DUPLESSY & THE VIOLINS OF THE WORLD – Brothers of String
(Absilone)
Quatre cavaliers font irruption à l’horizon… Ils avancent, l’allure fière et dégagée, avec l’air d’en avoir vu d’autres, d’avoir tout vu, et d’en être revenus… Et ils chevauchent fièrement, au petit trot, sur leurs fidèles destriers… en bois ! Hein ? Ben oui, en bois ! Regardez donc les photos dans le digipack : nos quatre lascars chevauchent sur des chevaux de manège, prêts à nous sortir leur grand cirque ! Quels grands enfants, tout de même ! Bref, ce sont eux : les « Violons du monde » et leur guide attitré, le guitariste Mathias DUPLESSY, sont de retour ! Ils prennent un air impassible sur la photo de couverture et, sur celle du verso, se déchaînent comme des beaux diables sortis de leur boîte !
On se doute que leur nouveau tour du monde musical, de steppes arides en vertes vallées, de tortueux chemins de montagne en glissantes dunes de sable, sera à l’image de ces photos, à la fois posé et sémillant, mélancolique et dévergondé, méditatif et roboratif. Depuis 2010 qu’ils chevauchent ensemble, DUPLESSY & THE VIOLINS OF THE WORLD ont suivi les traces de Marco Polo, ont lâché la bride de Crazy Horse ; ils se connaissent sur le bout des cordes ; c’est pourquoi ils se présentent désormais, sans fausse modestie, comme des « frères de corde », soit des… Brothers of String !
Leurs cordes n’ont pas changé depuis leur précédent opus : outre la guitare de Mathias DUPLESSY, il y a la vièle chinoise « erhu » de Guo GAN, la vièle à tête de cheval « morin-khuur » de Dandarvaachig ENKHJARGAL (alias ÉPI, qui se commet également dans les VIOLONS BARBARES) et la vièle scandinave « nyckelharpa » d’Aliocha REGNARD. Leur réunion dans un projet artistique commun garantit de faire découvrir un univers musical singulier et évocateur, riche et nuancé, aux multiples timbres et inflexions, qui renvoie de somptueux plans panoramiques en Technicolor tout comme de plus intimistes plans rapprochés aux clair-obscurs fondants. De plus, quelques percussions se font entendre ça et là, ainsi que plusieurs styles de voix, dont l’immanquable chant diphonique mongol, histoire de renforcer la touche exotique. Vous pensez que cela fait cliché, image d’Épinal ?
Ça fait partie du jeu, car il y a dans les peintures musicales des VIOLINS OF THE WORLD une dimension cinématographique indéniable et assumée. Ils en jouent du reste avec beaucoup d’à-propos. Il n’est que de voir certains titres de leurs compositions, Good Morning Guangzhou, Japanese in Paris, ouvertement référentiels. Mais surtout, il y a cette reprise du fameux thème qu’Ennio MORRICONE avait écrit pour le film The Good, The Bad and The Ugly, ici traité comme une chevauchée (fantastique ?) dans les hauts plateaux asiatiques.
Le genre Western se retrouve aussi transformé en « Eastern Movie » avec Texas Bolero. Enfin, quand bien même il ne s’agit pas d’une reprise mais d’une composition originale, comment ne pas voir dans le remuant et saccadé Kung Fu un clin d’œil appuyé vers les films de Bruce LEE ?
Ajoutez un jazz manouche qui propulse Django REINHARDT en Chine (Chinese Dumplings), une valse japonisante (Japanese in Paris), un presque-rap tendance country et funky (Chiken Del), et vous comprendrez que les VIOLINS OF THE WORLD s’imposent comme des as du détournement comme de la rencontre interculturelle. L’Europe et l’Asie s’y interpénètrent dans des paysages mouvants, de Gibraltar à Guangzhou en passant (par deux fois) à Paris, nous invitant à cultiver le dialogue entre les genres toujours plus loin, vers d’autres horizons. (On a du reste droit à un Horizon Blues, tant qu’à faire…) Assurément, les frontières sont dûment brouillées par nos Brothers of String !
Au fait, l’allusion aurait-elle échappé à quelqu’un ? Ces « frères de corde » font bien évidemment écho (et dans les steppes eurasiatiques, l’écho peut porter loin…) aux « frères d’armes » en « situation désespérée » (en anglais : « Dire Straits »…). Alors tant qu’à faire, la célèbre composition planante de Mark KNOPFLER, Brothers in Arms, fait également l’objet d’une revisite qui reconvertit sa force émotionnelle en un blues des steppes tout aussi envoûtant.
Le même Mark KNOPFLER n’a t-il pas déclaré un jour que son idée du paradis serait un lieu où la musique folk et le blues du Delta se rencontreraient ? Avec Brothers of String, DUPLESSY et ses complices violoneux semblent avoir pris le guitariste au mot et ont tracé leur propre route vers ce paradisiaque carrefour des genres…
Stéphane Fougère
Site : https://mathiasduplessy.fr