MUGAR – Kabily Touseg / Penn Ar Bled

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MUGAR – Kabily Touseg / Penn Ar Bled
(Buda Musique)

Très en vogue dans les années 1990-2000, la fusion afro-celtique nous a fait siroter de délicieux oasis. Grâce à Buda Musique, il nous est loisible d’en redécouvrir un qui a marqué son temps, j’ai nommé MUGAR. Ce groupe a amplement tracé son sillon sur la route des concerts mais s’est révélé plutôt avare sur le plan discographique puisqu’il n’a enregistré que deux disques en presque dix ans ! Ces derniers ont été réunis dans un double digipack publié en 2015 et qui contient donc à ce jour les « œuvres complètes » de MUGAR !

Tout a commencé en 1996, à la Grande Halle de la Villette à Paris, lors d’un « Printemps Celte » aéré par des vents de création musicale inédites. Parmi elles MUGAR, une réunion de musiciens celtes et berbères doués de la passion exploratrice, embarqués dans un pari fou mais pas insensé : partir à la recherche d’un terrain d’entente entre leurs deux cultures ; un graal cosmopolite, quoi ! Un public convaincu, des artistes piqués par l’étincelle de la rencontre : il n’en fallait guère plus pour poursuivre le projet.

Un an après, retour sur les lieux lors de la fête de la musique, et confirmation de la disponibilité prochaine du fruit de l’expédition entamée, sous forme de CD bien sûr. Attente alletante, et notre patience touche enfin sa récompense. Kabily-Touseg comble même au-delà des espérances, car fourmillant d’idées hédonistes et de mélodies complices.

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C’est une bonne vieille histoire d’amour qui nous est contée, celle des gammes kabyles et celtiques, l’assurance que les continents africain et européen ne sont séparés que par quelques gouttes de mer. Voyez comme on passe sans ciller d’un motif irlandais à un thème berbère au sein d’un même morceau (Up Down and Around, Ouedeg) ou encore d’un an-dro breton à une mélodie kabyle (El-Kreneg), ou comment le chant maghrébin cavale avec aisance sur un irish trad’ (Ghani-Lah).

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Autant de vases communicants qui viennent déshydrater les caravanes sillonnant le Sahara et se rejoignant en ce lieu (le « mugar », précisément) où siège – si l’on en croit la pochette – un rocher phallique tatoué d’un triskell. Non, ce n’est plus un mirage. Cet endroit existe, grâce à la foi de trois compositeurs-arrangeurs-flûtistes : Nasredine DALIL, une sommité algérienne vue en compagnie de IDIR, de TAKFARINAS et de Djamel ALLAM, et qui a co-réalisé avec Hugues de COURSON l’album Mozart l’Egyptien ; Youenn LE BERRE qui, de GWENDAL à TERRA NOVA, a pertinemment cultivé l’ouverture artistique ; et Michel SIKIOTAKIS, un « champion d’Irlande » d’origine franco-grecque (ex-FUBU, SHAMROCK et TAXI MAUVE).

À dos de chameau avec flûtes traversières, bombarde, tin whistle, sax, karkabou et bendir, ils ont également convié le groupe français de musique irlandaise BROKEN STRING (fiddle, bodhran, bouzouki, tin whistle.) et encore d’autres artistes algériens, dont deux chanteuses (sur le magnifique Assendu), à prendre part à cette célébration grisante.

Il aura fallu attendre sept ans pour que MUGAR, sans doute trop occupé à se produire sur scène ici et là ou encore par-là quand il n’est pas là-bas, daigne donner une suite à son premier essai discographique. Ce sera Penn ar Bled, sorti en 2005.

La complicité qui s’est établie entre les trois têtes du groupe a atteint encore une nouveau degré de maturité qui rend les termes de « métissage » ou de « fusion » quasiment obsolètes à définir ce qui est bel et bien un son personnel, unique, bien que nourri à deux traditions différentes, et non un collage fagoté à la va-que-je-te-pousse.

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Les trois flûtistes « traversiens » Nasredine DALIL, Youenn LE BERRE et Michel SIKIOTAKIS sont donc toujours les maîtres à bord de la caravane « mugaresque », qui avec ses flûtes à bec, basse ou andine, ses qarqabous et son taridja ; qui avec son tin-whistle, sa cornemuse et ses bombardes ; et qui avec son low-whistle, sa guitare, ses bombardes et son uillean pipes.

Autour d’eux, la formation s’est en grande partie renouvelée, mais l’instrumentation de base est restée sensiblement la même, à base de violons, de banjo, de bouzouki, de gumbri, et, côté percussions, de bodhran, de taridja, de tar et de t’ bel. La seule différence notable avec le premier disque est l’absence de chants berbères féminins. Pas grave, les hommes de MUGAR relèvent fièrement le défi, même si, à la lecture du livret, on ne sait pas qui assure le chant « lead » (trop modeste, Nasredine DALIL ?).

En tout cas, cela nous permet de découvrir au passage que la gwerz n’est pas (plus ?) l’apanage des Bretons, les Berbères peuvent s’y mettre également. À moins qu’il ne s’agisse de blues berbère « bretonnisé » par le contexte…

Allez savoir du reste, dans chacune des compositions de ce nouvel album, ce qui ressortit exactement à l’influence celtique et à l’influence berbère. Le mélange est tellement bluffant que même quand on croit savoir, une mélodie ou un rythme vient brouiller l’assurance de nos oreilles. C’est ça, la magie du son MUGAR.

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Écouter un album de MUGAR équivaut à une baignade prolongée dans une fontaine de jouvence, dans un espace-temps où seules la connivence, l’osmose entre les cultures écrivent l’histoire des notes égrenées d’une composition à l’autre, où l’écoute et le désir de connaissance et de compréhension mutuelle guident les interventions des musiciens.

Et c’est pourquoi, à l’écoute de la musique de MUGAR, on se sent si… « penn ar », planqué dans un « bled » paumé mais assurément convivial.

Druidix

Site : http://www.mugar.info/

Label : www.budamusique.com

(Chroniques originales publiées dans
ETHNOTEMPOS n°2 – mai 1998 et n°18 – janvier 2006,
puis remaniées et mises à jour)

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