Le label australien de musique expérimentale Black Truffle Records, créé en 2009 par Oren Ambarchi, vient de publier deux documents d’archives inédits de deux éminences de la musique classique vocale indienne, les frères DAGAR. Nous parlons ici de ceux que l’on nomme parfois les « aînés » DAGAR, à savoir Moinuddin et Aminuddin, pour les distinguer de leurs frères cadets, Zahiruddin et Faiyazuddin DAGAR (dont l’héritage est depuis transmis par le fils du second, Wasifuddin DAGAR). Si les cadets sont relativement bien représentés sur disques, Moinuddin et Aminuddin DAGAR ne le sont que par quelques enregistrements plus rares et difficilement trouvables.
Comme le savent bien les spécialistes, la dynastie DAGAR a maintenu le style dhrupad dans sa pureté originelle durant dix-neuf générations. Moinuddin et Aminuddin DAGAR ont perpétué et enrichi le dhrupad dans les années qui ont suivi l’indépendance de l’Inde en 1947, alors que les cours royales qui avaient traditionnellement parrainé les musiciens de dhrupad avaient été abolies.
Remontant jusqu’aux âges védiques, l’art du dhrupad est considéré comme la forme originelle de la musique classique indienne, la source même de la formation des musiciens indiens, quel que soit le style qu’ils pratiquent. Véritable science musicale des sons, le dhrupad se concentre sur la note proprement dite, sur la qualité de son émission et sur sa force expressive ; c’est un art sacré par excellence.
De nombreux auditeurs occidentaux ont découvert le dhrupad grâce à la tournée que les frères Dagar ont effectué en Europe (à Berlin, Paris et Venise) en 1964-1965 sous l’égide de l’indianiste et musicologue réputé Alain Daniélou. Les enregistrements publiés par Black Truffle proviennent du séjour des frères DAGAR à Berlin en 1964, soit deux ans avant la disparition d’Aminuddin DAGAR.
Paru en support LP, Berlin 1964 – The Lost Studio Recording présente deux performances inédites, le raga Malkauns et le raga Jaijaivanti (incomplet en dépit de ses 24 minutes), qui s’étendent chacune sur une face, dans une fidélité cristalline, enregistrées à l’Institut international d’études comparatives et de documentation de Berlin, dirigé par Alain Daniélou.
L’autre disque, Berlin Live 1964, documente une partie du concert qui s’est tenu au palais de Charlottenburg en septembre 1964, et les frères DAGAR y présentent des interprétations époustouflantes de deux ragas, Miyãn ki Todi et Gaud Sãrang. Les durées de ces deux ragas (38 minutes pour le premier, 27 pour le second) nécessitait donc une parution au format CD.
C’est donc sur deux supports distincts que paraissent ces documents, chacun avec un contenu différent. Ils constituent un événement pour tout amateur de musique savante indienne.
https://blacktruffle.bandcamp.com/album/berlin-1964-live
https://blacktruffle.bandcamp.com/album/berlin-1964-the-lost-studio-recording-2