ALTAÏ KHANGAÏ – Ongod

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ALTAÏ KHANGAÏ – Ongod
(Full Rhizome / Buda Musique / Socadisc)

Deux massifs montagneux côte à côte, séparés par des steppes et des rivières et unis par des troupeaux et des nomades, voilà ce que sont l’Altaï et le Khangaï. C’est cette toile de fond d’une Mongolie bucolique et pastorale qui inspire le groupe précisément baptisé ALTAÏ KHANGAÏ. Actif depuis 1995, il a d’abord été révélé avec un premier disque, Naariits Bulye, Let’s Dance, chez Pan Records puis avec Gone With The Wind – Songs Of Mongolian Steppes sur un autre label hollandais. Deux autoproductions plus tard (Melodious Tree et Naadam), le voici avec Ongod sur le label marseillais Full Rhizome, en partenariat avec Buda Musique, bien décidé à se faire davantage connaître du public européen et donc français.

À la base d’ALTAÏ KHANGAÏ, on trouve Ganbold MUUKHAÏ, descendant d’une famille de joueurs de morin khuur (la fameuse vielle à tête de cheval) et devenu lui-même un virtuose de l’instrument, et Ganzorig NERGUI, autre virtuose de la morin-khuur, mais aussi du khöömij, ou chant diphonique. (Il a participé notamment au projet DÖRVÖN BERKH, sur Pan Records, qui réunit quatre chanteurs diphoniques.)

Le son d’ALTAÏ KHANGAÏ s’est donc défini à partir des vièles morin-khuur et des différentes techniques de chant diphonique (ou chant de gorge). Depuis 2011, Ganzorig et Ganbold ont ouvert leurs portes à Garavkhuu BADMAABAZAR, une joueuse de cithares yoochin et yatga, et c’est donc en trio que se commet ALTAÏ KHANGAÏ sur Ongod. Garavkhuu ajoute indéniablement un supplément de rythme à la musique de ses deux compères, en intercalant ses arabesques mélodiques entre les couches sonores brinquebalantes des vièles, garantissant un effet de transe imparable à laquelle les résonances caverneuses du chant diphonique donnent un relief saisissant. Pour ne rien gâcher, Ganzorig touche aussi au luth tovshuur, à la guimbarde aman-khuur et à la flûte tsuur, et Garavkhuu tâte de plusieurs petites percussions (tambours, osselets, clochettes).

Autant dire que, même si la formation d’ALTAÏ KHANGAÏ est moins étoffée que celles d’autres pointures comme EGSCHIGLEN ou HANGGAÏ, elle se suffit à elle-même. (Et en tant de crise, un groupe qui voyage léger a plus de chances d’être programmé sur les scènes internationales…)

L’attachement à ce terroir particulier des montagnes de l’Altaï et du Khangaï donne évidemment toute sa spécificité au répertoire d’ALTAÏ KHANGAÏ. Mais qu’on ne s’y trompe pas : ALTAÏ KHANGAÏ ne confond pas la tradition avec une image inerte ou muséale. C’est au contraire sa vitalité et son renouvellement qu’il expose à travers des arrangements orchestraux de thèmes traditionnels, mais aussi des compositions et des improvisations. Du reste, Ganzorig NERGUI compose aussi des chants de louanges (les magtaal) en s’appuyant sur le modèle traditionnel, et bouscule les conventions en interprétant une tatlaga (forme mélodique) au luth plutôt qu’à la vièle, comme le veut la tradition.

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Ongod déploie ainsi tous les timbres et toutes les formules instrumentales et vocales dont est capable le trio : pièces entièrement instrumentales, chants mis en musique, duo de vielles, duo vielle-chant, duo vielle-cithare, enchaînement ou superposition de chant « normal » et de chant diphonique au sein d’un même morceau, déploiement des trois grandes techniques de chant diphonique (l’aigu khöömij, le grave kharkiraa et le médium shakaa) et soli de luth, de flûte, de guimbarde pour aérer l’écoute, Cela dit, ces instruments n’ont droit qu’à une portion très congrue dans la pratique instrumentale du groupe, car l’essentiel est, comme on l’a dit, concentré sur les deux vièles, la cithare et le chant diphonique.

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Le trio impressionne également par sa façon de varier les rythmes dans un même morceau, d’alterner parties chantées et développements instrumentaux (la voix étant aussi un instrument quand la diphonie est de sortie) et par sa capacité à dépasser ça et là le jeu traditionnel en glissant subrepticement vers la musique minimaliste d’un Steve REICH (quand les vièles jouent en léger déphasage) ou en faisant montre d’une énergie rock (quand le rythme est soutenu et s’accélère) bien qu’étant entièrement acoustique !

En tout cas, on n’aura aucun mal, à l’écoute de Ongod, à s’affranchir de toute attache urbaine et à se propulser dans une enceinte sonore aussi rustique que ciselée, évoquant une contrée tapissée de steppes venteuses, lézardée de rivières fraîches, bordée de montagnes abruptes et où les éléments naturels règnent en maîtres.

Stéphane Fougère

Site : https://altaikhangai.wordpress.com/

Labels : www.fullrhizome.coop

www.budamusique.com

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