John KRUTH – Eva Destruction

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John KRUTH – Eva Destruction
(Crustacean Records)

On le surnomme le « mad man mandolin », ou encore le « Pete TOWNSEND de la mandoline ». Cela devrait suffire à « portraitiser » John KRUTH, compositeur et chanteur américain dont les talents instrumentaux peu communs s’exercent également à la guitare, au banjo ou à l’harmonica. Véritable OVNI que l’on se gardera bien de ranger dans une boîte stylistique quelconque, KRUTH a plus d’un tour dans son chapeau, ce qui ne l’empêche de porter plusieurs casquettes, l’homme étant de même journaliste, écrivain (on lui doit un bouquin sur le virtuose et excentrique jazzman Rahsaan Roland KIRK qui a été traduit en français), professeur de musique au Manhattan College, producteur de disques et de concerts, et occasionnellement poète.

En tant que musicien, il a joué avec d’autres extra-terrestres artistiques tels Laurie ANDERSON, Elliott SHARP, THE MEAT PUPPETS, s’est commis avec des chantres de la contre culture beat et hippie tels que Allen GINSBERG et Sam SHEPARD, a formé THE ELECTRIC CHAIRMEN avec des membres du groupe acid-psyche-rock CAMPER VAN BEETHOVEN et s’est produit à New York (là où il réside) comme en Croatie, en Inde, au Maroc ou en Irlande. Signe que ses compétences à la mandoline ne connaissent pas de frontières, John KRUTH a reçu les éloges de personnalités aussi diverses que James « Blood » ULMER, Robert PLANT, Patti SMITH et le virtuose indien de la mandoline U. RAJESH.

Patiemment conçu durant une décennie, Eva Destruction est le huitième album de JOHN KRUTH et paraît sur un label indépendant du Wisconsin, Crustacean Records, qui n’hésite pas à qualifier la chose de « psychedelic gypsy grunge ». Si la pochette surréaliste de J. Karl BOGARTTE annonce déjà la couleur, l’écoute du CD achève rapidement de convaincre de l’existence de ce genre qui, certes, ne peut germer que dans l’esprit d’un John KRUTH.

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Les musiciens qui accompagnent le « mandoliniste fou » sont eux aussi de la région du Wisconsin, qu’il s’agisse de membres du groupe VIOLENT FEMMES, de DIE KREUZEN ou des DANGLERS, de Paul KNEEVERS (également producteur du disque), de la violoncelliste Melissa BARNARD (de l’Orchestre de chambre australien) ou encore de l’organiste Sigmund SNOPEK III, bien connu des cercles de musiques progressives.

Le long de six chansons et quatre instrumentaux, KRUTH nous bascule dans un univers protéiforme, hypnotique et intrigant qui fait la part belle y est faite aux cordes, celles des mandolines acoustique et électrique et du mandocello de John KRUTH bien sûr, mais aussi d’autres tout aussi singulières : la « verse guitar », la « spaghetti western guitar », la « whiplash guitar », et même un sitar.

Avec un sens affuté et déviant de la mélodicité et du groove, John KRUTH nous raconte, de sa voix lancinante et lénifiante, des histoires à planer debout, hallucinées, tordues ou drolatiques, où apparaissent la femme du peintre CHAGALL, le Dieu-éléphant indien Ganesh, où la fameuse Eva du titre danse avec la divinité hindoue Shiva, et dans lesquelles les locomotives roulent dans les cerveaux et les trains de nuits vers l’Ukraine.

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Comme on le devine, des inspirations musicales est-européennes et indiennes s’invitent allègrement à ce cocktail psyché-folk-world incrusté par endroit de didgeridoo, de tin whistle irlandais, de cuivres, d’orgue hammond, de Moog ou de trompe marocaine.

Amateurs d’étrangetés transfrontalières, vous ne devriez pas être insensibles à cette salade composée subtilement épicée d’herbes folles.

Stéphane Fougère

Site : https://johnkruth.bandcamp.com/

(Chronique originale publiée dans
ETHNOTEMPOS n°31 – avril 2007)

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