, Soïg a du jouer au FIL quasiment chaque année sous son nom ou dans une formation. C’est venu assez vite de se dire ce qu’on pouvait faire comme clin d’œil. On a pensé un moment faire un concert hommage. Mais on ne peut pas inviter tout le monde. Il y a toujours une forme de frustration.
On a beaucoup dit qu’il était le père des accords ouverts, de l’ « open tuning ». On s’est dit qu’on pouvait faire un trophée de guitare pour permettre à des guitaristes qui le souhaitent de candidater et de gagner ce trophée. C’est aussi pour mettre en avant un instrument que Soïg a été l’un des premiers à jouer en solo. On a monté ça en accord avec son fils et ses amis. Le prix est une guitare Maton qui est un luthier australien. Là aussi, on est sur l’Interceltisme au cœur du projet.
Je sais que c’est quelque chose qui te tient à cœur. Une nouvelle mouture de Celtic Odyssée avec un nouveau maître de cérémonie va être jouée.
JPM : Celtic Odyssée, c’est une des choses que j’ai développées en prenant la direction artistique du Festival. On avait déjà les Nuits Interceltiques – Horizons Celtiques qui sont ces grands spectacles au Stade du Moustoir avec tous les pipes-bands, bagadou, cercles et groupes de danses des différentes nations. C’est un énorme spectacle son et lumière qui parle de chaque nation et de cet Interceltisme.
Je souhaitais faire également, en parallèle, un voyage Interceltique plus musical, une odyssée à travers les musiques et chants, en ayant toujours un directeur musical, un chef d’orchestre.
Au cours de trois dernières années, c’était Ronan LE BARS avec à chaque fois une distribution différente, des artistes de renom de chacune des nations. Au bout de trois ans, j’ai souhaité proposer une nouvelle direction musicale. C’est Calum STEWART qui est écossais et que l’on connaît bien sur Lorient, qui habite en Bretagne et qui connaît bien cette notion d’Interceltisme. On a travaillé ensemble sur une nouvelle distribution.
Souvent, la première est donnée durant le Festival. Cette année, c’était en mars dernier au Théâtre.
Il y a aussi une grosse surprise en début de Festival : il n’y a pas de Championnat des Bagadoù le premier samedi.
JPM : Ce n’est pas lié à l’organisation du Festival ! Les bagadoù sont regroupés sur une confédération qui s’appelle Sonerion. Pour plein de raisons, notamment économiques, pendant l’hiver en janvier dernier, ils ont pris la décision de ne pas faire de concours d’été pour faire des économies et pour réfléchir à ce que devait être le modèle pour eux à partir de 2026.
La conséquence qu’il n’y ait pas de concours impactait directement le Festival. Il faut savoir que le FIL est né en 1971 avec l’accueil de ce concours qui arrivait de Brest. Ce concours fait donc partie de l’ADN du FIL.
On a beaucoup travaillé, on a beaucoup discuté avec Sonerion et on a décidé de faire en sorte qu’il y ait des bagadoù sur ce premier week-end. On fait donc un grand concert des bagadou de première catégorie, c’est-à-dire de l’élite, le samedi après-midi au stade du Moustoir et des bagadou de deuxième catégorie, le dimanche après-midi à l’Espace Jean-Pierre PICHARD. Ce ne sont pas des concours mais des trophées. Pour la première fois, ce sera un prix du public. Le public présent aura la possibilité de voter pour son coup de cœur à l’issue du concert. Maintenant, avec la magie de l’informatique, on aura très vite un nom qui va ressortir et le bagad gagnera le trophée Polig MONJARRET pour la première catégorie et le trophée Hubert RAUD pour la deuxième catégorie.
Ce n’est pas le concours habituel, mais c’est aussi une forme de challenge où le seul jury sera le public.
Cela réservera peut-être des surprises ?
JPM : Oui puisqu’il n’y pas de règlement en tant que tel. Au-delà du temps de jeu, les bagadoù sont très libres. Là où des fois il y a des règles précises, ça va permettre de belles surprises.
Le championnat aurait-il pu être organisé directement par le FIL ?
JPM : Je ne l’ai pas souhaité. On travaille en partenariat avec SONERION. On respecte notre interlocuteur. On ne peut par avoir comme interlocuteur chacun des cent trente bagads de Bretagne. Ils ont une fédération. On respecte les choix pris.
On n’a pas à organiser à la place d’une fédération avec laquelle on est partenaire depuis cinquante-quatre ans. L’organisation des concours est liée à SONERION. Techniquement, on aurait pu, bien évidemment. Mais politiquement, ce n’était certainement pas quelque chose de positif en tant que message.
On retrouve aussi la soirée Bouge ton Celte ! que tu avais initiée l’an dernier.
JPM : J’aime beaucoup ce titre-là, ça résume tout ! L’an dernier, l’Espace Jean-Pierre PICHARD était blindé, il y avait une super ambiance. C’est ce côté festif qu’on aime bien ! On remet le couvert cette année avec les RED HOT CHILLI PIPERS, les filles de TOXIC FROGS et un groupe canadien qui n’est pas de la Côte Est mais de la Côte Ouest, du côté de Vancouver, qui s’appelle THE REAL MCKENZIES.
Il y a un côté punk aussi.
JPM : Oui, c’est ce qu’on appelle le punk celtique, le rock celtique. On aime se lâcher sur ces musiques et faire la fête pendant quatre ou cinq heures.
Le FIL a mis du temps avant de s’ouvrir à ce type de musique.
JPM : C’était peut-être un type de musique qu’on retrouvait plus dans le « Off ». Pourtant, c’est quelque chose qui a complètement sa place dans le « In » également, comme toutes les musiques dites « actuelles » ou « contemporaines ». Je mets toujours ça avec des guillemets. On nous classe souvent dans le contexte des musiques traditionnelles. Mais une musique, qu’elle soit bretonne ou autre, elle peut être de forme traditionnelle comme contemporaine. Aujourd’hui, il y a énormément de groupes de néo-trad, d’électro-trad, etc. Cela ne pose aucun problème. Ce sont des groupes qui ont un discours artistique et qui sont de très grande qualité. On reste sur la culture bretonne comme sur les cultures celtiques, irlandaise, écossaise et autres, sur des cultures vivantes et une culture vivante, c’est une culture qui vit complètement dans son époque.
On est en 2025, on va évidemment programmer des choses qu’on n’aurait peut-être pas programmées il y a quarante ou trente ans parce que ça n’existait tout simplement pas. J’aime à dire qu’une programmation doit être la plus éclectique et la plus ouverte possible.
J’aime beaucoup le métal celtique. On pourrait voir ce genre de groupes ?
JPM : Je reste complètement ouvert ! Je viens beaucoup plus des musiques dites traditionnelles. Il y a des choses qui me parlent aussi. L’Interceltisme est une réalité qui n’est pas que sur un genre de musique qui serait simplement cloisonné sur ce qui est bien ou pas bien. C’est un ensemble.
Le lendemain sur la même scène, c’est une soirée électro qui se tiendra.
JPM : De l’électro, on en fait un petit peu depuis qu’on a le Kleub. On avait envie d’aller un peu plus loin et de vraiment faire une soirée électro avec tous les codes et avec une programmation de groupes qui ont tous un lien avec nos musiques celtiques.
On va accueillir MELISANDE, électro-tard du Québec, TEKMAO de Bretagne, les irlandais de YARD, une formation aussi très connue dans le monde de l’électro. Pour faire les liens, on aura aussi le collectif SUBMARINE PROJECT.
Là, on sait qu’on permet à un public qui peut-être se dit que le FIL n’est pas pour lui de se faire une soirée électro au cœur du Festival.
L’an dernier, tu avais lancé l’Interceltic Music Camp, une rencontre de jeunes chanteurs et musiciens venant des différentes nations celtes. C’était juste un coup unique ou on pourrait le revoir ?
JPM : J’aurais bien aimé qu’on puisse continuer cette année. L’organisation paraît simple comme ça sur le papier, mais elle est très complexe. On s’est donné rendez-vous pour 2026. On va commencer à travailler dès la rentrée.
Cela a été une expérience extraordinaire. C’était très chouette pour les musiciens, pour les festivaliers. On souhaite vraiment pouvoir reprendre ce thème-là. Ce n’est pas toujours aussi simple de trouver des financements pour pouvoir monter ce type de projets.
Autour du FIL
Les différentes Nations Celtes, Australie et Nouvelle-Zélande comprises, ont un responsable pour leur délégation. Comment le FIL s’y est pris cette année avec les Cousins d’Amérique ?
JPM : On a un ou une délégué(e) dans chacune des nations. Pour les USA, il n’y en a pas. Il y a eu par le passé un délégué acadien. Il n’y en a pas actuellement.
Même si on a des délégués, on travaille avec la nation directement. Là, ça a été un travail avec chaque province et chaque état. Il a fallu travailler avec les États de Louisiane, de New York, du Massachusetts, avec le Nouveau-Brunswick, La Nouvelle-Écosse, Terre-Neuve, le Labrador et l’Île du Prince-Édouard, avec Québec et l’Ontario. Il y a donc eu énormément d’interlocuteurs, ce qui a pris énormément de temps et ce qui a été aussi passionnant pour essayer de faire l’édition la plus large possible.
On ne fera pas ça tous les ans. Le thème du Festival reste toujours l’Interceltisme et la thématique est un focus. C’est une couleur que l’on donne.
Ces « Cousins d’Amérique » pourraient-ils conserver une présence dans les éditions à venir ?
JPM : Par rapport aux discussions qu’on a eu en amont du Festival, c’est un souhait de quelques provinces et états d’être à nouveau présent. On va en discuter sérieusement dès la rentrée pour voir si on aura à nouveau l’Acadie ou la Louisiane en 2026. Ils sont bien entendu les bienvenus au même titre que chaque nation ou diaspora. C’est un investissement humain et financier. On travaille avec chaque nation. Si une nation n’a pas envie d’être présente, elle ne l’est pas.
Cela peut donc arriver qu’une nation ne souhaite pas être présente une année ?
JPM : Cela arrive assez rarement. Parfois il y a des changements politiques, des questions de budget. C’est le cas cette année ! Il n’y a pas de pavillon du Pays de Galles. Les fonds de la culture n’ont pas été votés. On a recommencé à discuter. J’escompte bien que dès 2026, le pavillon soit présent. Cela n’empêche pas qu’il y a quand même des artistes gallois.
Il est important de faire en sorte que les états, provinces ou nations puissent être présents et marquer leur volonté de liens avec cet Interceltisme qui est culturel et artistique mais qui va aussi beaucoup plus loin en étant politique et économique. Ce sont ces liens que le Festival tisse depuis plus de cinquante ans.
La culture bretonne a connu ces derniers mois une période difficile. Diwan, Dastum, Sonerion rencontrent des difficultés. Amzer-Nevez et Coop Breizh ont été liquidés. J’imagine que tout cela t’inquiète.
JPM : On ne reste pas indifférent à ce qui se passe. On sent qu’on est sur la fin d’un cycle, d’un modèle qu’il soit économique ou associatif. Il faut se réinventer. Il y a des modèles qui ont fonctionné pendant vingt, trente, quarante, cinquante ans ou plus. Je ne jette la pierre à personne, mais ils n’ont peut-être pas su évoluer, faire la transition ou changer de modèle au moment où il le fallait.
On est sur des domaines culturels. Hélas, ce n’est pas toujours vu comme des moteurs d’économie, ce qui est faux. La culture génère une économie et cette économie, elle est aussi importante pour une ville, un territoire, une région ou une nation.
C’est en tout cas un constat, très triste, mais au niveau du Festival on reste vigilants. Comme tous les festivals, on reste des colosses aux pieds d’argile puisqu’on est quand même très dépendants de la météo. On peut faire le meilleur Festival du monde, on ne peut pas maîtriser ce contexte météo. Tout cela a des incidences très rapides sur l’économie d’une manifestation. Quand les dix jours sont terminés, on ne peut pas les refaire la semaine suivante. On est obligés d’attendre l’année suivante.
Il faut peut-être avoir d’autres modèles, d’autres représentations, d’autres moyens de vivre sa culture, d’intéresser un plus grand nombre à notre culture bretonne et aux autres cultures celtiques. On regarde également ce qui se passe dans d’autres pays.
Ce sont les coûts de fonctionnement qui sont devenus exorbitants et il n’y a pas forcément les recettes financières. C’est comme ça que ça périclite. Les gens constatent que c’est dommage mais peut-être aurait-il fallu changer de modèle avant.
Il y a malgré tout des signes positifs. On voit une jeunesse bretonne, des enfants, des adolescents et des jeunes adultes qui sont présents, qui vivent cette culture. On voit la moyenne d’âge dans les bagadou, dans les cercles celtiques, dans les groupes qui sont sur scène. C’est une culture qui est vivante. On dit que rien ne se perd, tout se transforme ! On est là-dessus ! On est à un passage un peu particulier, un changement de modèle. Le modèle associatif et militant des années 60 et 70, qui a fait des choses extraordinaires, est toujours là mais il doit se renouveler, trouver un autre moyen d’exister, trouver un autre moyen économique pour pouvoir générer les emplois qui sont liés à ce contexte culturel.
Il faut se poser, il faut réfléchir, il faut observer trouver la ou les bonne(s) idée(s).
Plus légèrement, une BD sur le FIL est récemment parue.
JPM : C’est une BD reportage sur le Festival. L’éditeur nous avait contactés en 2023 pour proposer cette idée. Il avait fait la même chose pour le Hellfest. On a trouvé cette idée plutôt séduisante. C’est vrai qu’il n’y avait pas de bande dessinée jusqu’à présent sur le FIL. On a beaucoup échangé et on a accueilli l’auteur, Gaston, lors de l’édition 2024. Il est arrivé pour la première fois à Lorient. Il a passé cinq/six jours avec nous et il a découvert. Il a fait plein de notes, de croquis et ensuite il a mis tout ça en page.
C’est le regard de quelqu’un de complètement extérieur sur la manifestation, sur tous ses aspects. Il y a un côté très sympa, très taquin aussi, un petit côté « ils sont fous ces Bretons ! ». La BD est en français, et l’éditeur a décidé d’en faire des éditions intégralement en breton et en anglais.
Un roman policier a aussi vu le jour, Mystère au Festival Interceltique, écrit par Farid AFIFI. As-tu eu l’occasion de le lire ?
JPM : On m’en a parlé. Je ne l’ai pas lu, mais ça va être une chose à faire dès la rentrée.
Ce n’est pas la première fois qu’il y a une histoire de crime pendant le Festival dans un roman.
JPM : Il y a déjà eu Meurtre au Festival Interceltique de Mariannig LARC’HANTEC. C’est étonnant parce que ce n’est pas forcément pendant le Festival, mais toujours au niveau de la préparation ou des montages. C’est un thème qui inspire.
Il y serait question d’un Directeur qui ouvrirait le FIL à la culture berbère. Cela te donne des idées ?
JPM : Je suis ouvert à toutes les cultures du monde. Cela dit et en tout cas, je me sens responsable par rapport à ça. On est le Festival Interceltique de Lorient ! C’est effectivement de mettre en avant ces différentes cultures celtiques et de les faire se rencontrer. On n’est pas un festival des cultures du monde. Déjà, l’Interceltisme, on ne peut pas en faire le tour. Si je commence à ouvrir encore plus la thématique, on irait très, très loin. Il arrive par moments qu’il y ait des fusions avec telle ou telle culture, mais réellement c’est d’abord la mise en avant des cultures celtiques, d’Europe et de toutes les diasporas à travers le monde, et Dieu sait qu’il y en a. On le voit bien cette année avec les Cousins d’Amérique. Le champ est très vaste.
On est un festival singulier. Il y a UN Festival Interceltique en France, que tout le monde connaît. Quand les gens viennent à Lorient, c’est pour vivre et découvrir cet Interceltisme. On ne va pas aller forcément s’égarer ailleurs !

Entretien réalisé le 23 juillet 2025 par Didier Le Goff
dans les studios de RCF Sud Bretagne à Lorient
en collaboration avec David, technicien-réalisateur. Un grand merci à lui.
Un grand merci à Victoria
de l’agence de communication HEYMAN ASSOCIÉS
Lire notre compte-rendu de l’édition 2025 du festival Interceltique de Lorient
Site du Festival : https://www.festival-interceltique.bzh
