Musique traditionnelle de Corée

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Musique traditionnelle de Corée
(Buda Musique)

Initialement conçu et publié en 1997 par le National Center for Korean Traditional Performing Arts, ce double CD a pour but de dresser un panorama sinon exhaustif au moins très large des diverses formes musicales traditionnelles qui subsistent en Corée, et plus principalement en Corée du Sud. C’est en effet dans cette région que les formes anciennes ont fait l’objet d’une préservation plus importante (avec l’institution des « Trésors nationaux incorporels »), l’inspiration des musiques occidentales étant arrivée plus tardivement que dans le Nord.

Il n’en reste pas moins que la Corée dans son ensemble a su préserver et s’approprier des répertoires en provenance de Chine mais qui se sont perdus dans ce pays même. En faisant cohabiter musique d’origine chinoise et musique autochtone, la Corée a ainsi développé de splendides formes de musique savante, qui partagent par voie de conséquences quelque affinité spirituelle et esthétique avec le yayue chinois ou encore le gagaku japonais, de par l’amplitude de leur solennité, la profondeur de leur hiératisme, et leur extrême raffinement.

On en jugera à l’écoute de ces extraits représentatifs des musiques de cour (« aak ») aux tempi extraordinairement lents, comme la musique de banquet (Sujech’on), la musique de sanctuaire ancestral royal (Chonp’yehuimun), où s’imposent les instruments à vents, ou aérophones (flûtes, hautbois…), ou encore la musique confucénne, l’une des plus anciennes musiques extrême-orientales.

Dans le chapitre religieux, outre le confucianisme, le bouddhisme le chamanisme ont également imprimé leur marque dans la tradition musicale. On écoutera par exemple le « Sinawi », ensemble de musique improvisée, dans lequel s’amalgament diverses mélodies jouées sur des instruments différents mais sur un cycle rythmique défini, et qui est issu de la musique rituelle chamanique sud-coréenne.

On retrouve également cette empreinte chamanique, mêlée à des éléments de musiques populaires, dans les travaux du célèbre quatuor de percussions SAMULNORI, qui s’est taillé une belle réputation jusqu’en Occident, et aussi dans le « p’ansori », cette forme d’opéra interprétée et déclamée par un seul chanteur (ou une seule chanteuse) accompagné(e) par un tambour.

Au rang des musiques du peuple (« sogak ») figurent aussi le « kyonggi minyo » (chant populaire de la province du Kyonggi) et le chant lyrique « kagok », représenté ici par un extrait du seul chant (T’aep’yongga) qui est interprété en duo par une voix féminine et par une voix masculine (les autres étant interprétés soit par l’une, soit par l’autre).

Les autres pièces sélectionnées pour cet album permettent de se familiariser avec la pratique soliste (sanjo) d’un instrument caractéristique de la musique coréenne, telle la cithare sur table à douze cordes « kayagum », la cithare sur table à six cordes « komun’go », la flûte à cinq trous « tanso », la flûte à six trous « t’ungso » (ou « t’ungae »), la vièle à pique à deux cordes « haegum », et d’autres encore…

Enfin, dans le cas des musiques de cour comme dans le cas des musiques populaires, on découvrira aussi que la Corée possède une profuse collection d’instruments à percussion, notamment divers tambours en tonneau ou en sablier, et des gongs, cymbales, cloches, carillons et cliquettes.

Si le premier CD renferme une grande variété de formes musicales et vocales différentes, le second est davantage centré sur les soli instrumentaux et pourra de ce fait paraître moins facile à avaler d’une traite. Mais là n’est pas non plus nécessairement le but.

Le livret, s’il est quelque peu avare de perspective historique et de présentation par genres, contient néanmoins de précieuses et pointilleuses informations sur chaque plage musicale, et dresse un tableau très fourni de l’instrumentation traditionnelle sud-coréenne.

En intégrant ce double CD dans son catalogue et en le rendant ainsi disponible en France, le label Buda Musique a été plutôt bien inspiré, car il constitue une introduction de premier ordre à cet univers qui impressionne autant pour ses formes aristocratiques élégantes et posées que pour ses formes populaires exubérantes et spontanées.

Stéphane Fougère

Label : www.budamusique.com

(Chronique originale publiée dans
ETHNOTEMPOS n°15 – septembre 2004)

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