VISHTÈN : Une celtitude en Acadie

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VISHTÈN

Une celtitude en Acadie

[En hommage à la musicienne et compositrice acadienne Pastelle LeBLANC, disparue le 9 avril 2022 à l’âge de 42 ans seulement, RYTHMES CROISÉS réédite un article publié en 2006 dans ETHNOTEMPOS : il s’agit d’un entretien avec le groupe folk VISHTÈN, dont elle était membre avec sa sœur jumelle Emmanuelle LeBLANC et Pascal MIOUSSE.]

L’aventure du groupe acadien VISHTÈN, d’abord appelé CELTITUDE, a démarré lors du festival de la Francofête de Moncton (New-Brunswick) en 2000. Les quatre musicien(ne)s du groupe ont enregistré leur premier disque en 2004 et tournent depuis quelques années, très régulièrement en Europe. Nous avons rencontré Emmanuelle LEBLANC (bodhran, piano, flûte, danse, voix), Pastelle LEBLANC (accordéon, piano, danse, voix), Rémi ARSENAULT (guitare, percussions) et Pascal MIOUSSE (violon, mandoline, guitare, voix) au cours du dernier Festival de musiques vivantes de Ris-Orangis en mai 2005.

Entretien avec VISHTÈN

Pourquoi le groupe CELTITUDE s’est-il transformé en VISHTÈN ?

Emmanuelle : C’est juste un changement de nom. CELTITUDE était un groupe formé par ma sœur jumelle Pastelle, une violoneuse qui s’appelait Mélissa et moi-même. On aimait bien le nom CELTITUDE, mélange des mots celtique et attitude, mais les gens qui venaient nous voir s’attendaient peut-être à autre chose. On a beau avoir (certainement) des racines celtiques, nous sommes d’abord Acadien(ne)s. Nous avons donc changé de nom. VISHTÈN est un mot qui vient d’une chanson très connue chez nous qui a été composée par le grand-père de Rémi, et qui a des influences des Amérindiens micmac.

Au fur et à mesure des années, certains musicien(ne)s sont partis, d’autres se sont joints à nous. Maintenant, avec l’arrivée de Rémi puis de Pascal, le groupe s’est stabilisé. Comment s’est constitué votre répertoire ?

Emmanuelle : Notre musique vient de nos multiples racines. Nous avons des origines françaises, irlandaises, nous avons grandi dans l’île du Prince-Edward (sauf Pascal, qui est originaire des îles-de-la-Madeleine, rattachées à la Province de Québec, mais proche géographiquement des Provinces maritimes).

Il y a eu beaucoup de recherches, du collectage, fait par des gens comme le Père Anselme CHIASSON ou Georges ARSENAULT qui ont été faits depuis les années 1950/60 sur nos traditions musicales et qui ont été enregistrées sur des cassettes. En ce qui concerne les chansons, nous allons rechercher et choisir dans ces archives des morceaux qui n’ont pas été chantés et joués depuis longtemps. C’est vraiment là qu’on trouve les bases pour ce que l’on chante. En ce qui concerne les instrumentaux, ce sont souvent des morceaux traditionnels mais aussi d’autres, composés par des membres du groupe, des amis, des gens que l’on rencontre dans des soirées ou au cours de nos voyages.

De quelle façon définiriez-vous votre musique ?

Emmanuelle : C’est d’abord une musique qui a survécu et qui est ancrée en nous. Puis c’est aussi un mélange de compositions anciennes ou plus contemporaines, mais toujours dans le style traditionnel.

Avec l’arrivée de nouveaux musiciens, il y a maintenant des influences un peu jazz, blues dans certains morceaux. L’évolution de notre carrière, le fait d’écouter différentes musiques, il y a beaucoup d’éléments qui fait qu’on veut peut-être autre chose. Le son change mais on garde toujours la même base.

Quels sont les grands musiciens acadiens « traditionnels » qui vous ont inspirés ?

Pascal : Il y a des gens comme Kenneth SAULNIER, qui faisait partie du groupe 1755, ou encore Félix LEBLANC du groupe SUROÎT, des Îles de la Madeleine, BARACHOIS de l’île de Prince-Edward et puis LA BOTTINE SOURIANTE du Québec. Ce sont des groupes, des musiciens qui ont été de grandes influences. On écoute aussi des groupes irlandais, des groupes de Capbreton en Nouvelle-Écosse au style écossais.

Quelles sont les particularités de la musique traditionnelle acadienne et qu’est-ce qui la différencie des musiques anglophones des mêmes provinces ?

Emmanuelle : La différence est surtout dans la manière de la jouer. Par exemple, les Acadiens tapent beaucoup du pied pour s’accompagner, ils jouent les morceaux sur un autre tempo. Ils y apportent donc une autre dynamique.

Chez les anglophones, il y a de grands musiciens comme la violoniste de Nouvelle-Écosse Natalie MacMASTER ou Ashley MacISAAC. THE RANKIN FAMILY, qui ne joue plus maintenant, était aussi très célèbre dans nos provinces.

Pascal : En Acadie, nous n’avons peut-être pas un style, mais différentes influences qu’on adapte à notre manière. Avec le Québec, on retrouve aussi certaines choses communes, certains textes chantés par des groupes comme LA BOTTINE SOURIANTE viennent d’Acadie.

Et avec la musique cajun ?

Pastelle : Géographiquement, nous sommes éloignés. Mais en Acadie, tout le monde est très sensible à la musique venue de Louisiane. Des chanteurs comme Zachary RICHARD sont très connus chez nous. Nous avons déjà joué au Festival international de Lafayette. C’est un endroit qu’on aime vraiment. L’accueil que nous y recevons est extraordinaire, parce que les gens de la ville savent que tu es Acadien. On parle tous ensemble, on a les mêmes racines. Cela fait chaud au cœur d’aller là-bas !

Y a t-il des collaborations artistiques, musicales entre Acadiens du Canada et Cajuns de la Louisiane ?

Tous ensemble : Ce serait vraiment intéressant ! Cet été (2005), on va jouer avec Zachary RICHARD.

Quand vous tournez, en Europe ou ailleurs, en profitez-vous pour écouter d’autres groupes, collecter d’autres thèmes et éventuellement les adapter ensuite ?

Emmanuelle : C’est sûr que ces voyages nous influencent d’une manière ou d’une autre. Quand on rentre chez nous, on écoute d’ailleurs tout ce que l’on a enregistré et on se demande parfois quelle en est la provenance ! (rires)

Plus sérieusement, écrire nos propres textes est une chose que l’on aimerait faire dans le futur. En France, on travaille avec une femme qui en écrit. On n’a pas encore pu voir si cela nous plaisait, mais si cela marche ce serait vraiment bien !

Votre carrière a démarré en 2000 et votre premier disque est paru en 2004. Pourquoi avoir attendu si longtemps pour le sortir ?

Emmanuelle : Avec tous les changements qu’il y a eu dans le groupe, nous voulions attendre d’avoir le bon matériel et d’être vraiment prêts pour rentrer en studio. Nous avions fait plusieurs démos mais on n’en était jamais satisfaits. Cela ne prendra pas autant de temps pour le deuxième album, qui devrait sortir au printemps 2006.

Dans votre premier disque, il y a des instrumentaux mais aussi beaucoup de chansons !

Pastelle : Au début, on ne chantait pas, même si on aimait ça. Puis, on a eu envie de dire des choses. On a commencé avec des chansons traditionnelles qu’on a intégrées dans notre show.

Pascal : Au départ, on est instrumentistes. En rajoutant les voix sur la musique, on intéresse peut-être plus de monde que si on était un groupe uniquement instrumental. C’est bien de faire les deux !

Comment sera le prochain disque ?

Emmanuelle : Il y aura des chansons et des instrumentaux, des compositions d’inspiration traditionnelle, toujours dans le même esprit. On espère aussi avoir des textes d’auteurs contemporains.

Dernièrement, on a fait beaucoup de spectacles en collaboration avec d’autres artistes acadiens. On aimerait faire un DVD en même temps. Ce serait intéressant d’avoir des invités.

Justement, existe-t-il des collaborations artistiques entre artistes traditionnels acadiens ?

Pascal : On se voit lors de spectacles organisés, comme lors du 400e anniversaire de l’Acadie, en 2004. On se croise sur la route, comme l’année dernière avec SUROÎT au Festival Interceltique de Lorient, dans des festivals comme les Nuits acadiennes (Paris) ou Les Déferlantes Francophones (Capbreton et Pralognan-la-Vanoise). Sinon, on ne se rencontre pas tant que cela, on a nos tournées indépendantes, on se voit surtout à l’étranger ! (rires).

Comment avez-vous vécu, en 2004, le 400e anniversaire et le Congrès mondial acadien ?

Pascal : Le 400e anniversaire était un grand évènement. Ce genre de manifestation nous ramène à nos racines. On est heureux de se retrouver, on parle avec beaucoup de monde, parce qu’on se ressemble et qu’on a les mêmes valeurs.

Les Acadiens sont un peuple qui a eu une histoire souvent dramatique. Chez nous comme en Louisiane, tout le monde aime la musique. C’est une force qui nous rassemble.

Site : http://vishten.net/

Discographie VISHTÈN

  • Vishtèn (2004 ; autoproduction)
  • 11:11 (2007 ; autoproduction)
  • Live (2008 ; autoproduction)
  • Mōsaïk (2012 ; autoproduction)
  • Terre rouge (2015 ; autoproduction)
  • Horizons (2018 ; autoproduction)

Propos recueillis par Frantz-Minh Raimbourg et Stéphane Fougère
– Photos : Frantz-Minh Raimbourg (n° 1)
et Sylvie Hamon (au Festival des Musiques Vivantes)

(Article original publié dans ETHNOTEMPOS n° 18 – Janvier 2006 ;
discographie ajoutée en 2022)

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