MAGMA – Rïah Sahïltaahk

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MAGMA – Rïah Sahïltaahk
(Seventh / Jazz Village)

magma-riah-sahïltaahkAprès les (re)montages et les enregistrements de K.A. et d’Ëmëhntëhtt-Rê, qui achevaient enfin la seconde trilogie de MAGMA, on croyait que ce dernier avait soldé son compte de répertoire conçu dans les années 1970. Le précédent album du MAGMA des années 2000, Felicité Thösz, avait été annoncé comme une pause (et un florilège) avant la « nouvelle musique ». On était donc en droit d’attendre du neuf sur le prochain CD. Et boum ! Voilà que MAGMA fait à nouveau marche arrière et met en boîte un autre opus datant de ses vertes années, sauf que celui-ci, à la différence des fresques citées plus haut, avait déjà été enregistré ! Rïah Sahïltaahk est une composition de Christian VANDER qui avait trouvé place sur le deuxième disque de MAGMA, 1001° Centigrades (1971).

C’était la première fois que MAGMA accouchait d’une composition en forme de suite s’étalant sur toute une face de disque vinyle, à l’instar de ce qui se faisait dans le rock progressif alors en plein essor, et dont Rïah Sahïltaahk partage les tics de construction (avec ses cassures un peu poussives). Mais la vitesse supérieure ayant été atteinte dès l’album suivant, avec une fresque déployée sur deux faces de vinyle (MDK), Rïah Sahïltaahk a dû s’incliner bien vite dans les mémoires et, à la faveur d’un renouvellement de personnel à la même époque, a été tout aussi bien écarté du répertoire scénique et a sombré dans les limbes des « œuvres de transition » (tout comme l’album où il a trouvé place), ne réapparaissant pas avant 2011, année où MAGMA a filmé son ultime série de concerts présentant ses Mythes et Légendes. Ce Vol.5, conçu quatre ans après les précédents volumes, avait tout de la séance de rattrapage pour les opus mineurs qui n’avaient pas trouvé place dans les précédents répertoires des Mythes et Légendes.

Bref, outre la version originale studio de Rïah Sahïltaahk, il existe une version live de 1971 (à Bruxelles) parue dans le volume VIII de la collection AKT et il y a donc cette version du DVD Mythes et Légendes Vol.5. Ça fait déjà pas mal pour un opus réputé mineur (ou négligé). Une quatrième version s’imposait-elle ? Rien n’est évidemment moins sûr, et ce ne sont pas les fans attendant fébrilement la « nouvelle musique » qui nous contrediront… Mais Christian VANDER n’a pas soldé son exigence perfectionniste ; et comme il était apparemment peu satisfait des arrangements de la version de 1971, il s’est mis en tête de réenregistrer, avec la formation actuelle de MAGMA, l’histoire de ce pauvre Kobaïen incompris par les Terriens et piégé par les éléments.

C’est de fait un nouveau coup de projecteur que Christian VANDER donne sur cette composition qui, dans la tête de nombreux auditeurs, appartenait à la première époque et mouture de MAGMA, au fonctionnement plus collectif mais à la ligne encore un peu floue quant à la personnalisation de cette musique. Rïah Sahïltaahk n’est plus ce « morceau de plus » égaré sur un disque-coda. Il fait l’objet unique d’un disque entier, quitte à ce que ce dernier ne dépasse pas les 25 minutes ! Car tout de même, la version 2014 de Rïah Sahïltaahk dure 2 minutes de plus que l’originale ! Et alors que cette dernière avait été livrée d’un seul tenant sur la face A de 1001° Centigrades, cette nouvelle version a été divisée en huit segments (enchaînés) qui portent chacun un titre. (Détail curieux : on se souvient que les trois premières minutes de Rïah Sahïltaahk avaient trouvé place en face B d’un 45 Tours (Hamtaahk) et portaient pour titre Tendeï Kobah. Or, ces trois premières minutes ont été en 2014 rebaptisées Ŵatsei Kobaïa…)

Adieu donc le « peloton de cuivres » qui faisait face à la « force rythmique » d’antan, place à une version pour orchestre et chœurs qui tend à rapprocher Rïah Sahïltaahk des fresques stravinskyennes de la trilogie Theusz Hamtaahk. La voix unique de Klaus BLASQUIZ sur la version d’origine est ici remplacée par un trio vocal (un « peloton de voix » ?). Les deux voix féminines ont de même été mises à contribution pour remplacer les cuivres, se partageant la tâche avec le vibraphone et le piano, sans pour autant égaler la violence brute des saxophones, clarinettes et trompettes d’origine. L’explosion finale (Mem Loïlé) a ainsi fait l’objet de quelques modifications dans les arrangements, de même que la très prenante mélodie conclusive, Wölei (qui avait à l’époque engendré la fameuse Klaus Kombalad), qui se trouve parée de quelques paroles inédites, avant l’accord de piano terminal. On se souvient aussi que le Rïah Sahïltaahk de 1971 avait souffert de l’absence du guitariste Claude ENGEL, parti avant l’enregistrement. Avec James Mc GAW, l’occasion était toute trouvée de combler ce manque. Las, la guitare est ici encore l' »instrument pauvre » de l’orchestre, mais elle se manifeste subrepticement, et impose quand même ses aigreurs dans le chaos étendu d’Ün Zoïn Glao.

Globalement, cette nouvelle version de Rïah Sahïltaahk opte pour une interprétation plus posée, voire plus coulante, mais en faisant paradoxalement montre d’une martialité renouvelée. Moins de stridences, mais une violence plus mûrie. La version 2014 ne dépassera pas la version 1971 dans les esprits. Elle a cependant le mérite d’inviter à une écoute plus affinée de cette œuvre qui portait les germes de l’Œuvre à venir, et dont les liens sont ici plus soulignés.

Site : www.magmamusic.org

Label : www.seventhrecords.com

Stéphane Fougère

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One comment

  1. Selon moi, cette version est clairement inférieure à l’originale, absolument PARFAITE.
    Je pense qu’elle a pour but inavoué de jouer le rôle de double faire valoir : par rapport à la version originale méconnue et/ou oubliée, mais aussi par rapport à Šlaǧ Tanƶ, édité au même moment.
    Qu’aurait été Šlaǧ Tanƶ, déjà ahurissant, avec la fougue de l’époque? …
    Cependant, d’une manière générale, Christian Vander joue mieux que jamais.
    Dans ce « EP », par exemple, il nous sort des breaks organiques « à la Elvin » à des moments improbables…
    Son jeu a gagné en créativité et se montre moins psycho-rigide (si j’ose dire…) qu’à l’époque.

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