GILES / GILES / FRIPP – The Brondesbury Tapes

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GILES / GILES / FRIPP – The Brondesbury Tapes
(Voiceprint)

Par quel caprice de l’esprit en vient-on à vouer un culte à la jeunesse de musiciens qui, pour eux, ne fut pas forcément rose ? La carrière musicale du trio GILES, GILES & FRIPP est celle d’un bide presque parfait ; celle de deux jeunes frères, Peter et Michael GILES, qui sont montés à Londres avec l’intention de monter un groupe de pop music qui devait forcément marcher. La rencontre avec un guitariste talentueux, Robert FRIPP, et la signature d’un contrat avec le label Decca laissaient présager de beaux jours… C’était compter sans divers déboires, la désaffection du public pour l’unique disque du trio, The Cheerful Insanity of GILES, GILES & FRIPP (1968), pourtant pas si mal accueilli par la critique, et l’impossibilité de tourner. L’aventure aura duré seulement quinze mois, et la « folie joviale » des GILES & FRIPP s’est métamorphosée en une confusion qui est devenue leur épitaphe, comme disait l’autre…

Or, le disque du trio, ressorti depuis en CD avec des bonus, est aujourd’hui devenu une curiosité indispensable à tout fan de KING CRIMSON qui se respecte. Il est vrai que l’année suivante (1969) fut celle de la naissance du « Roi cramoisi », avec la plupart des musiciens impliqués dans GILES, GILES & FRIPP : Michael GILES, Robert FRIPP, mais encore Ian Mac DONALD, qui avait rejoint les GILES, GILES & FRIPP avec sa « girlfriend » Judy DYBLE (ex-FAIRPORT CONVENTION), et son parolier, Peter SINFIELD. Aussi l’histoire de GILES, GILES & FRIPP est-elle de nature à mettre la puce à l’oreille de tout mordu crimsonien désireux d’en savoir plus sur la genèse de la chose.

Voici donc un nouveau document qui devrait l’attirer : des bandes inédites et parfaitement écoutables du trio de « gilets-frippes », en sommeil depuis une trentaine d’années, enregistrées en amateur avec des moyens semi-professionnels dans leur fief de Brondesbury Road, à Londres, durant l’été et l’automne 1968, soit dans les derniers mois d’existence du groupe. Précisons que ces Brondesbury Tapes avaient déjà fait l’an dernier l’objet d’une parution en 33 Tours (!) sous le titre Metaphormosis.

Ce CD en est une version augmentée et constitue le complément idéal à l’album The Cheerful Insanity…, avec de plus de fructueuses notes de livret rédigées par Peter GILES. Pas de changements extraordinaires sont à déceler sur le plan musical, mais l’amateur trouvera son compte d’inédits, avec en prime sur quelques pièces la sirène Judy DYBLE au chant.

Ce n’est évidemment pas dans ces pop-songs chatoyantes aux reflets folk et jazzy que se laisse entrevoir l’ombre du Roi cramoisi, mais certaines pièces aux développements instrumentaux plus ambitieux (Erudite Eyes, Suite n°1, Wonderland, Make it Today…) en disent un peu plus long. Certes, on décèlera difficilement toute trace saillante de « l’homme schizoïde du XXIe siècle » à l’horizon de cette collection. Et pourtant, il devait déjà rôder… Mais c’est bien connu, trop d’indices brouillent les pistes.

Cela dit, on trouvera dans ces Brondesbury Tapes deux versions préhistoriques de l’onirique chanson I Talk to the Wind (un classique du KING CRIMSON première mouture). L’une de ces versions est interprétée par le batteur Michael GILES, et l’autre par Ian McDONALD et Judy DYBLE. Cette dernière n’est pas inconnue des « die-hard fans » du Roi Cramoisi, puisqu’elle figurait sur la compilation A Young Person’s Guide to KING CRIMSON parue en 1976.

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Enfin, on trouve également dans ces Brondesbury Tapes deux versions de Why Don’t You Just Drop in, qui sera joué par KING CRIMSON lors de ses concerts en 1969 et qui renaîtra sous le titre The Letters sur l’album Islands (1971).

Enfin, le Sherlock crimsonien reconnaîtra un extrait de Peace (thème récurrent de l’album In the Wake of Poseidon de KING CRIMSON) dans Passages of Time et se rappellera que Under The Sky a été repris sur l’album solo de Peter SINFIELD, Still (1973).

Bref, si son double schizoïde n’est pas encore au rendez-vous de ces Brondesbury Tapes, le Roi cramoisi y avance cependant masqué, attendant que la folie joviale des Gilets-Frippes ne dégénère subrepticement, ce qui n’allait pas tarder à se produire. « The Rest is History », comme on dit… 

Stéphane Fougère

(Chronique originale publiée dans
TRAVERSES n°10 – janvier 2002)

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