L’ATTIRAIL- La Part du hasard
(Les Chantiers sonores/CSB Productions/L’Autre distribution)
Très raffiné, ce onzième album de l’ATTIRAIL ! La Part du hasard ne se démarque pas du style inimitable qui caractérise la musique instrumentale de ce groupe, régulièrement ponctuée de brefs extraits sonores insolites. Le septet a d’ailleurs enregistré plusieurs bandes originales de films et téléfilms (Mon meilleur ami, Peau neuve…). C’est dire sa puissance évocatrice due à la savante alchimie des instruments – multiples – utilisés.
Xavier DEMERLIAC a écrit ici toutes les compositions ; il joue les parties de guitare, de banjo, de mandole, de trombone, d’euphonium, de basse et de claviers. Frédéric JOUHANNET joue celles des différents violons et Eric LABOULLE établit les temps et les contre-temps grâce à ses percussions et à sa batterie. Alexandre MICHEL est le sonneur du groupe : il fait résonner la clarinette, les flûtes, le monocorde et le doudouk (hautbois arménien). Sébastien PALIS tient l’accordéon, Chadi CHOUMAN les guitares (acoustique et électrique), et Nicolas LELIÈVRE peut croiser les rythmes de sa batterie avec ceux de son collègue cité. De tous ces instruments naît une partition (écrite ou pas) très riche, variée, où la douceur, la lenteur et la rêverie alternent avec des mélodies entraînantes mais sans aucune lourdeur, c’est-à-dire sur de courtes séquences.
Plongés dans l’écoute de ce travail, nous songeons à sa place dans les musiques du monde, qui, dans les années 1970, se sont ajoutées aux musiques folkloriques, importées en Occident après la deuxième guerre mondiale (musique tzigane ou flûte de pan amérindienne, par exemple). Ces musiques du monde, issues de la rencontre entre des types existants, ont donné naissance à une véritable musique populaire (l’on pense ainsi à l’applaudimètre mondial du groupe BRATSCH ou celui d’Emir KUSTURICA. Or, qu’est-ce d’autre, cette Part du hasard, sinon une musique populaire dont on peut identifier le compositeur ? Et chacun sait que la musique populaire est ouverte : elle accompagne ses auditeurs au quotidien, parfois même elle les aide à survivre quand ils se trouvent en grand désarroi matériel ou moral, car elle porte en elle une part de liberté incontrôlable.
Ainsi le concept de cet album se caractérise-t-il par le voyage et le jeu. L’atmosphère créée par cette musique, en apparence simple, et en réalité complexe, est tout à fait propice à la dissociation en douceur de l’auditeur ou du spectateur d’avec son socle, et son départ vers des contrées familières mais inconnues. Et rien n’interdit de réaliser son propre court-métrage tout au long des cinquante-six minutes de l’album : délaissons ce monde saturé d’images, d’écrans, asseyons-nous confortablement, et fermons les yeux. Peu à peu, nous sentons que nos vaisseaux s’irriguent de cette musique aux propriétés thérapeutiques ; la poésie nous gagne et la sérénité (qui n’est pas celle du Sâr Rabindranath Duval de Pierre DAC et Francis BLANCHE) nous envahit peu à peu comme une source vivifiante.
Pour parvenir à créer ce type d’émotion, il faut être un compositeur chevronné et être en parfaite cohésion avec les autres musiciens de son groupe, très expérimentés, à l’ouïe très développée (le groupe a été créé en 1994).
Si nous tenions absolument à caractériser la musique de L’ATTIRAIL par rapport à d’autres, nous pourrions la qualifier de « folk progressif », tant elle est structurellement proche de certaines compositions progressives, élaborées, notamment dans les années 1970.
En tout cas, le succès de ce groupe ne ment pas, et c’est avec un plaisir toujours renouvelé que nous laissons venir à nous sa nouvelle galette : les saveurs y sont toujours au rendez-vous, car ses membres n’ont de cesse d’élaborer d’innombrables recettes, variations propres et propices à l’imaginaire musical.
Mescalito
Site : http://chantiers.sonores.free.fr
Label : http://www.csbprod.com