MUZSIKÁS & Martà SEBESTYÉN – Morning Star

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MUZSIKÁS & Martà SEBESTYÉN – Morning Star
(Hannibal / Rykodisc)

Sillonnant la scène inter­nationale depuis une vingtaine d’années, MUZSIKÁS s’est forgé une réputation jamais démentie qui en fait aujourd’hui une réfé­rence en musique traditionnelle hongroise. Son « autorité » équivaut à celle des CHIEFTAINS pour la musique irlandaise, pas moins. Constitué de Dániel HAMAR (basse, ham­mer dulcimer, gardon), de Péter ERI (viola, fiddle), de Mihàly SIPOS (fiddle) et de Sándor CSÓORI (fiddle), le groupe s’est trouvé un séduisant porte-parole, ou porte-voix, en la personne de Martà SEBESTYÉN, qui a été révélée par sa collaboration à la B.O. du film Le Patient anglais.

La démarche artistique de MUZSIKÁS procède d’un engagement quasi-politique. Né dans les années 1970, le groupe s’est d’emblée ins­crit en faux contre la culture pseudo-folklori­que promue par le régime de l’époque en allant puiser son répertoire sur le terrain – c’est-à-dire dans les campagnes hongroi­ses reculées et, bien entendu, en Transylvanie – et en s’inspirant des techniques des formations locales.

Ce travail de collectage a ainsi permis de ressusciter une quantité de thèmes, de chants, d’airs à danser (czardas) d’origine paysanne dont la transmission se faisait presque « sous le manteau ». On doit notamment à MUZSIKÁS d’avoir révélé la musique juive de Transylvanie dans son bien-nommé album Máramaros : The Lost Jewish Music of Transylvania. Mais leurs autres disques révèlent d’autres trésors issus des campagnes hongroises, et le répertoire sélectionné pour Morning Star met lui aussi en valeur cette diversité et cette richesse musicale.

C’est donc d’une culture autrement profonde et vivace que MUZSIKÁS s’est fait l’humble médiateur et, à chacune de ses interventions scéni­ques (dont plusieurs passages au Théâtre de la Ville de Paris, puis à la Cité de la Musique en 1997), le groupe en profite pour inviter d’au­tres artistes traditionnels, dont les remarquables danseurs Zoltan FARKAS et Ildiko TOTH, que l’on retrouve sur ce disque de MUZSIKAS, le premier offi­ciant au gardon et la seconde aux chœurs (parce que la danse, sur un CD, euh…).

Avec Morning Star, nous découvrons donc de splendides pièces provenant principale­ment des villages de Gyimes, Szék, Méra et Ordöngösfüzes. Ce dernier, situé dans la région de Mezöség, en Transylvanie, se ré­vèle être un véritable vivier ethnique puisque Hongrois, Roumains, Saxons et Tziganes y perpétuent une tradition musicale que l’on devine riche et colorée.

La vitalité et la force émotionnelle de MUZSIKÁS ont toujours été ranimées au contact de diverses sources (tziganes, juives…), et l’on en a ici un nouvel exemple avec cette adaptation de Ha én rózsa Volnék  (If I were a Rose), une pièce qui combine une chanson hongroise et une chanson de Bashkirie (ou Bashkortostan, république fédérale de Russie) et qui a de forts relents orientaux, notamment appuyés par le chant de gorge de Andràs BERECZ, l’un des invités de l’album.

Afin de permettre aux auditeurs néophytes ou curieux de faire plus ample connaissance avec le répertoire, le livret de Morning Star contient des commentaires sur chaque morceau en plus de présenter les textes des chansons en hongrois et leur traduction en anglais.

Comme pour les autres albums de MUZSIKÁS depuis Prisoner’s Song, c’est sur le label Rykodisc que parait Morning Star, qui est en fait l’édition « internationale » de l’album Hazafelé (Homeward Bound), paru en 1996 – soit un an avant Morning Star – sur le label hongrois Gong. Morning Star n’est cependant pas la réplique exacte de Hazafelé. Là où ce dernier comprenait dix pistes musicales, Morning Star n’en comprend que neuf. Et pourtant, même avec une piste en moins, Morning Star est singulièrement plus long d’une dizaine de minutes que Hazafelé !

Certaines pièces, comme Füzesi Iakodalmas (Wedding in Füzes Village) et Édesanyám rózsafája (My Mother’s Rosebush), ont été réarrangées et réenregistrées avec des musiciens additionnels, dont le joueur de fiddle László PORTELEKI, qui ne figurait pas sur Hazafelé.

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D’autres pièces ont été généreusement allongées par rapport à leur version d’origine : Ej, Dde széles (Oh, The Road is long) est introduit par deux mélodies lentes qui ne figuraient pas sur la version originale ; Gyimesi dallamok (Cry Only on Sundays) contient deux thèmes instrumentaux qui avaient fait l’objet de pistes distinctes sur Hazafelé (Verbunk from Gyimes et Rakóczi March) ; de même que Baj baj, baj (Trouble, Trouble) inclut une partie de Dance of Lads, présenté séparément sur Hazafelé.

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De plus, l’ordre des morceaux a été repensé et  trois chansons d’humeurs plus romantiques ou mélancoliques ont été ajoutées à Morning Star (la déjà citée If I were a Rose, plus A Song from Madocsa et Oh Morning Star – Farewell to Soldiers), ce qui permet de mettre Martà SEBESTYÉN plus en valeur tout le long du disque. Par contre, la chanson Szállj el Madár (Fly, Swallow, Fly), interprétée par Sándor CSÓORI, qui figurait en clôture de Hazafelé n’a pas été retenue sur Morning Star.

Sans doute toutes ces modifications par rapport à l’édition originale ont-elles été faites à la demande du label Rykodisc pour faciliter l’appréhension de la musique du groupe auprès d’un public international. Mais qu’on se rassure, la musique de MUZSIKÁS sur Morning Star n’a pas été édulcorée. Elle préserve ses angles rugueux, ses syncopes rythmiques, ses contrastes émotionnels, son esprit de forte complicité musicale et sa fraîcheur d’interprétation, c’est quand même l’essentiel !

Stéphane Fougère

Site : www.muzsikasband.com

(Chronique originale publiée dans
ETHNOTEMPOS n°1 – novembre 1997,
et mise à jour en 2020)

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