THE NECKS – Chemist
(ReR Megacorp/Orkhêstra)
C’est vrai, le label ReR fait une fixation sur THE NECKS : six albums parus en cinq ans, voilà qui ressemble à de l’incitation à l’overdose ! Et encore, c’est sans compter le coffret 4 CD, Athenaeum, Homebush, Quay & Raab, et l’album Photosynthetic, disponibles uniquement sur le site web du groupe. Que voulez-vous ? Tony BUCK, Mick ABRAHAMS et Lloyd SWANTON sont des stakhanovistes de la création. Et on a beau avoir tout compris à leur proposition musicale avec un seul CD, connaître leur « formule » inlassablement réitérée sur chaque opus, on est bluffés et, surtout, conquis à chaque fois.
Rien n’est fondamentalement compliqué dans la musique de THE NECKS : une idée, une seule idée, un simple motif suffisent à nous embarquer dans un périple hypnotique unique qui, la plupart du temps, s’étale sur une heure, soit un CD quasi entier. On croit capter une image climatique nette mais, imperceptiblement, par petites touches, une note, un son, cette image change, se fragmente, s’anamorphose et se kaléidoscopise, et se transforme en une autre image. Le temps de réaliser, et le processus a déjà esquissé les contours fluctuants d’une autre environnement…
Que reste-t-il à dire de l’art « necksien » après treize albums ? On aurait perversement aimé pouvoir vous affirmer qu’avec Chemist, THE NECKS s’est planté, histoire d’avoir quelque chose d’inédit à dire, mais ce n’est même pas le cas ! Chemist est une réussite de plus, et qui s’offre même le luxe d’apporter quelques nouveautés non dans le discours, mais dans la façon de l’aborder.
D’abord, le format : en lieu et place de l’usuelle pièce unique d’une heure, Chemist est constitué de trois pièces de dimension moyenne : chacune dure quelque vingt minutes, soit trois faces de 33 Tours. Elles n’en sont pas moins denses et prenantes, et ont le mérite de compacter le propos tout en le renouvelant. Le fait que leur durée soit globalement égale permet de mettre en évidence le contraste de leurs esthétiques respectives.
Fatal est une pièce aux allures inhabituellement « rock », dissonante et sombre pour THE NECKS, avec sa rythmique sèche et implacable et… et… ses motifs de guitare électrique ! C’est dans l’introduction de cette dernière (jouée par le batteur Tony BUCK) que réside la seconde principale nouveauté de cet opus.
Buoyant calme le jeu avec ses sons de sonars, d’oscillateurs, de sirènes parfois à peine perceptibles (toujours ce sens affiné du détail !), ses motifs de piano et ses motifs de basse, la batterie ne rentrant que très tardivement pour s’émoustiller avant un retour au calme définitif.
Abillera démarre par un solo de contrebasse de Lloyd SWANTON qui se perd dans le lointain pour laisser place aux textures claviéristiques de Chris ABRAHAMS. À mi-chemin, le trio joue enfin ensemble et s’envole dans de nouvelles spirales…
THE NECKS passe ainsi au sein d’une même pièce du diaphane au rugueux, du placide au tourbillonnant, de l’éthéré au bouillonnant, sans avoir recours aux « breaks », par simples « déplacements » subtils. Les trois chemins de randonnées (al)chimistes proposés ici sont de ceux que l’on refait volontiers en boucles.
Stéphane Fougère
Site : www.thenecks.com
Label : http://www.rermegacorp.com/
Distributeur : www.orkhestra.fr