HACO + SAKAMOTO HIROMICHI –
Ash in the Rainbow
(Detector/ReR/Orkhêstra)
Prendre l’œuvre d’un autre et la repeindre selon sa propre vision : on peut appeler cela de l’appropriation, avec tout ce que cela peut constituer d’indu ; on peut aussi appeler cela une communion artistique, avec tout ce que cela induit de passionnel, de révélé.
Présenté comme le nouvel opus de HACO, Ash in the Rainbow, à la base, reprend le contenu du disque du violoncelliste contemporain SAKAMOTO HIROCHIMI Zero-Shiki, paru en 1999. HACO a été tellement subjuguée par cette sorte de « requiem pour la nature » qu’elle en est venue à soupçonner l’existence de mélodies « cachées » dans cette œuvre et a décidé de les mettre à jour.
Elle a ainsi accouché de nouveaux textes axés sur les thèmes de la destruction et de la régénération, a intégré bon nombre d’éléments d’improvisation et, par la technique du copier-coller, a engendré de nouvelles mélodies, des paysages inédits, bref une œuvre tout à fait autre, foin de la réinterprétation ou du remake, même s’il y a forcément des airs de déjà-entendu (enfin, pour qui a pu dénicher le disque de SAKAMOTO HIROCHIMI, ce qui relèverait de l’exploit spéléologique !).
Le violoncelle, la scie musicale, la guimbarde, la boîte musicale, les jouets et les effets divers distillés par SAKAMOTO ont ainsi bénéficié d’une « réforme grammaticale » de la part de HACO, qui a ajouté de plus des matières synthétiques de son cru, des samples et bien entendu sa voix, qu’elle n’a pas manqué en certains endroits de démultiplier ou de distordre par ordinateur.
Il n’a plus manqué à la troisième roue du carrosse, Era MARI, que d’ajouter ici et là quelques accents percussifs raffinés aux cymbales, à la cloche, au snare drum ou encore au vibraphone inversé (!). On voudra bien croire que ces enluminures, travaillées au millimètre près, n’ont rien d’aléatoire ni de superflu. La moindre manipulation ou intervention a ainsi été pensée en fonction de l’effet poétique et esthétique qu’elle peut livrer. Deep Sky (qui lorgne du côté de l’univers de Pierre BASTIEN) aurait-il la même teneur émotionnelle si la voix de HACO n’avait pas été vocodée ?
Ash in the Rainbow nous envole d’horizons classisants vaporeux ou solennels (Zero Hills, Ash in the Rainbow, Drunken Strings) en espaces éthyliques et métamorphosés (Moonfish Dance, Airhead, Channeling), déroulant une fresque calligraphique brumeuse, comme conçue sous l’emprise de l’état de demi-rêve.
Privilégiant l’évanescence et l’immatériel, ce disque est en un sens plus proche du premier album solo de HACO, Excellent Waves, que de son deuxième, Happiness Proof, plus secoué de jets électro-rock. Il est en tout cas de taille à conforter l’ancienne meneuse d’AFTER DINNER dans son rang d’icône de la « chamber pop ».
Site: http://www.hacohaco.net/haco/home.html
Label: www.rermegacorp.com
Distributeur: www.orkhestra.fr
Stéphane Fougère
(Chronique originale publiée dans
TRAVERSES n°14 – décembre 2003)