ARONDE – Aronde
(Hart Brut / Pagans)
Le label Pagans poursuit son entreprise de brouillage de frontières. Après FEST NOZ MOC’H qui faisait se croiser et s’entrechoquer les complaintes de Breizh et de Gasconha, voici ARONDE, qui fusionne les parcours de deux entités fortes auvergnates et gasconnes. Derrière ces créations décloisonnantes, il n’est pas difficile de reconnaître la marque de la Familha ARTUS. Ici, c’est Romain COLAUTTI et Thomas BAUDOIN, qui avaient déjà fait bande à part en créant l’entité exploratrice D’EN HAUT, qui s’acoquinent avec Noëlle NIOULOU et Clémence COGNET, plus connues dans leur terroir comme LES POUFS À CORDES. Alors évidemment, la rencontre entre les deux duos auraient pu s’intituler LES POUFS À CORDES (vues) D’EN HAUT, mais le quartet ainsi formé a opté pour ARONDE, nom qui désigne autant une Simca qu’une hirondelle, deux symboles forts de… de… de ce que vous voulez, parce qu’on ne va pas vous mâcher tout le boulot non plus, hein !
Compte tenu de l’état dans laquelle se trouve l’Aronde qui figure sur la photo de couverture de ce digipack, on préférerait s’imaginer ARONDE comme deux couples d’hirondelles baguenaudant dans les répertoires d’Auvergne et de Gascogne pour en secouer la moelle épinière et en tirer la sève vivificatrice. Car il est acquis pour ARONDE que ces pratiques et expressions traditionnelles gagneraient à être perçues, entendues et écoutées comme des espaces en ébullition plutôt que des reliques empaillées ou badigeonnées de formol. LES POUFS À CORDES et D’EN HAUT ont donc réuni leurs forces instrumentales et vocales afin de générer une musique qui se fiche pas mal d’être d’hier ou d’aujourd’hui, pour la bonne raison qu’elle est les deux à la fois.
Conjuguant violon, contrebasse, boha (cornemuse landaise), violoncelle, rebec, shruti box, percussions, chant auvergnat féminin et chant gascon masculin, la musique d’ARONDE se déploie sur un mode exclusivement acoustique qui sent bon les vents campagnards, la vielle ferraille grinçante, les chemins forestiers non nivelés, les croassements non identifiés, les rites nocturnes et leurs danses primitives au-dessus d’un feu de bois, bref les antipodes d’un monde urbain cerné par les codes barres, les guichets automatiques, les rails qui fondent, les speed-datings chronométrés et les états d’urgence. Ici, il n’y a aucune urgence, on prend le temps de s’aborder, de dialoguer, de divaguer, de renforcer les affinités, et tant et plus…
Rythmiques bourdonnantes, harmonies de cordes rustiques, entrelacs vocaux, et mélodies sinueuses confectionnent un paysage richement mais subtilement coloré en mutation constante, avec des leitmotivs mélodiques, harmoniques et rythmiques qui lui donnent l’allure d’une musique répétitive lamonteyoungesque ou terryrileyienne qui aurait connecté ses chakras sur le Moyen-Âge païen mais sophistiqué d’un THIRD EAR BAND.
Alors bien entendu, on ne dit pas que ce répertoire auvergno-gascon ainsi revisité ne gagnera que des adeptes au sein des gardiens de musée des traditions inamovibles, etc, etc. Ben non, on n’est pas ici pour vendre des cartes postales, ni pour servir la soupe des clichés publicitaires ! « Réveillez-vous tous les endormis, songez à l’avenir », chantent les meufs et les keums d’ARONDE. Ça en dit suffisamment long sur leur démarche. Puisse l’auditeur, après l’écoute de cet album, se dire, comme le double duo d’ARONDE, Je me suis mis en liberté… Car oui, il se pourrait bien qu’ARONDE fasse le prochain printemps des musiques régionales !
Stéphane Fougère
Page : http://hartbrut.com/aronde/
Label : www.pagansmusica.net