Liz LAMERE – Keep it Alive

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Liz LAMERE – Keep it Alive
(In The Red Records)

Il semble inutile de présenter cette dame qui est une femme d’exception et une amie. Ce n’est jamais facile de parler d’un disque d’une personne avec qui nous avons tissé de forts liens d’amitié depuis quelques années déjà. Pendant trois décennies, elle a accompagné Alan VEGA, le grand amour de sa vie. Aujourd’hui, elle prend son envol en sortant son premier disque, météorite sonique d’électro-punk urbaine, d’à peine 23 minutes pour sept titres expéditifs. Elle s’est entourée de proches comme Ted YOUNG, de Jared ARTAUD (mixage et production) et de son fils Dante qui s’est occupé des enregistrements.

Ce disque a été réalisé  au studio Dujang Prang à New-York, pendant le confinement. Ce fut une période sombre, désespérée, de solitude, d’isolement, d’enfermement et de paranoïa. Une période idéale donc pour écouter des albums d’Alan VEGA (Sombre) ou de SUICIDE (le terrifiant premier album) ! Le disque de Liz remet les pendules à l’heure et arrive au bon moment pour redonner tout simplement un peu d’espoir. Keep it Alive est un titre approprié ! Garder votre feu intérieur allumé, vivre sans limites, continuez d’explorer et ne pas hésiter à se lancer des défis. C’est le mot d’ordre de Liz et c’est ce qu’elle a fait. Elle s’est mise à faire de la boxe et à enregistrer son premier disque.

Ici, elle devient la véritable maitresse de cérémonie, tel un ange post-dévastation. Elle a écrit les textes, fait toutes les musiques et c’est également elle qui chante. Sa voix est agréable, parfois irréelle (une prêtresse aux incantations électroniques), dangereusement apaisante (une sirène des années fléaux).

Il est fort regrettable de ne pas avoir les textes dans un livret, lui aussi absent, parce que ses chansons resteront un mystère pour ceux qui ne comprennent pas la langue. Aussi, nous avons demandé à Liz de nous expliquer le sens de ses chansons pour nous permettre ainsi de mieux cerner le disque et les thématiques abordées : la première chanson qu’elle a écrite est Lights Out et aborde le thème de la boxe (« Fast Jab, Straight Right, Stick and Move, Keep it Tight ») : rester concentré sur ce qui compte le plus, dépasser ses limites (comme elle le dit « Go All Night, till Lights Out ») et conserver cette énergie, cette force vitale jusqu’à notre dernier souffle.

Stand traite de la pandémie et aussi du mouvement Black Lives Matter qui a été la source d’une grande division  dans le pays. Pour Liz, il est important de rester fort ensemble, d’être unis (« Rise Together, Stand United When You Wake »). L’expression « Invisible Calm » (provenant aussi de son apprentissage de la boxe) implique qu’il est essentiel de rester calme en cas d’attaque pour pouvoir correctement réagir, survivre et prospérer efficacement.

La chanson Sin veut différencier le péché du mal. Ce sont deux choses différentes. « Sin is not Evil, Always. » Nous péchons tous, mais cela ne nous rend pas méchants. La vidéo de cette chanson s’inspire de L’Enfer de DANTE et des sept péchés capitaux (par les péchés que nous commettons ou que nous voyions, nous apprenons et ces expériences enrichissent nos vies dans la recherche du bien et de Dieu). Le chiffre sept est très important pour Liz, et c’est d’ailleurs la raison pour laquelle ce disque contient sept chansons. Liz aborde également le thème du phénomène « Cancel Culture », le fait de catégoriser des gens suite à leurs prises de position. Notre société actuelle a tendance à juger trop durement.

Avec Subway Cyanide, il ne faut pas hésiter à monter dans le train qui nous conduit dans un tunnel sombre, vers l’inconnu. Le futur est notre destination. Un nouveau monde se trouvant de l’autre côté s’ouvre à nous. Le fait de vivre sans prendre de risques ne vaut pas le coup, car nous ne saurons jamais ce que nous avons manqué. Nous ne devons pas avoir peur de l’inconnu, et ne pas hésiter à suivre ses rêves en prenant un autre chemin. Liz ajoute : « sur notre lit mort, ce n’est pas la richesse matérielle ou la recherche du succès  qui comptent mais plutôt les gens, les proches que nous aimons et qui nous entourent ».

Heat Beat revient sur cette terrible période de la pandémie où le pays a connu des feux dévastateurs en Californie, les pillages et les émeutes en plus de la propagation du virus : « My Cities Burning, the Horror’s too Real ». Liz appelle à la nécessité de s’aimer et de se soutenir dans ces moments difficiles: « True Love, True Desire, Feel the Fire ».

Cruise Screen est son plaidoyer contre cette obsession culturelle avec la façade des réseaux sociaux, des influenceurs, des « followers », des faux prophètes, et ce risque de se perdre dans ce monde de mensonges. Il faut abandonner les écrans et revenir dans le vrai monde, celui de l’humain avant d’être tous engloutis dans le néant. 

Freedom’s Last Call est son cri de guerre pour ne pas gâcher notre vie en abandonnant notre libre arbitre. Ce dernier nous offre la liberté de choisir comment passer notre temps, sur quoi nous concentrer, et comment réagir à tout ce qui peut arriver dans nos vies. Il nous donne la liberté de décider comment vivre cette vie: « One Shot, One Time Only, to Keep it Alive ».

Musicalement, Liz aurait pu être tentée de se libérer de l’influence de VEGA. Mais, elle ne l’a pas totalement fait, et c’est compréhensible. Toutes ces années musicalement aventureuses avec Alan ne peuvent pas s’oublier d’un coup. En fait, elle a eu l’intelligence de bâtir quelque chose de personnel en ralliant l’héritage de VEGA avec son propre univers.

Keep it Alive propose une musique électronique urbaine aux influences hip-hop évidentes (Lights Out, Heat Beat) sans toutefois renier le passé d’Alan VEGA, de Martin REV et de SUICIDE (Stand et Subway Cyanide appartiennent directement à cette famille et restent les moments les plus prenants du disque).

Il y a cette volonté de s’affranchir de l’aspect sombre, terrifiant et radical des derniers travaux de VEGA (Sombre, 2007, Station) sans toutefois négliger quelques ambiances inquiétantes, pour livrer un disque aux parfums très féminins avec une musique rythmée, voir dansante pour des clubs branchés.

Liz ne tombe heureusement pas dans une certaine facilité commerciale et vulgaire comme ses consœurs américaines les plus médiatisées. Elle reste dans l’underground du New York obscur. Ses chansons sont malgré tout accessibles, mélodiques et technoïdes avec des contrastes sonores affirmés tantôt étincelants tantôt plus sombres.

Sin est un hit en puissance par sa rythmique, sa mélodie légère, très sensuelle alors que le titre suivant Heat Beat (pas de lien avec la chanson de SUICIDE sur A Way of Life) se veut plus lourd et menaçant. Subway Cyanide, très proche de SUICIDE et de Martin REV, est un morceau intense dont les convulsions soniques donnent le tournis. Nous avons l’impression de nous perdre dans les tunnels angoissants du métro new-yorkais. Cruise Screen se rapproche de Heat Beat avec des sons urbains, plus familiers à ce que nous pouvons entendre dans le genre. Freedom’s Last Call conclue ce disque en renouant avec une ambiance inquiétante, pleine de tension et digne d’une musique d’un film de John CARPENTER.

Avec ce premier coup d’essai plutôt réussi, Liz montre qu’elle est une femme libre, une guerrière urbaine sonique, elle-même éprise de liberté, de rêves et d’une grande humanité. Elle continue d’une certaine manière, et c’est important de le souligner, la voie tracée depuis toutes ces années par Alan VEGA avec des albums comme Deuce Avenue et Power on to Zero Hour dans les années 1990,  tout en apportant une touche assez féminine et moins obscure à sa musique.

Le 19 novembre dernier, nous avons eu la chance de la voir sur scène. Elle portait une magnifique combinaison en lamé argenté et a joué intégralement son disque (avec Dante présent aux machines) au Pamela Club à Paris (en rappel, nous avons entendu le titre Crash Cheap Soul, composé par Alan et Liz pour l’album 2007, dans un nouvelle version incluant la voix du rappeur SLYKAT). Elle a également assuré quelques dates en France (Bordeaux, Nantes) en première partie du concert-hommage à VEGA  menés par Marc HURTADO et Lydia LUNCH.

Cédrick Pesqué

Site : https://intheredrecords.com/

Page : https://lizlamere.bandcamp.com/album/keep-it-alive

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