Thomas de POURQUERY SUPERSONIC
Jouer le soleil, l’espace et l’amour
Que de chemin parcouru pour l’auteur-compositeur francilien Thomas de POURQUERY, depuis ses débuts dans le BIG BAND LUMIÈRE et l’ONJ de Laurent CUGNY ! Passé par DPZ, RIGOLUS et le MÉGA-OCTET d’Andy EMLER, de POURQUERY s’est tracé une voie à part dans le milieu du jazz contemporain français, n’hésitant pas à repousser les plates-bandes du genre en y intégrant des influences exogènes. Car Thomas de POURQUERY est avant tout un artiste avide de liberté qui ne connaît d’émancipation que dans les transes sonores sans frontières. (Sa récente collaboration avec Maxime DELPIERRE dans le duo à orientation pop VKNG en est un exemple…)
En créant son sextette SUPERSONIC en 2011, il s’est offert le luxe de marcher dans les pas de l’inclassable SUN RA, dont il a rappelé le statut culte en reprenant certains de ses standards – ce qui lui a valu une reconnaissance critique et publique – et s’est décidé à prolonger l’existence du groupe en le laissant voler de ses propres ailes, avec son propre son, dans de nouvelles hauteurs sidérales . Le second album de SUPERSONIC, Sons of Love, fait donc figure de manifeste comme d’acte de (re)naissance d’une aventure musicale aux reliefs pivotants et aux projections extatiques, fruit d’une complicité éprouvée entre les membres du groupe.
RYTHMES CROISÉS a rencontré Thomas de POURQUERY lors de sa programmation au festival Temps Fête de Douarnenez. Le saxophoniste et chanteur a révélé ses prochains projets, l’un mêlant musique et cinéma (car de POURQUERY est aussi acteur) et l’autre avec des artistes congolais. Homme de cœur soucieux d’irradier les consciences, Thomas de POURQUERY a tenu à souligner que son engagement musical se double aussi d’un engagement humanitaire et en appelle à l’ouverture des esprits envers leurs prochains. S’il fait voyager dans les mondes stratosphériques, c’est aussi pour rappeler l’urgence du savoir-vivre ensemble sur Terre. Thérapeutique, SUPERSONIC ? Mettez-vous donc à l’écoute des “Fils de l’amour”…
Entretien avec Thomas de POURQUERY
Comment est venue l’envie de faire SUPERSONIC ? Est-ce le projet sur SUN RA qui l’a amené, ou est-ce que tu avais déjà envie de monter un groupe étoffé ?
Thomas de POURQUERY : En fait, c’est vraiment une commande du festival Banlieues Bleues, qui m’avait demandé de faire une création de mon choix, et j’ai eu envie de jouer du SUN RA. On me proposait de faire quelque chose de nouveau. Je voulais jouer des standards, mais des standards uniques, particuliers, pas souvent joués.
Pourquoi SUN RA ?
Thomas : Parce que je connaissais sans l’avoir vraiment beaucoup joué, mais j’écoutais sa musique et je la trouvais sublime, et j’étais très étonné que dans les listes des standards de jazz des Real Books, il n’y ait aucun morceau de SUN RA. Donc je me suis dit « tiens, allons nous éclater sur cette musique-là », et j’ai monté un groupe un peu à l’image de SUN RA, avec des gens qui viennent d’univers très différents.
Avec lesquels tu avais déjà travaillé ?
Thomas : Avec lesquels j’avais déjà travaillé pour la plupart, sauf Frédéric GALIAY, le bassiste, mais j’avais flashé sur BIG, le duo basse/batterie d’Edward PERRAUD et de Fred GALIAY. C’est vraiment un duo de noise, d’improvisation, de drum n’bass, un groupe à deux. Donc j’ai pris ce groupe-là, j’ai pris deux musiciens du groupe de rock PONI HOAX, qui sont de vieux amis avec qui je jouais depuis très longtemps, jazzmen d’origine, Arnaud ROULIN le pianiste et Laurent BARDAINNE le saxophoniste ténor, et un trompettiste classique que je connaissais, mais avec qui j’avais peu joué et qui jouait à l’époque dans LE SACRE DU TYMPAN, Fabrice MARTINEZ, qui vient vraiment du classique, de la musique contemporaine.
Ils avaient tous des affinités avec SUN RA ?
Thomas : Pas forcément. Et au départ, j’ai vraiment abordé cette musique comme des standards, c’est-à-dire qu’on les joue très simplement, comme quand on joue des standards pour faire le bœuf. « Tu connais Autumn Leaves ? Ben vas-y ! » On les a abordés comme ça, avec assez peu d’arrangements au final, d’autant qu’il m’est arrivé une mésaventure à l’époque, on m’a piqué tous mes arrangements peu de temps avant les répétitions. Du coup on a abordé les choses beaucoup plus simplement, et avec d’autres morceaux que ceux qui étaient prévus à la base. Comme sur tous les standards, dans un cadre précis et défini, on va conquérir une certaine liberté.
Tu disais que suite à ce vol, tu as donc été obligé de choisir d’autres compositions ?
Thomas : Oui, j’avais déjà choisi certaines compositions, et j’ai dû en choisir d’autres. Il y a quelques morceaux en commun avec mon premier choix, mais très peu en fait. SUN RA a écrit énormément de musiques… Ça a été une expérience incroyable.
Un enfant du Roi Soleil
À l’écoute de Play SUN RA, on a déjà l’impression d’avoir affaire à un groupe soudé, le son du groupe est déjà là, comme s’il avait préexisté au projet.
Thomas : Oui, on était tous hallucinés, même à la première répétition, c’était vraiment incroyable, il s’est passé quelque chose d’assez miraculeux parce que vraiment j’avais espéré que ça fonctionne, et ça a été au-delà de mes espérances, de nos espérances. Quelque chose à « matché » tout de suite dès la première répétition. On s’est trouvés. Et plus on joue, plus on se rode. Ça a été un grand bonheur dès le départ.
On peut dire que SUPERSONIC s’est forgé avec la musique de SUN RA ?
Thomas : Complètement. SUPERSONIC est né avec la musique de SUN RA. C’est vraiment un enfant direct de SUN RA parce qu’il est né en jouant sa musique.Les premières notes qu’a joué ce groupe sont ceĺles de SUN RA, avant de nous envoler vers d’autres horizons.
Du reste, sur ce premier album, il n’y a pas que des reprises de SUN RA. Il y a aussi des compositions de Thomas de POURQUERY…
Thomas : Oui, deux. Et un morceau de Roland KIRK aussi.
Pourquoi ce choix de reprendre du Roland KIRK ?
Thomas : Parce que les paroles de cette chanson parlent précisément du soleil : « If there is no Sun ?. » (S’il n’y avait pas le soleil…) C’était une sorte de déclaration d’amour à SUN RA !
Un son de rêve
Et petit à petit, SUPERSONIC a fait son bonhomme de chemin, et l’envie est venue d’un nouvel album…
Thomas : Oui, on a eu la chance de jouer beaucoup – je touche du bois ! – avec ce premier album, Play SUN RA, qui a reçu une victoire de la musique, meilleur album jazz de l’année en 2014, ce qui nous a beaucoup aidé. C’était un honneur de recevoir ce prix et ça nous a offert plein de concerts. On a eu une belle vie avec ce disque. À un moment, il a fallu envisager la suite. Certains me disaient « pourquoi ne pas faire un deuxième album sur SUN RA ? » Moi, ça ne me parlait pas trop, le but n’était pas de faire un groupe de reprises, un groupe complètement voué à jouer que du SUN RA. C’était mon envie sur un album, c’était super, mais je me voyais pas écrire d’autres choses.
Et j’ai rêvé une nuit – je fais très peu de rêves musicaux – que j’étais au milieu de SUPERSONIC, comme un petit animal volant, comme si j’étais dans l’ADN du son. Je pouvais me poser sur les touches du piano, le pavillon de la trompette, les clés du sax, rentrée dans le son, comme ça. Et en me réveillant, il m’est resté juste une impression du son propre de SUPERSONIC. En même temps a disparu l’angoisse de la page blanche, et le fouet qui nous lacère le dos à nous autres petits compositeurs qui passent après des génies comme SUN RA, par exemple…
Parce qu’effectivement je me disais « qui suis-je pour aller composer un album après eux, pour ce groupe qui a commencé à jouer des chefs-d’œuvres d’immenses compositeurs ? » C’est très complexe. Je me suis dit que j’allais former un autre groupe pour jouer ma musique. Mais il y a eu ce rêve, et au matin j’avais conscience du son de SUPERSONIC, j’ai pris conscience qu’il fallait juste écrire des prétextes, des terrains de jeu, que l’une des caractéristiques du son de SUPERSONIC, c’était la transe, c’était le son qu’on avait nous six. Et quelque part, quelle que soit la matière première, il fallait juste faire sonner le groupe.
Voir les choses comme ça m’a beaucoup aidé, et du coup j’ai pondu l’album assez rapidement en essayant de n’inventer que des prétextes à jouer, en concevant la composition comme ça, et non pas comme » ma vie, mon œuvre qui doit s’incarner dans un morceau ». Et ça m’offre encore aujourd’hui une liberté tellement plus importante que de se dire » tiens je vais écrire un morceau… ». C’est très libérateur.
Ça correspond aussi peut-être à une envie de ta part de composer pour un sextet ?
Thomas : Complètement. C’est clair que, pour le coup, c’était écrire pour mes amis, Laurent, Fabrice, Edward, Fred et Arnaud.
Voyages et pillages
Est donc apparu Sons of Love, qui est un album assez éclectique quand même, avec des ambiances assez variées, assez contrastées, de Give the Money Back à Slow Down, c’est presque le jour et la nuit, ou la soleil et la lune (rires) !
Thomas : Comme disaient Arnold et Willy, il faut de tout pour faire un monde ! (rires) Mais effectivement, c’est déjà une caractéristique de SUPERSONIC : dans le premier album, le voyage était assez important. Il y avait des morceaux très éclectiques, et j’ai voulu garder cet esprit-là. J’ai goûté à l’univers de SUN RA, et d’une manière générale à plein d’autres également ; j’aime les voyages, les contrastes, les dynamiques, les choses qui se répondent, effectivement.
Justement, hormis SUN RA, est-ce qu’il y a d’autres ports d’attache musicaux qui t’ont nourri pour ces nouvelles compositions sur Sons of Love ?
Thomas : Oui, il y a plein de choses ! J’ai appelé l’album Sons of Love pour dire aussi qu’on est les fils, les enfants, nous six, musiciens de SUPERSONIC, de cet amour incroyable que nous ont offert SUN RA, MOZART, Nina SIMONE, Charlie PARKER, Billie HOLIDAY, THE FLAMING LIPS, et tant d’autres musiciennes et musiciens qui sont nos héros et qui le sont restés, qui nous nourrissent et qui nous inspirent. Il y en a énormément, évidemment !
Quand je me suis réveillé de cette nuit merveilleuse où j’ai fait ce rêve musical, et que j’ai commencé à écrire l’album, j’ai pensé à mes amis, et je me suis juste laissé traverser par ce qui m’émeut, ce qui me fait plaisir, ce qui me fait du bien. Il n’y avait pas de concept stylistique : le seul Graal, c’était le plaisir de mes camarades.
Finalement, Sons of Love est dans la continuité de Play SUN RA, il y a un lien avec ce dernier avec la reprise de We Travel the Spaceways, qui débouche sur From Planet to Planet, il y a cette idée d’explorer d’autres mondes.
Thomas : Complètement ; c’est la suite de We Travel the Spaceways. Aujourd’hui, c’est une vraie piste pour écrire de la musique, d’essayer de poursuivre des œuvres qui nous ont bouleversés. Il y a tellement de choses sublimes qui ont été pondues, notamment lors du siècle dernier, le XXe. Tout le monde s’empare de tout, la musique est un pillage perpétuel. On pille, on se fait piller, allègrement et avec bonheur, et il le faut je pense, se réjouir de ça, parce que c’est vraiment « rien ne se créé, rien ne se perd, tout se transforme », la musique, on est pile dedans. Du coup, réinventer des œuvres, ou utiliser des chansons, qui nous ont bouleversés comme rampe de lancement pour raconter soi-même quelque chose, je trouve ça assez ludique, tout simplement.
Thomas au Congo
SUPERSONIC a gardé la même formation depuis le début ? Envisages-tu de gonfler encore le nombre ?
Thomas : On part en octobre au Congo rencontrer des musiciens congolais. On reviendra avec eux fin mars pour le festival Banlieues Bleues et quelques autres festivals, petite série de rencontres, c’est pas vraiment une création, c’est une rencontre. On va aller voir ces gens là-bas, et on les réinvite fin mars. Ce sera avec trois ou quatre musiciens en plus de SUPERSONIC, plus un danseur et sa compagnie, DeLaVallet BIDIÉFONO, un danseur franco-congolais qui est magnifique. Ce sera une vraie rencontre avec tout ce beau monde. Donc là, oui, on sera un petit peu plus nombreux. Après, on verra ce qui se passera si on est tous hyper-contents.
En tout cas, j’avais envie de faire ça, partir à la rencontre de gens, notamment en Afrique. On entend énormément parler du drame des migrations, des gens qui quittent leur pays et qui mettent parfois des années à venir, qui perdent toute leur petite fortune qu’ils ont chez eux, qui abandonnent toute leur famille, alors que nous autres Occidentaux, d’un clic on peut voyager pour cinq euros à l’autre bout du monde. Donc il y a des choses un peu étonnantes, c’est le moins que l’on puisse dire.
Bref, c’est beaucoup de choses, et c’est surtout l’amour de la musique congolaise qui m’a amené à m’intéresser à ce qui se passe là-bas en ce moment. Il y a des groupes comme JUPITER & OKWESS, un groupe de rock absolument hallucinant parmi les meilleurs au monde qui vient de là-bas. J’ai donc eu envie d’aller là-bas avec SUPERSONIC, d’essayer de faire entendre notre musique dans ce pays de musiques extraordinaires et d’essayer de rencontrer des gens. Et si des rencontrent se créent, on poursuivra l’aventure…
Mais d’aller au-delà de nos petites vies de musiciens, qui sont quand même assez larges, on rencontre plein de gens, mais malgré tout on peut toujours repousser les limites de son horizon à soi, et de son petit confort, quel qu’il soit. Même si on croit qu’on n’est pas dans le confort, c’est bien de se dire « mais pourquoi je ne ferais pas ça ? ». En tout cas, quand on a des envies d’aller au bout, c’est assez réjouissant.
C’est la première fois que SUPERSONIC va rencontrer un groupe à l’étranger, ou ça s’est déjà produit ?
Thomas : À l’étranger, non ; c’est clairement la première fois. On invite souvent des musiciennes, des musiciens avec nous, comme Sandre NKAKE, Jeanne ADDED, on a fait des choses avec des chorales, des ensembles de cuivres, avec plein de gens… Mais là, on va vraiment dans un pays, c’est comme un rêve de gosse. C’est un peu le « rêve américain », mais au Congo, quoi ! Mon rêve, c’est d’aller dans ce pays dont j’adore la musique. C’est un des des plus grands pays de musiques, notamment depuis la période des rumbas congolaises des années 1950-60, c’est extraordinaire. C’est des musiques qui mélangent les cuivres et les voix ; c’est aussi ce qu’on fait avec SUPERSONIC, mais dans un style très différent.
Il y a une richesse musicale là-bas absolument hallucinante et qui est très, très large : elle va de la musique classique congolaise jusqu’au rock n’roll. JUPITER & OKWESS est vraiment un des plus grands groupes de rock du monde. Il est encore un peu considéré comme un groupe de musiques du monde parce que c’est des Noirs, c’est donc un peu du racisme ordinaire, mais ils font du rock n’roll ces mecs-là ! Ils font une musique extraordinaire, absolument fabuleuse. Mais tout cela est très positif ! Il ne s’agit pas de dénoncer quoi que ce soit, il s’agit de proposer des choses, de faire des rencontres, d’avancer, d’essayer de rester dans le présent, tous autant qu’on est, et de s’éclater tous ensemble, en fait ! Parce qu’on est là pour ça, voilà…
Et il n’y a pas de plus grand bonheur que dans la rencontre. On est tous aussi musiciens pour ça, pour rencontrer les gens sous leur meilleur jour, à chaque endroit, chaque concert que l’on joue, on rencontre des gens qui sont heureux, qui nous accueillent, et nous-mêmes on est heureux d’être là. C’est un grand bonheur, une grande chance, une grande école de la vie qu’on essaye de transmettre, de faire circuler. C’est important d’en parler, je crois, dans cette période très morose où on se lamente tous autant qu’on est – et à juste titre, c’est pas la question – mais je crois personnellement aux pouvoirs de la bienveillance et du positivisme sur celui de la lamentation… en tout cas, à leur efficacité, pour arriver juste pragmatiquement à ses fins ! Bref, je vous embrasse !
S’indigner et s’ouvrir
Ce désir de vouloir explorer la musique congolaise sous ses diverses formes, n’est-ce pas aussi une volonté de remonter à l’une des sources qui ont pu nourrir SUN RA et d’autres…
Thomas : Bien sûr, et même l’humanité toute entière ! On vient tous de là-bas, il ne faut jamais l’oublier. C’est notre berceau à tous, êtres humains. On est tous nés là-bas ! Si on analyse notre code génétique, on a énormément d’ascendants africains, tous autant qu’on est sur Terre. En tout cas, on est tous très mélangés. Mais effectivement, ce sera pour nous tous pratiquement notre premier séjour en Afrique ; et c’est vrai que c’est la Terre natale du jazz, de toutes nos musiques modernes. Alors évidemment que c’est extraordinaire de pouvoir aller là-bas !
Quand on sait que c’est la Terre natale de l’humanité, ça a donné naissance à tout ce qu’on est aujourd’hui. Je reviens sur le drame de ceux qu’on appelle des migrants – je trouve ce mot absolument infernal -, de tous ces gens qui sont héroïques dans leur démarche, dans le courage qu’ils ont eu d’aller traverser la mer au péril de leur vie pendant des mois pour souvent se faire rejeter et se faire traiter comme des sous-hommes. Ce n’est pas anodin, ce n’est pas quelque chose qu’il faut laisser passer, il faut en parler. Encore une fois, je crois à l’action, à des choses positives, tous ces gens, toutes ces associations qui œuvrent – il n’y a pas de lamentations la-dedans – et qui vont concrètement rencontrer ces personnes-là, et je trouve cela magnifique, je trouve que c’est la moindre des choses, en tant que musicien – je dis ça indépendamment du voyage qu’on va faire – , d’accueillir les gens d’une manière générale. La musique, ce n’est que cela : de l’échange, de l’accueil et du don.
Je ne sais plus quelle était votre question… Mais c’était important pour moi de parler de ça, d’éveiller pleinement les consciences, avec de tout petits gestes… Ça peut être juste donner tous les mois cinq euros pour une association qui aide ces gens ou d’autres gens, en tout cas s’investir un tout petit peu pour les gens qui en ont vraiment besoin, quels qu’ils soient, d’une manière générale, il n’y a pas plus beau cadeau que l’on puisse se faire à soi-même. On ne le dit pas assez. On cherche tous le bonheur immédiat et instantané dans nos sociétés qui vont tellement vite aujourd’hui, dans le monde même, sur la planète entière ça devient comme ça, et on ne se rend plus compte qu’en fait le vrai bonheur pour soi, c’est d’arrêter de se regarder un peu soi-même, de regarder autour de soi et d’essayer de faire du bien autour. Si on fait du bien, si on donne de la douceur autour de soi, on se met obligatoirement, physiquement et mathématiquement, au milieu d’un cercle de douceur ! C’est vrai, non ?!
Allumer des torches
Thomas : Et je dis cela sans démagogie. C’est vrai qu’on entend ces discours-là : « Ah oui, c’est bien beau, mais concrètement ?… » Eh ! bien oui, concrètement, il y a des drames, des choses horribles, et si on regarde de plus près, ce n’est pas si simple, mais finalement l’action est très simple en elle-même ! Le fait de s’indigner est très important. S’indigner, après le stade de l’indignation, agir tout simplement ! On n’est pas obligés de s’engager à aller sur ces bateaux qui vont aller aider ces réfugiés, on peut aider très simplement et succinctement. J’ai des amis qui accueillent des gens chez eux… On peut juste aller rencontrer les gens, en fait. Ne serait-ce que son propre voisin ! Le courage, le désespoir de ces réfugiés, ces deux extrêmes qui sont incarnés – un courage hallucinant et un désespoir absolu également – ça doit faire réfléchir sur soi-même.
Je profite de votre micro pour en parler, encore une fois sans démagogie ; j’insiste là-dessus. Il ne s’agit pas de culpabiliser les gens ; on a évidemment tous nos problèmes, nos cas de conscience, nos vies et nos fardeaux… Mais encore une fois, c’est en regardant en dehors de soi qu’on se guérit soi-même. C’est physique, c’est mathématique, c’est prouvé, et ça marche !
C’est ce qui s’appelle s’ouvrir au monde…
Thomas : Clairement ! Je crois que le monde se guérit tous les jours. Quand une personne fait du bien, elle reste seule au monde, on reste chacun seul avec le reste du monde, donc quand on réussit soi-même à faire quelque chose qui donne un peu plus de lumière autour de soi, on a un peu sauvé le monde. Comme disait une grande poétesse africaine -dont je ne me souviens plus du nom, honte sur moi ! – qui disait : « Les artistes sont là pour allumer des torches dans l’obscurité. » C’était en réponse à ce que disait Martin LUTHER KING :« Les ténèbres ne pourront jamais anéantir les ténèbres. » Si vous mettez de l’obscurité dans l’obscurité, ça reste de l’obscurité. « Seule la lumière peut anéantir les ténèbres. » C’est une image sublime ! Et tellement claire, tellement évidente !
Ça me fait penser à la pochette de Sons of Love, on y voit des rayons émerger du noir le plus profond… (rires)
Thomas : Mon dieu, c’est vraiment le soleil ! Je crois en la nature, en l’existence même du monde, de l’univers. En soi, si on peut appeler ça Dieu ou une force supérieure, le fait qu’on existe, qu’on discute, qu’on soit là, qu’il y ait un groupe électrogène, que des musiciens fassent leur balance, qu’il y ait des bateaux au loin, des gens qui mangent des frites (rires), c’est incroyable, quand on y pense deux secondes ! Personnellement, je n’aurais jamais pu inventer tout ça ! Vous non plus, avec tout le respect que je vous dois ! (rires) Sans même parler d’un être supérieur, le fait que tout cela existe, que les constellations existent, que la fécondation existe, la beauté du monde doit absolument nous combler tous. Juste le fait d’avoir les yeux ouverts doit nous remplir de joie, nous émerveiller, et nous maintenir en vie. C’est Léonard De VINCI qui disait : « À ceux que la beauté du monde ne suffit pas à satisfaire, il est imposé comme châtiment de ne jamais connaître la beauté du monde. » C’est génial, non ?
Je vous dis cela, je n’y arrive pas, mais j’essaye chaque jour. Et rien que le fait d’essayer, ça fait un peu de bien. C’est important.
Bienvenue au club des zombies
Tu fais aussi du cinéma, de temps à autres, et je me suis demandé si tu n’avais pas envie de combiner cette pratique-là avec celle de la musique ?
Thomas : Il y a justement un troisième disque qui arrive en novembre, un album collector puisque ce sera un vinyle en série limitée d’une B.O. d’un film, The Bride, dans lequel on joue, on fait les acteurs. C’est un film muet dans lequel le personnage principal est la musique. On a joué vraiment de la noise, des drones… En tout cas, c’est aussi une vraie rencontre avec Vincent PARRONAUD, qui est le réalisateur de Persépolis, le film de Marja SATRAPI, et il avait ce scénario de film de zombies. Là-dessus s’est greffé Culture Box, réseau de diffusion de France Télévisions, qui propose des scénarii d’auteurs à des groupes. Ils nous ont mis en contact. J’ai lu ce scénario et je me suis dit que c’était pas mal, un film de zombies. Et il nous a filmé tous les six.
C’est un court métrage de série Z, mais où il y a vraiment quelque chose à part. Ce n’est pas du tout un documentaire sur nous, ce n’est pas non plus un clip, ni un film, c’est une fiction, un OVNI… mais en même temps il y a une part de vraie vie. C’est un film de zombies muet dans lequel la musique est le septième personnage, en plus de nous six. On a co-écrit la musique avec tous les copains, on a improvisé beaucoup, j’ai scénarisé les choses, j’ai écrit une pièce, Arnaud en a écrit une pour claviers, et il y a une version live de notre morceau Give the Money Back qui clôt le film. c’est un vrai live dans un club de zombies !
Ce n’est pas une démarche de ma part, ça fait vraiment suite à une rencontre avec ce grand monsieur qu’est Vincent PARONNAUD, et c’est quelque chose d’assez jouissif à fabriquer. Et quoi qu’il en soit, on est très heureux de la B.O. et de la musique. Ça emmène le groupe encore ailleurs, et on a décidé avec notre label, Label bleu, de le sortie en édition limitée en vinyle. Ça sort le 1er novembre, on fait une avant-première à l’Entrepôt, à Paris, à laquelle vous êtes les bienvenus, si jamais vous êtes là. Ça fera partie de l’Étrange Festival, un super festival qui démarre en septembre je crois. C’est un objet très particulier, mais on est très heureux d’avoir fait ça.
Pourquoi ne le publier qu’en vinyle ?
Thomas : Parce que je trouve le vinyle vachement plus joli ! On a travaillé sur la pochette avec Gala COLLETTE, qui nous suit et fait toutes nos pochettes. Il est beau, et je trouve ça vraiment chouette de pouvoir fabriquer des objets pareils. C’est un objet un peu collector ; on le sortira peut-être en digital, mais dans un second temps. Pour le moment, il ne va sortir qu’en vinyle. C’est un projet particulier, on a voulu en faire une sortie particulière. Ce n’est pas LE prochain disque de SUPERSONIC avec des compositions, c’est vraiment la B.O. d’un film qu’on a fabriquée.
Sons of Love est aussi sorti en vinyle, il me semble ?
Thomas : Oui, tout à fait. Il contient deux morceaux de plus que la version CD. C’est un double vinyle ; je vous le conseille !
Entretien et photos réalisés par
Stéphane Fougère et Sylvie Hamon
au Festival Temps Fête de Douarnenez (juillet 2018)
Lire notre chronique du CD Sons of Love
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