R.I.P. Geoffrey ORYEMA

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Le musicien et chanteur d’origine ougandaise Geoffrey ORYEMA est mort vendredi 22 juin des suites d’un cancer, à l’âge de 65 ans, à Ploemeur, près de Lorient, où il avait élu domicile depuis 2009. Natif de Soroti, dans le centre-est de l’Ouganda, Geoffrey ORYEMA était l’une des grandes figures de la world music africaine révélée par le label de Peter Gabriel, Real World.

Sa voix plaintive et haut perchée était aussi capable de s’épanouir dans des graves profonds. Et il s’exprimait tantôt en atcholi, tantôt en anglais et même en français. Sa musique, fruit d’un mélange entre tradition ougandaise et pop-rock anglo-saxon, mêlait instruments traditionnels acoustiques, comme le lukume, la nanga, la sanza et la kora, et instruments modernes (guitares acoustique et électrique, basse, claviers, percussions). Ses choix artistiques traduisaient un métissage « inversé » dus à sa nature d’exilé.

Geoffrey ORYEMA a en effet quitté à l’âge de 23 ans son pays, suite à l’assassinat de son père qui était ministre. Cherchant à fuir la dictature d’Amin Dada, il s’est établi en France dès 1977, où il a été naturalisé. Par la suite, il s’est a été remarqué par Peter Gabriel, qui a tôt fait de le signer sur son label Real World, alors en pleine expansion.

Sorti en 1990, Exile est indubitablement le disque qui a révélé la voix de Geoffrey ORYEMA au monde entier, ainsi que sa musique. Il y est accompagné par les « usual suspects » de l’écurie Real World : David Botrill, David Rhodes, Richard Blair, et même Peter Gabriel au chœurs sur Land of Anaka, une superbe ballade intimiste co-écrite avec Brian Eno, par ailleurs producteur de l’album.

De nombreux concerts aux quatre coins du monde ont assuré à Geoffrey ORYEMA une notoriété internationale et un succès discographique qui s’est confirmé par un deuxième disque sur Real World en 1994, Beat the Border, dont les musiques sont en majeure partie signées Jean-Pierre Alarcen.

Night to Night a suivi en 1997, toujours sur le même label : Alarcen y signe encore une majeure partie des morceaux, mais Daniel Lanois écrit également les paroles de LPJ Christine, et Anthony Moore (Slapp Happy) celles de Miracle Man. La contribution du Congolais Lokua Kanza au chant, à la basse et aux percussions ne passe pas non plus inaperçue… L’album suivant, Spirit (2000), paraîtra chez Sonopress/Musisoft avant d’être réédité la même année par la major Sony Music.

 De par la nature métissée de sa musique, le succès de Geoffrey ORYEMA a dépassé le seul cadre des musiques du monde. Le « grand public » a ainsi pu le découvrir à travers le tube Chacun sa route, qu’il avait co-écrit avec Tonton David et Manu Katché pour la B.O. du film Un indien dans la ville, ou encore avec la chanson Bye Bye Lady Dame, écrite par Jean-Claude Vannier, qu’il interprétait en duo avec Alain Souchon, ou encore avec Yé yé yé, une chanson de l’album Exile qui a servi de générique pour l’émission de Michel Field, Le Cercle de minuit, durant sept ans. En 2007, Geoffrey ORYEMA avait composé la musique du documentaire de Wim Wenders Invisibles, consacré aux mercenaires nord-ougandais.

Geoffrey ORYEMA s’était aussi distingué pour ses positions humanistes qui lui ont valu d’être invité par deux fois à l’ONU. Depuis 2016, il avait donné son nom et son soutien à un centre d’hébergement pour demandeurs d’asile à Bobigny.

Depuis son installation en Bretagne, Geoffrey ORYEMA avait continué à se produire sur des grandes scènes internationales tout en assurant des petites scènes plus locales. Son dernier album, From the Heart, sur lequel joue le bassiste Tony Levin, date de 2012 et fut co-produit par les labels La Mouche, Long Tale Recordings et Coop Breizh.

En décembre 2016, Geoffrey ORYEMA avait pu retourner pour la première fois sur sa terre natale, à Kampala, pour y donner un concert chargé en émotions.

C’est non seulement une grande figure de la world music africaine qui disparaît (trop tôt…), mais aussi une voix humaniste que l’exil a rendu sensible aux cultures occidentales, sans rien perdre de la sienne.

RYTHMES CROISES/ETHNOTEMPOS avait rencontré Geoffrey ORYEMA lors du festival Babel en 2000. Nous republierons prochainement l’article que nous lui avions consacré à l’époque, et adressons pour l’heure nos sincères condoléances à sa famille et à ses proches.

Article : Stéphane Fougère
Photo : Sylvie Hamon, au Festival Babel à Strasbourg, juillet 2000

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