ONE SHOT – Ewaz Vader

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ONE SHOT – Ewaz Vader
(Le Triton)

Pour qui est aguerri de longue date aux musiques de fusion progressives « crypto-zeuhlo-avant-gardo-oppositionnistes » et j’en passe, la musique de ONE SHOT est de celles dont on pourrait dire « ouais, bon, ça va une fois… ». « Une fois », c’est ce que devait être, comme son nom l’indique, ONE SHOT ; un « play and go », sans suite. La suite, on la connaît : ce fut un disque, puis un deuxième… et voilà que se profile le troisième rejeton, affublé d’un titre aux apparences ésotériques, que l’on pourrait penser référentiel, mais qui cache en fait un jeu de mots bien foireux (Vader, quand on joue une musique « dark », ouais… mais non, c’est pas ça !) .

À part ça, quoi de neuf ? Rien, justement, parce que la musique de ONE SHOT n’a pas pour vocation de défricher quoi que ce soit et prend plutôt un jubilatoire plaisir à ressusciter une musique dont les contours et les articulations sont connues de longue date, depuis les années 1970 en fait, circonscrite dans les voies ouvertes par le Miles DAVIS électrique, Tony WILLIAMS LIFETIME, MAHAVISHNU ORCHESTRA, et, ben… MAGMA, tant qu’à faire ! (À quoi bon s’en cacher quand on a trois zicos sur quatre qui en font partie !)

Si ONE SHOT n’est donc pas le premier à jouer cette musique, il est aujourd’hui, au moins sur le sol français, celui qui la joue certainement avec autant de maîtrise (des années de complicité entre ses membres ont grandement aidé), de conviction, de puissance… dois-je ajouter : d’inspiration ? Tout cela, on le savait sans doute déjà, mais Ewaz Vader le dit avec une perfection que ses prédécesseurs n’avaient pas exactement atteinte. La preuve en est que, jusqu’à présent, ONE SHOT avait enregistré dans les conditions du live, sans pour autant parvenir totalement à restituer le son, la chaleur et la fougue du contexte scénique. Ewaz Vader, enregistré en studio par les bons soins de Jacques VIVANTE (studio Le Triton), parvient, dans un suprême paradoxe, à rendre prégnante cette pulsation typique du direct. Quel son, bon sang, quel son !

La guitare saillante et incisive de James McGAW, le synthé-« attiseur » et le Fender Rhodes, tantôt chaleureux, tantôt âcre et visqueux, d’Emmanuel BORGHI, la basse rugissante de Philippe BUSSONNET, les fûts et les cymbales épileptiques de Daniel JEAND’HEUR : tout est retranscrit avec un sens aigu du relief, et le haut degré de communion alchimique atteint par les quatre lascars fait le reste.

Du thème tout en spirale grisante du morceau éponyme aux coups de semonces métalliques de Missing Imperator en passant par l’hypnose feutrée de Fat et la subtile et lente progression climatique de I Had a Dream Part. III & IV, Ewaz Vader fait montre du profond engagement musical de nos quatre sbires et de l’intensité infaillible qui émane de leur armature sonore. Aucun ventre mou ni temps mort n’est à déceler dans ces quatre compositions à rallonge (entre dix et quinze minutes) fortement contrastées.

L’auditeur n’aura aucun mal, à l’écoute de ce CD, à retrouver les sensations physiques qui l’envahissent lors d’un concert de ONE SHOT : trépignations, « head-banging », spasmes… Enveloppante, rebondissante, ascendante, caressante, bouillonnante, la musique du quartet est multi-usage : elle peut servir à bouger, à tripper, à transpirer, à halluciner, à baiser, à manger et fait même le ménage… dans les têtes. Cerise sur la potion, une piste vidéo permet de voir (ou de revoir) ONE SHOT dans son élément de prédilection, la scène, jouant une version de Blue Bug (un morceau tiré de l’album Vendredi 13) au Triton, en décembre 2005.

Décapante et régénératrice est en somme la musique de ONE SHOT, si vous voyez ce que je veux dire… 

Stéphane Fougère

Site label : www.letriton.com

(Chronique originale publiée dans
TRAVERSES n°21 – janvier 2007)

 

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