THE COOL FEEDBACK – Soul Overdrive /
THE COOL FEEDBACK QUARTET – Live in Paris
(Milano Records)
Avec son premier album, Dash My Mind, THE COOL FEEDBACK QUARTET avait décliné une bien singulière musique fondée sur l’effet Feedback. Pour rappel, ce dernier se produit lorsque l’émetteur amplifié (un haut-parleur, par exemple) et le récepteur (au hasard, un microphone) d’un système audio sont placés à proximité l’un de l’autre. Le son émis par l’émetteur est capté par le récepteur, lequel le retransmet alors à l’émetteur sous forme de boucle amplifiée produisant un signal auto ondulatoire qui augmente progressivement en intensité jusqu’à atteindre les limites du matériel utilisé, pouvant même l’endommager, voire le détruire.
Après les HENDRIX, YOUNG et autres SONIC YOUTH, THE COOL FEEDBACK a cherché à maîtriser et à harmoniser cette mise en abyme sonore, cette fois pour générer un son quasi philharmonique de type « ambient-noise » et peindre des paysages de saturation sonore aux confins d’un minimalisme enveloppant et hypnotique. Il récidive dorénavant avec un second LP, bien décidé à bercer l’âme en disposition d’écoute avec des effets de saturation légère, autrement dit d’ »overdrive », à mi-chemin entre le son clair et la distorsion, apte à évoquer des climats psyché-blues futuristes. Mais cette fois, THE COOL FEEDBACK, toujours dirigé par le multi-instrumentiste Grégoire GARRIGUES, a invité du monde à se joindre à sa caravane sonique !
Du quartet de l’album précédent, il reste toujours François Robert LLOYD, l’indispensable acolyte guitariste de Grégoire GARRIGUES, et le pianiste Michel GUIKOVATY, mais la batterie est cette fois tenue par Jean-Bernard LEPAPE. Et surtout, de nouvelles couleurs font leur apparition, avec les interventions de plusieurs musiciens issus de la scène underground française, du jazz et même de la variété, sans que cette apparente hétéroclité de personnel ne porte atteinte à la cohérence artistique de l’album. De QUARTET qu’il était au départ, THE COOL FEEDBACK devient donc un nonet !
L’album démarre avec Familiar Tones dans une ambiance moite de western « léonien » ou « jarmuschien », avec des guitares saturées aux notes lancinantes, bientôt propulsées par la basse vrombissante de Morgan LANOË et la batterie délicate de Jeant-Bernard LEPAPE, jusqu’à ce qu’un « break » fasse intervenir sans crier gare le piano de Michel GUIKOVATY, qui se fend d’un solo aux accents mélancoliques et contemplateurs que tout les autres finissent par accompagner jusqu’à la fin.
Sur From G to G, le « nid de guitares » se pare bien vite d’un écho « lynchien », avec l‘immanquable trompette de Jac BERROCAL, auquel succède un solo de basse bien mordant, ce qui n’empêche nullement BERROCAL de continuer son vol plané, sur fond de sonorités science-fictionesques.
Slow Emergency est conforme à ce que son titre suggère, sorte de blues fondant et caniculaire avec une batterie semblant se mouvoir au ralenti sur les feedback, Grégoire GARRIGUES ajoutant une teinte onirique en jouant du vibraphone, et la trompette de BERROCAL toujours en mode « sérénade lunaire ».
Sur Sibylline Talk, les feedback de guitares soutiennent un dialogue échevelé entre le saxophone alto de Tullia MORAND et le saxophone ténor de Pierre MIMRAN, chacun placé à un bout du spectre sonore, créant un effet de stéréo à l’ancienne, tandis que Grégoire GARRIGUES imprime sa marque doucereuse à la contrebasse, et que la batterie intervient en mode éclaté et éruptif.
Enfin, après une intro ambient suavement saturée par les cordes de la basse et des guitares, Plane Curve renoue avec un blues binaire bien grisant sur lequel vient subrepticement mais sûrement se poser une clarinette basse dédoublée, celle de « Monsieur URBAN SAX » en personne, j’ai nommé Gilbert ARTMAN.
Proposant une plongée en apnée dans les climats apesantis de la saturation résonnante et raisonnée, Soul Overdrive est l’album idoine pour ralentir les modes de vie frénétiques ou chaotiques sans pour autant verser dans la relaxation narcotique. Il s’y passe plein de choses, on s’y pose, on y dialogue, on s’y agite mais sans craindre l’essoufflement physique ou même existentiel. Les saturations qui l’habitent agissent comme un baume parfumé de diverses pousses bariolées aux effets secondaires stimulants.
En amont de Soul Overdrive est également paru, de manière plus confidentielle, un album Live in Paris, qui restitue la première apparition scénique de THE COOL FEEDBACK QUARTET, a peu près deux ans après la parution de Dash My Mind. L’événement a eu lieu le 2 juin 2018 aux Voûtes, à Paris (voir notre diaporama photos) et a montré que le projet de Grégoire GARRIGUES n’était pas destiné à rester une expérience de studio, compte tenu de sa large composante musicale improvisée.
C’est ainsi que, pour son premier concert, THE COOL FEEDBACK QUARTET est en fait apparu sous la forme d’un quintet, avec l’adjonction d’un troisième guitariste (Thierry LOS) aux côtés de F. Robert LLOYD et de Grégoire GARRIGUES, plus Morgan LANOË à la basse et, déjà, Jean-Bernard LEPAPE à la batterie. Et parce qu’on était vraiment pas loin des bureaux du label Urban Noisy, Gilbert ARTMAN et Jac BERROCAL furent également conviés à participer !
En live, la musique de THE COOL FEEDBACK dégage des vibrations plus chaleureuses, avec des pointes de saturation plus acérées. On y retrouve des pièces du premier album, évidemment réarrangées (Cool Fire, Conversation et Catalyst on the List, magistralement poisseux ici), mais aussi de nouveaux terrains de jeu aux consonances inattendues chez THE COOL FEEDBACK, comme ce Spanish Fuss, ainsi nommé sans doute en raison de la couleur et de la moiteur climatique provoquées par la trompette de BERROCAL, et cette Surboum chez Gilbert, un twist prodigieusement décalé sur lequel tout le monde se contorsionne à loisir, transformant le COOL FEEDBACK en un « Rather Hot Feedback » !
Outre sa valeur documentaire, ce Live in Paris constitue un attrayant trait d’union entre Dash My Mind et Soul Overdrive ; avis aux amateurs !
Stéphane Fougère
Label : www.milano-records.com/the-cool-feedback-quartet.html
Distribution : http://urban-noisy.com/the-cool-feedback-quartet/