Paolo ANGELI – Tessuti (plays FRITH and BJORK)

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Paolo ANGELI – Tessuti (plays FRITH & BJORK)
(ReR Megacorp / Orkhêstra)

Guitariste originaire de Sardaigne, Paolo ANGELI a redécouvert ses racines dans les années 1990 avec un grand maître de la guitare sarde, Giovanni SCANNU. Ce n’est pourtant pas le répertoire traditionnel que Paolo a choisi de jouer, mais ses propres compositions, en s’accompagnant d’une guitare sarde dite « préparée », c’est-à-dire modifiée, à laquelle il ajoute des cordes, des pièces en bois et en métal pour obtenir des sonorités inédites et parfois étranges.

Tessuti, son cinquième album, est un hommage à deux artistes qu’il admire : BJORK, chanteuse islandaise célèbre pour ses extravagances, et Fred FRITH, amateur de musiques de l’Europe de l’Est, musicien anglais qui fut guitariste folk, avant de se distinguer dans les milieux des musiques de traverses et de l’improvisation où il est l’un des musiciens les plus appréciés. 

L’album comporte donc des interprétations à la guitare sarde « préparée » de morceaux de ces deux personnalités, aux côtés de cinq nouvelles compositions de Paolo ANGELI. Si le musicien joue seul, l’auditeur a pourtant l’impression d’écouter tout un orchestre avec guitare, basse, violon, violoncelle et autres cordes. Les modifications opérées sur la guitare sont à ce point bluffantes !

Car, excepté quelques secondes de loops sur la fin de Ahead in the Sand, une radio de passage sur Lelekovice et une voix fantomatique sur Navajo (ces trois titres sont de FRITH), aucun effet n’a été ajouté sur ces enregistrements réalisés en prise directe. Il faut le voir sur scène pour se rendre compte qu’il s’agit d’interprétations en solo.

La musique de Paolo ANGELI transporte telle la musique d’un film, faussement tranquille, étrange, contrastée et pleine de trouvailles et d’émotion, capable de mêler dans une seule mélodie douceur et grincements, sensations de bien-être et d’inquiétude. La guitare sarde acoustique, ainsi modifiée, peut adopter les sonorités de nombreux instruments à cordes mais aussi de percussions, et réaliser divers bruitages. Les sonorités qu’il est possible de tirer des instruments, quels qu’ils soient, n’ont pour limites que l’imagination des musiciens, et les instruments traditionnels, trop rares, devraient avoir davantage de place dans ces musiques dites « d’avant-garde » qui ne s’embarrassent pas des barrières de styles. L’inventivité et la réussite de l’album Tessuti (textiles), l’atteste largement.

Sylvie Hamon

(Chronique originale publiée dans
ETHNOTEMPOS n°36 – novembre / décembre 2007)

 

Paolo ANGELI – Tessuti (plays FRITH & BJORK)
(ReR Megacorp / Orkhêstra)

Inutile de détourner le regard, je vous ai vu en train d’écarquiller les paupières ou de renfrogner les sourcils, au choix, à la lecture du titre de cet album ! Eh bien si ! il s’est trouvé quelqu’un pour oser, dans un même disque, faire des reprises de Fred FRITH et de BJÖRK, sans se préoccuper des discours qui tendraient à opposer les démarches de l’un et de l’autre en faisant valoir qu’ils ne boxent pas sur le même ring.

Cela dit, à y bien réfléchir, il y a une artiste dans le milieu des musiques nouvelles et improvisées qui auraient pu effectivement se prévaloir d’une telle idée : c’est la harpiste Zeena PARKINS, qui a travaillé avec le guitariste anglais comme avec la chanteuse islandaise. Cependant, Tessuti n’est pas son œuvre, mais celle d’un autre tritureur de cordes (qui a du reste participé à des projets de FRITH), Paolo ANGELI, dont nous avions déjà parlé pour sa fresque sonore Nita, l’angelo sul trapezio, qu’il avait conçue avec une bonne trentaine de musiciens.

C’est aux antipodes de sa précédente réalisation pour le label ReR que Paolo ANGELI situe son nouvel album, puisqu’il s’agit à nouveau d’un disque exclusivement solo, à l’instar de Bucato, son premier CD sur ReR, sur lequel il déployait les prodigieuses techniques de son instrument pas vraiment passe-partout, au moins en raison de sa taille, à savoir la guitare sarde géante et préparée.

Sans rappeler ici de quoi est fait cet objet singulier (voir notre chronique du précédent CD de Paolo ANGELI), il faut toutefois rappeler qu’il est presque un véritable orchestre à lui seul, pouvant simultanément servir d’instrument « lead » et d’instrument rythmique. Les performances live de Paolo ANGELI sont à cet égard éloquentes et font montre d’une grande inventivité, autant sur le plan technique que strictement musical.

On en a une fois encore la preuve à l’écoute de Tessuti, dans lequel la guitare sarde est pincée, frottée, frappée ou jouée à l’archet et fait entendre une multitude de sons que l’on croirait provenir d’autres instruments : violon, violoncelle, vièle, guitare électrique, dulcimer, percussions, voire bagpipes (pour ses sons de bourdon). Et bien entendu, il n’y a pratiquement aucun « overdubs », Paolo ANGELI joue en temps réel, et strictement seul ; c’est le « one-man band » par excellence.

La dissemblance des sources qu’il a choisi de revisiter s’estompe donc assez vite au profit de ce foisonnement sonore provenant d’une unique source instrumentale. Du reste, les reprises de BJÖRK et de FRITH sont ici agencées telles des parties d’une performance qui semble continue, sans quasiment aucune coupure (si ce n’est pour les trois dernières pièces présentées comme des « bonus tracks », comme si elles faisaient partie du rappel d’un concert), et sont reliées par des pièces plus courtes qui sont composées par Paolo ANGELI.

Le guitariste sarde nous ballade ainsi de terrains mélodiques en espaces plus escarpés, bruitistes, ou plages délicieusement planantes, avec un sens affûté du contraste, ce qui, couplé à la nature « tout-en-un » de sa guitare sarde, rend son opus très diversifié, loin de la monotonie présumée que peut laisser augurer la perspective du disque solo.

Certains thèmes sont assez reconnaissables (Ahead in the Sand et Navajo pour FRITH, One Day et le somptueux Unravel pour BJÖRK), d’autres moins (The Hand that Bites, de SKELETON CREW), mais chaque reprise réserve des arrangements improbables et d’autant plus impressionnants.

La réappropriation à laquelle s’est livrée Paolo ANGELI fait en tout cas réfléchir à la prétendue imperméabilité des frontières entre musique populaire et musique expérimentale, et invite au passage à réévaluer les univers des deux – pardon, des trois ! – artistes célébrés dans cet album.

Stéphane Fougère

(Chronique originale publiée dans
TRAVERSES n°23 – mars 2008)

Site : http://www.paoloangeli.com/en/

Label : www.rermegacorp.com

Distributeur : www.orkhestra.fr

 

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