FORGAS BAND PHENOMENA – Acte V

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FORGAS BAND PHENOMENA – Acte V
(Cuneiform Records / Orkhêstra)

Cette nouvelle galette du plus Canterburyen des compositeurs (et batteurs) franciliens a des relents de « fin de partie », si l’on en juge par son titre. Quant on en arrive à l’Acte V, c’est qu’on n’est plus trop loin de l’épilogue, non ? (Certains diront même qu’on l’a dépassé depuis longtemps…) Et que lit-on sur la pochette ? « La Grande Roue ne sera bientôt plus qu’un souvenir. » Gulps ! La Grande Roue ? Celle-là même qui illustrait le premier CD du FORGAS BAND PHENOMENA, comme par hasard intitulé… Roue libre ? Et que l’on voit ici avec un  échafaudage en forme de V… V comme Acte V. Et bien sûr, l’un des morceaux de ce nouveau CD s’intitule George V. Hum… Je ne sais si FORGAS est amateur de Jeu de l’oie ou de Monopoly, mais il est assurément porté sur les jeux de pistes, les jeux de mots… qu’il reflète dans sa musique par des jeux de notes et de climats.

Dans le livret, Patrick FORGAS parle de ses sources d’inspiration : il fait allusion à des alchimistes (FULCANELLI, Eugène CANSELIET), des écrivains pré-surréalistes (Raymond ROUSSEL) là où, musicalement, l’auditeur averti relèverait plutôt les ombres tutélaires de NATIONAL HEALTH, Frank ZAPPA, Jean-Luc PONTY, RETURN TO FOREVER…

C’est dans cet étrange jeu de miroir entre influences musicales et inspirations littéraires que FORGAS inscrit sa quête musicale/philosophale… À défaut de faire des albums-concepts, FORGAS trace un chemin dont les étapes discographiques sont reliées par un fil conducteur.

Il ne faut donc pas s’étonner que la musique ait un air de famille d’un disque à l’autre : pas question pour FORGAS de bifurquer, de dériver ou simplement de dévier d’un iota pour le seul plaisir de changer. Il a conçu une architecture stylistique ambitieuse et foisonnante dont les éléments sont désormais très identifiables : des mélodies prenantes, des soli denses et mesurés, des détours, des rebonds, des cassures, des embrasements, des replis, des assauts, des rêveries, assurés par un septette (violon, saxophones, trompette, guitare, claviers, basse et batterie) chavirant entre rock et jazz et pratiquant une fusion personnalisée et animée d’un tempérament virevoltant.

L’ensemble est servi par une production léchée qui met chaque instrumentiste en lumière et en relief, sans que l’on ressente la moindre once de chaos sonique ou d’enfumage anarchique : de l’orfèvrerie sonore mise au service d’une opulence instrumentale.

Si la musique de FORGAS n’a pas changé de parfum (ni de crèmerie), c’est aussi parce que la formation du PHENOMENA est restée stable depuis le disque précédent, L’Axe du fou. On peut parler d’événement puisque, dans ces jeunes années, le FORGAS BAND PHENOMENA était plutôt du genre à alterner la girouette et la valse en matière de personnel. Il y a donc un phénomène (sans jeu de mots – ou plutôt si !) de cristallisation qui s’est opéré au sein du groupe, une fusion des matériaux en présence qui confère à ce groupe une solide assise musicale.

Ce faisant, Patrick FORGAS, toujours unique compositeur en chef, s’est employé à épurer ses morceaux qui, de pièces montées qu’ils paraissaient avant, deviennent des gâteries fourrées. La différence est dans le dosage. Sur les six compositions enregistrées ici, deux seulement dépassent les dix minutes. Mais il y a tant à écouter dans chacune d’elles qu’on ne peut déceler aucun temps mort, aucune baisse de forme. Tout réside dans l’art de faire fondre la matière (en fusion), de la débarrasser de son trop-plein. Il n’y a pas lieu de s’en plaindre.

Ce qui confère à cet Acte V son aspect d’aboutissement artistique est également la présence d’un DVD comprenant la captation du concert du groupe lors de son passage au NEARfest en 2010, devant mille personnes. Quand on se rappelle que les premiers concerts du PHENOMENA en France avaient lieu sur des péniches avec parfois moins de dix pékins, on mesure le chemin parcouru !… Cette consécration a de plus un caractère anthologique puisque, dans ce concert, chaque album du FORGAS BAND est représenté dans la set-list par un ou deux morceaux et que le groupe rôde déjà sur scène deux compositions que l’on retrouve dans le CD ; bref, c’est quasiment un « nec plus ultra » en images qui nous est montré !

Acte V fait donc coup double : à la fois rétrospective en images et nouveau chapitre en audio. Qui a dit que la Grande Roue devait s’arrêter de tourner ?

Stéphane Fougère

Site : http://forgasbp.online.fr

Label : www.cuneiformrecords.com

(Chronique originale publiée dans
TRAVERSES n°32 – septembre 2012)

 

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