Hugh HOPPER – 1984
(Cuneiform Records / Orkhêstra)
Quand on pense que c’est CBS qui a sorti ce disque en 1973 ! Le seigneur leur a sûrement pardonné, ils ne savaient pas ce qu’ils faisaient… Pourtant Hugh HOPPER inspirait confiance, c’était le bassiste d’un groupe de jazz-rock certes un peu perturbé mais tellement prometteur ! Ce qu’on ne savait pas, c’est que HOPPER avait, avant d’intégrer ce groupe comme roadie puis comme bassiste, trempé dans des expériences de musique électro-acoustique primitive avec un agitateur redouté, un certain Daevid ALLEN.
Depuis, on a exhumé des bandes du Daevid ALLEN TRIO et, mieux encore, les travaux de SOFT MACHINE pour le spectacle multimédia Spaced (paru chez Cuneiform) ; aussi, ce 1984 ne fait plus figure d’entité extraterrestre esseulée et égarée. Il n’empêche : osé en 1973, 1984 le reste en 1998, année de sa nouvelle réédition CD sur Cuneiform.
Ceux qui n’apprécient en Hugh HOPPER que le jazz-rockeux continueront à trouver cet opus hermétique, insondable et inécoutable, selon les formules consacrées. Ceux qui, en revanche, se sont passionnés pour l’impressionnant mouvement des musiques industrielles et concrètes y verront de la graine de précurseur.
Comment, en effet, ne pas être impressionné par ce Miniluv et son dialogue de basses aux exhalaisons anamorphosées, dont l’épilogue fait entendre et s’esbaudir toute une faune singulière par des beuglements, des croassements, des crissements et quelques piailleuses lutineries.
Et ce Miniplenty, jonché d’empreintes aliéniques aux vibrations stratosphérielles, avec des ronchonnements de basse overdosée de « fuzz » qui sous-tendent des percussions cérémonielles en phase de dissipation… La bande-son idéale de l’univers orwellien !
Maintenant, pour ceux que ça rassure, 1984 comprend aussi des piécettes de musique « normale ». Entendez : de jazz-funk inspiré par James BROWN, mais en plus destroy il est vrai. De plus, il y a du beau monde qui, depuis, a fait son chemin dans le jazz contemporain : John MARSHALL (batteur de SOFT MACHINE durant la même période), Lol COXHILL, feu Gary WINDO, des membres du BROTHERHOOD OF BREATH de Chris McGREGOR et même Pye HASTINGS de CARAVAN.
C’est toutefois le rapprochement de ces deux tendances musicales qui relie ce disque à son époque, tant le contraste est flagrant et typique de l’esprit 70’s. Depuis, Hugh a scindé ses réalisations : d’un côté des disques typés jazz-rock, de l’autre des disques plus expérimentaux, avec notamment KRAMER ou Mark HEWINS.
Ajoutons que cette nouvelle réédition de 1984 contient cette fois un bonus track inédit, une reprise de Miniluv jazzy-dégingandée qui vient rééquilibrer le taux de musique normale. Enfin, vous avez intérêt à trouver ça normal ! On ne sait jamais : Big HOPPER is watching you !
Stéphane Fougère
Label : http://cuneiformrecords.com/
Distributeur : www.orkhestra.fr
(Chronique originale publiée dans
TRAVERSES n°4 – juillet 1999)