MENDELSON – Le Dernier Album

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MENDELSON – Le Dernier Album
(D’ici et d’ailleurs)

Au début des années 1990, le label nantais Lithium a permis de découvrir et de révéler des artistes de la « french touch » de l’époque comme Dominique A. (La Fossette) et dans une moindre mesure DIABOLOGUM, PROGRAMME et autres adeptes du rock indépendant et minimaliste à la française. Dans ce catalogue de bonne facture, même si on peut difficilement parler de famille, d’écurie ou de communauté artistique, Lithium signera en 1997 le duo MENDELSON (Pascal BOUAZIZ et Olivier FÉJOZ aux guitares et percussions), pratiquement le seul projet artistique resté fidèle au label jusqu’à sa disparition en 2004. 

MENDELSON, (rien à voir avec le Félix compositeur romantique du XIXème siècle des Romances sans Paroles, ou alors vraiment de loin à la façon Oulipo) objet/ovni (groupe/duo- chanteur/parleur) né dans les souterrains du paysage musical indépendant français des années 2000, a, semble t-il résisté et duré contre vents et marées, avec son maigre public et le soutien de quelques critiques toujours au rendez-vous jusqu’à maintenant et peut se prévaloir fièrement de vingt quatre ans d’existence et de sept albums à son actif, dont trois distribués par le label Lithium et les quatre derniers par l’autre label d’accueil Ici d’Ailleurs.

Le premier album du duo paru en 1997, l’Avenir est devant, est plus ou moins l’album d’un chanteur accompagné par des musiciens ; mais déjà le concept est transformé puisque le chanteur est plutôt un parleur/chanteur de chansons récitées et le groupe un duo aux manœuvres. D’ailleurs la pochette de cet essai en dit long sur ces deux musiciens alanguis ou somnolents dans des couleurs vertes passées au recto et une fenêtre ouverte sur une pièce vide (désertée) au verso. Quinze titres dont Combes la Ville (sur le thème : « tu n’as rien vu à Hiroshima ») et surtout Je ne veux pas Mourir, qui pourrait servir de musique à tous les films faisant la part belle à un long travelling d’errance de l’acteur (en silhouette) au bout d’une nuit sans lune, s’enfonçant dans une brume définitive avant le petit matin glacial des villes et des quais de gare déserts. 

Depuis MENDELSON a sorti avec une régularité millimétrée six albums soit un tous les trois ou quatre ans. Mélancolie, nostalgie, peurs et désespoir contrarié sont au menu de ces morceaux fleuve, le sommet ou l’apogée ayant été atteint avec Les Heures sur le cinquième album (en 2013) soient 54 minutes grandioses écrasantes de beauté froide qui glacent le dos, le sang et les os, déroulant une élégie funèbre insensée et ininterrompue dans laquelle tous les chagrins, les renoncements, les envies de suicide et de meurtre sont égrenés sans que cela ne pèse, d’ailleurs BOUAZIZ reconnait « qu’après 2013, BRUIT NOIR, le projet parallèle, est né parce que MENDELSON était mourant ». En effet, comment aller plus loin à l’époque sauf à créer des chemins de traverses plus ou moins aboutis (les deux albums en duo BRUIT NOIR et l’album solo Haikus).  L’album de MENDELSON de 2016, Sciences politiques, album de soi-disant reprises (Léonard COHEN, SONIC YOUTH à la française !) est, en effet, une redite peu convaincante et dispensable et peut-être l’album de trop.

Ce Dernier Album de 2021 marque une borne définitive chez MENDELSON, une sorte de bilan du groupe avec ses musiciens Pascal BOUAZIZ (voix guitare), Pierre -Yves LOUIS (guitare) et les deux batteurs piliers du son du groupe Sylvain JOASSON et Jean-Michel PIRES rejoints pour l’occasion par le vieil ami Quentin ROLLET au saxophone qui tous visent à l’élégance précise plutôt qu’au bavardage inutile.

En effet, le groupe annonce ici qu’il tire définitivement sa révérence dès le morceau d’ouverture Le Dernier Disque, qui entame ce chant du cygne un manifeste : « MENDELSON, groupe obscur, inconnu, mythique, culte … mon cul » comme un exercice de dérision hautement orchestré avec batteries piano de 2’40 minutes comme pour introduire le morceau de bravoure (le dernier morceau long) le cathartique Algérie de plus de 20 minutes dans lequel se mélangent des considérations presque géopolitiques (« un pays sans juif, un pays sans chanteur est un pays malade  – un pays sans juif n’est presque plus un pays arabe ») et l’intime à la fois trouble et provocant.

Hommage à nouveau à Léonard COHEN en citant « Hey, That’s no Way to Say Goodbye », vieux chanteur immensément triste qui ressemble un peu au grand père Léon de BOUAZIZ, hommages à la musique et aux chanteurs algériens : IDIR, FERHAT, REINETTE L’ORANAISE. La mélopée enroule les propos, la nostalgie (« mais je ne voulais pas parler de ça » en leitmotiv) avec une montée sur les fantômes vivants qui viennent en touristes dans les rues d’Oran qu’ils traversent en chuchotant.

On pense avec les deux dernières chansons à une élégie funèbre (qui est aussi le dernier titre de l’album La Mort d’Orion de Gérard MANSET : « Couvrez moi de fleurs s’il le faut – Laissez venir l’homme à la faux – et si me coudre les paupières – au moins ne me riez derrière ») à un salut un peu blafard, un peu crépusculaire avec des remerciements et des dédicaces inattendues aux « personnes qui lisent encore les notes de pochette de disques ». 

La couleur majoritaire du disque est le gris comme la photo du riff en couverture et la litanie des saluts aux amis et compagnons de route, mais la voix est comme toujours un peu distanciée comme si BOUAZIZ voulait nous dire que ces « adieux » ne sont en fait qu’un au revoir déguisé : la suite, s’il y en a une, ne s’appellera probablement plus MENDELSON (« ce nom qui traine l’insuccès depuis trop longtemps ») mais qui s’écrira forcément puisque les derniers mots de l’album disent que « Finalement, tu sais ce n’est pas si désagréable – De mourir un peu ».

Oui cher camarade chanteur : « Mourir un peu » c’est un peu mourir, car un peu c’est un petit peu ou presque rien, un peu c’est comme un pseudo-testament qui cache ses clins d’œil derrière ces petites chansons, ce « silence du désert » qui permet de « se retirer encore vivant car ça évitait au groupe de finir dans une sorte d’Ehpad du rock français » selon les propres termes de Pascal BOUAZIZ qui ajoute à propos du livre qui vient de paraitre au moment de la sortie de l’album (Pascal BOUAZIZ – MENDELSON – Intégrale (1995 – 2021) chez Médiatop Editions), compilant en miroir du testament de ce dernier CD l’intégrale des textes des chansons du groupe : « Quand un auteur de chansons se voit publié dans un livre, c’est vraiment qu’il est mort, non ? »

Xavier Béal

Site : Mendelson – Le site – Ceci est le site officiel de Mendelson

Page : Le dernier album | Mendelson (bandcamp.com)

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