FORABANDIT – Port

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FORABANDIT – Port
(Full Rhizome / Buda Musique)

ImpressionTrois individus… pardon, trois individualités, trois cultures différentes, mais un seul port. Le pluriel n’est pas dans le titre, mais il est dans la musique. Celle-ci doit autant à l’héritage des troubadours occitans que de leurs équivalents turcs, les aşiks, reliés par des rythmiques orientales chamarrées. Un seul port, comme une seule musique… plurielle. Une musique au creuset immanquablement méditerranéen, portée par des vents de sens contraire, soufflant de l’ouest comme de l’est, voici FORABANDIT de retour, sans que l’on sache trop si le groupe revient de loin ou part au loin. Sans doute un peu des deux, l’image du port, ici omniprésente, conjugue à la fois les points de départ et les points d’arrivée des existences en transit, celles des brigands de grands chemins (maritimes, en l’occurrence), des insoumis, des marginaux, des mis à l’écart, des « forabandi », comme on dit en Occitanie.

Ce disque, le second du groupe, est en tout cas une nouvelle aventure, mûrie par les concerts qui ont suivi la sortie du premier opus éponyme, en 2012 (voir notre chronique ICI). Ce dernier était la carte de visite obligatoire, présentant les voix, les cordes, les peaux, les langues, les cultures de chacun des membres du trio. Dans ce nouvel opus, nos « Forabandits solitaires » nagent sans bouée ni filet dans les eaux du Port. Sam KARPIENA et Ulaş ÖZDEMIR ont écrits eux-mêmes les textes des dix morceaux de ce CD. Et avec Bijan CHEMIRANI, ils ont conçu les arrangements musicaux.

Il n’est plus question de se justifier en empruntant, comme précédemment, à des mélodies traditionnelles et aux écrits de poètes anatoliens et occitans des deux derniers siècles passés. FORABANDIT ne représente plus une ou des cultures, il se présente tel qu’en lui-même, définit un son qui lui est propre, enraciné dans l’acoustique, mais bénéficiant à l’occasion des traitements analogiques ou digitaux qu’offre le travail en studio. Et Port est résolument le « dit » (au sens littéraire) de FORABANDIT.

La poésie qui s’y chante (en solo, en duo ou ou en harmonies vocales) ne se confond pas avec une enjolivure, ni un objet de musée déconnecté du monde actuel. Ici, on raconte l’exil, l’amour, et les conséquences de l’un sur l’autre ; en somme des sujets d’hier, d’aujourd’hui et de demain, que l’on traîne d’escale en escale. « Venant de l’éternité, dans l’océan nous avons plongé ; nous sommes devenus lumière, étoiles, chandelles » (Mum Olduk).

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FORABANDIT ne se contente pas, selon la formule consacrée, d’« inviter au voyage ». Il raconte les périples des existences ballottées par les grains et les tempêtes. « Elle se marie sous les bombes, entre les gouttes qui tombent » (La Novia Barané). « Chaque vague est le miroir d’une étoile qui vacille » (Monde Marcha).

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Cette poésie ne contourne pas le réel, elle le renvoie comme un uppercut. « Mon frère s’en va à la guerre, ne sait pourquoi la faire mais doit se taire » (Gardaş). FORABANDIT chante ces vies chavirées, heurtées, brisées, raccommodées, en quête d’un phare, donc d’un port. « J’entends au loin le port, ses femmes et ses enfants ; j’entends au loin le port, cris fraternels » (Liman). « Je suis retourné à moi-même, comme un passager à ce port » (Nemidoonem).

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Il y a des échos de Louis-Auguste BLANQUI, de Walter BENJAMIN, de Charles BAUDELAIRE, des vagues d’Omar KHAYYAM, de Jaufré RUDEL, des lignes d’horizon tissées de Susan SONTAG, de Friedrich NIETZSCHE, des embruns de MOUSSU T et LEIS JOVENTS ou même des ressacs du groupe de rock progressif turc NEKROPSI, le tout épicé de mandocelle, de baglama, de cura, de daf, de zarb, de riq ou de bendir.

Port n’est plus une expérience, une rencontre, c’est le disque d’un groupe de musique d’ici et de maintenant, nourri d’histoires, de cultures, de sons médiévaux, traditionnels ou modernes, et qui s’est façonné une identité échappant aux classifications vétustes.

Les étiquettes « world » et « musique actuelle » s’avèrent si floues et vaines face au visage aride et aux traits rugueux de FORABANDIT. Oui, cette musique a une gueule, et donc une âme.. de préférence rebelle ; mais sans hargne, juste déterminée à dire ce qu’elle est. Car elle mérite d’être. Et pour être à son écoute, il y a intérêt à avoir bien amarré ses oreilles !

Stéphane Fougère

Page : www.forabandit.com

Label : www.budamusique.com

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