GONG – Unending Ascending (Special Edition)

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GONG – Unending Ascending (Special Edition)
(K-Scope)

Deux albums studios et un double album live plus tard, la nouvelle génération de GONG persiste et signe avec un troisième album studio dont le titre lui-même, Unending Ascending (« une ascension sans fin »), fait un pied-de-nez aux langues boudeuses qui ne lui prédisaient pas d’avenir. Qu’on le veuille ou non, GONG a survécu à la disparition – il y a presque une décennie maintenant – de son mentor. Et celle-ci a paradoxalement donné naissance à la formation la plus pérenne du GONG, qui était auparavant plutôt connu pour ses changements incessants de personnel, ses variantes ou métamorphoses nominales et son organisation un rien bordélique par instants.

Aujourd’hui, il n’y a plus qu’un GONG, celui constitué de Kavus TORABI (guitare, chant), de Fabio GOLFETTI (guitare), de Ian EAST (vents), de Dave STURT (basse) et de Cheb NETTLES (batterie, percussions), et il est solidement ancré dans les préceptes de la tradition gonguesque sans se sentir obligé d’imiter ses avatars antérieurs. Il n’y a pas de chef attitré, les compositions sont le fruit d’un travail collectif, et seuls les textes sont signés du seul Kavus TORABI, qui a la lourde tâche de servir de « vitrine pot-head-pixienne » lors des concerts. De plus, chaque disque est conçu comme un « trip » cosmique dans le plus profond terroir de l’univers psychédélique, illustration de pochette à l’appui. Et avec celle d’Unending Ascending, on est une fois encore bien servis. Avec la musique aussi, je vous rassure. Mais pouvait-on en douter ?

Cette « ascension sans fin » prend donc la forme d’une expédition en huit étapes, soit le double de celle exposée dans The Universe also Collapses. On aura compris qu’il ne faut pas chercher ici de nouvelles pièces à tiroirs étirée sur quinze ou vingt minutes : le format des morceaux est au contraire plus ramassé, plus compact, et ce quelle que soit leur orientation, acid-rock ou planant-psyché, à l’exception d’une pièce qui s’étale sur presque dix minutes. Plus formaté pour les passages radio ? Peut-être, à supposer que des médias aujourd’hui soient preneurs d’une musique qui puise ses racines dans une autre époque et qui cultive un état d’esprit pas franchement dans les tendances actuelles…

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Mais GONG a eu l’intelligence de construire astucieusement cet album en faisant s’enchaîner quasiment toutes les pièces (en tout cas sur la version CD, la version vinyle étant fatalement coupée en deux faces), de manière à pousser l’auditeur à l’écouter d’un seul tenant. On n’écoute pas un recueil de chansons posées là dans un ordre aléatoire, on part dans un p…. de trip qui nous fait alternativement décoller, remuer, planer, s’agiter, piquer du nez, s’extasier et s’envoler dans toutes les dimensions possibles et imaginables au sein d’un kaléidoscope contrasté de sensations, de visions et d’émotions.

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L’auditeur se retrouve ainsi embarqué dans une exploration sidérale à travers les galaxies étroites à bord d’une guitare en forme de vaisseau spatial, croisant le navire d’une déesse mésopotamienne avant d’accéder à l’étoile la plus brillante de la constellation du Bouvier et que, à la faveur d’une remise à l’heure des horloges du bord, il soit sommé de choisir sa déesse, et de se livrer à une invocation lunaire avant de sombrer dans les bras de Morphée…

Il n’y a pas à dire : à condition de faire abstraction de ces résistances intellectuelles au sujet de la légitimité d’une pareille galette et de l’équipe qui l’a cuisinée à porter le nom GONG, c’est le genre de trip qui a un goût de « revenez-y » !

Vous aviez dégusté cette galette l’an dernier ? Vous êtes passé à côté et vous le regrettez ? Qu’à cela ne tienne : ce disque de GONG est comme une boucle spatio-temporelle, il revient toujours se positionner devant votre troisième œil…

Car on a beau faire de nos jours une musique dont les origines remontent à une autre « époque », on en est pas moins tributaire des modes de production et de diffusion de cette musique à l’époque actuelle, quand bien même cette musique relevait à l’origine d’une certaine contre-culture qui se posait en mode de fonctionnement alternatif.

Et si ce GONG ne semble plus avoir à prouver quoi que ce soit aux réfractaires, il lui faut malgré tout assurer sa survie musicale, tant que le plan scénique que sur le plan discographique, à une époque où le spectacle vivant peine à trouver son public et que l’objet discographique est de plus en plus supplanté par son avatar dématérialisé.

Aussi, après la sortie à l’automne 2023 d’Unending Ascending en formats LP, CD et virtuel, le groupe s’est lancé en 2024 dans une tournée d’abord américaine, puis européenne, bien décidé à défendre son dernier-né sur scène ainsi que ses précédents faits d’armes à ceux qui ne les connaîtraient pas encore, ne concédant à ajouter à son répertoire que deux classiques du « GONG d’avant ».

En conséquence, le label K-Scope a cru bon de donner une nouvelle actualité à Unending Ascending en le ressortant dans une nouvelle « édition spéciale » en format CD, à peine un an après la sortie de l’édition originale ! On aura évidemment beau jeu de penser que cette initiative équivaut à nous resservir du réchauffé, à supposer même que le met en question ait eu le temps de refroidir… Mais il est vrai que les disques « physiques » disparaissent de plus en plus vite des bacs des disquaires, aussi le label devait-il réagir pour qu’Unending Ascending continue à s’assurer une présence sur le marché, concomitamment à la tournée effectuée par le groupe.

Affublée d’une sympathique fausse nouvelle pochette – en fait la même illustration que celle de l’édition originale, mais en version « négative », donc sur fond blanc et avec des tons plus froids – cette Special Edition d’Unending Ascending comprend donc, outre les huit pièces du disque originel, six pièces supplémentaires ! S’agit-il de compositions inédites, de chutes de studio, d’ « outtakes » ou de démos, comme en proposait l’édition collector de Rejoice ! I’m Dead !? Non point : on trouve en bonus de cette édition spéciale les mêmes compositions que celles incluses dans l’album originel, mais cette fois présentées dans des versions live qui proviennent toutes d’un seul et même concert donné à Edinburgh en avril 2024.

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L’idée de présenter en miroir les compositions de l’album dans leurs versions studio et live n’est en soi pas si bête et peut même être pertinente. Mais hélas elle n’a pas été poussée à bout et ne pouvait de toute façon pas l’être, dans la mesure où, lors des concerts de 2024, GONG n’a pas joué son dernier album en intégralité. Si My Guitar is a Spaceship, All Clocks Reset, Tiny Galaxies, Lunar Invocation et Choose Your Goddess ont bien fait partie des morceaux récurrents à chaque concert de cette tournée et figurent donc logiquement dans cette Special Edition, Ship of Ishtar, Asleep Do We Lay et O Arcturus en sont absents. Et quand bien même les deux premiers cités ont été joués sporadiquement lors de certains concerts, le dernier mentionné n’a semble-t-il jamais connu les faveurs d’une interprétation sur scène, rendant ainsi impossible la reconstitution intégrale de l’album Unending Ascending en live.

Pourtant une Special Edition avec un premier CD comprenant les versions studio et un second CD offrant des versions live aurait eu une sacrée gueule ! On en est donc quittes pour se retrouver avec une nouvelle édition de l’album avec 27 minutes de bonus live. C’est toujours mieux que rien, mais un poil frustrant quand même. Certes, il y a une carotte : la présence dans ces bonus d’une pièce inédite : Musica Per Aprirci la Mente, Musica per Aprirci il Cuore. Il s’agit d’une improvisation planante (sur laquelle intervient la chanteuse-vocaliste invitée sur l’album, Saskia MAXWELL) qui sert d’introduction à la Lunar Invocation.

C’est donc une carotte un peu courte et qui frustre encore davantage, surtout quand on sait que, sur sa dernière tournée 2024, GONG a monté une partie de son répertoire en enchaînant plusieurs morceaux (nouveaux et moins nouveaux) de manière à constituer une suite cosmique du meilleur aloi, et que l’on aurait bien aimé déguster sur disque, plutôt que de se contenter de petits fragments ! Et dans la mesure où un double album Live (Pulsing Signals) est déjà sorti avant Unending Ascending, il y a peu de chances qu’un nouvel album live sorte consécutivement à la tournée de promotion de ce dernier.

En outre, quitte à nous proposer en bonus quelques morceaux captés lors des récents concerts, on aurait pu y caser d’autres pièces récurrentes sur la tournée, comme Through Restless Seas I Come, une chanson figurant à l’origine sur le disque de 2019 Rejoice ! I’m Dead ! mais qui n’avait pas été jouée à l’époque sur scène, n’ayant été intégrée dans le répertoire que depuis 2022 et qui ne figure donc pas dans Pulsing Signals. Sa présence dans cette édition spéciale aurait donc été un « plus » indéniable. Et personne n’aurait craché sur une énième version live du « mastodontesque » Master Builder, histoire de remplir davantage un hypothétique second CD live.

Quoi qu’il en soit, cette Special Edition s’adresse avant tout aux « die-hard fans » que l’achat d’une nouvelle édition d’un disque déjà en leur possession ne rebute pas, et qui plus est à ceux d’entre eux qui n’ont pas abandonné le format CD, puisque c’est sur ce seul support qu’est parue cette édition spéciale. Quant à celles et ceux qui ne s’étaient pas encore procuré la version originale d’Unending Ascending, cette nouvelle édition est une opportunité qu’ils auraient tort de refuser. En espérant toutefois que ce disque ne fasse pas l’objet de « rééditions sans fin » tous les ans… Qui a dit : All Clocks Reset ?

Stéphane Fougère

Site : https://www.gongband.com/

Page : https://gongband.bandcamp.com/

Page label : https://kscopemusic.com/artists/gong/

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