BRUIT NOIR – IV / III
(Ici, d’ailleurs)
Avec ce nouvel album de BRUIT NOIR, leur troisième intitulé IV, surtout, surtout ne pas tomber dans le piège tendu par ces deux lascars sarcastiques et récidivistes, et leur petit air sardonique de pas y toucher, (celui en survêtement rouge aux manettes est pas mal fourbe, l’air de rien, l’autre en col de laine acrylique aux lyrics fait le pépé-kéké sur son pliant (solide le pliant), les deux ne regardent surtout pas la mer, ni les promeneurs plutôt aérés et pas refroidis sur cette plage de la Manche ?) ; surtout se méfier de ces deux quinqua goguenards et narquois aux poils gris posant de profil (pochette intérieure) comme s’ils cherchaient en vain et par retour du vent les cendres éparpillées et grises elles aussi de « feu, culte » MENDELSON (cf. https://rythmes-croises.org/mendelson-le-dernier-album/ ). Surtout, enfin, ne pas les traiter de vilains petits menteurs à la petite semaine, d’escrocs nains et retors ou de gros malins caustiques. Ils seraient trop contents et rigoleraient doucement et méchamment sous leurs capes (voir la pom pom de la pochette).
Alors donc, BRUIT NOIR, vous étiez tellement en peine de ce vieux groupe suicidé fin 2022 et de la perte du BRUIT NOIR numéro 3, car l’ordi qui contenait les maquettes s’est cassé (« ben oui, il était trop bien et on l’a gardé pour nous » !) ; alors vous aviez pas fini de régler vos comptes avec le monde, vous aviez encore envie de détester un peu à tout va (les musiciens, les producteurs, les politiques, les jeunes, les vieux, les moches, les gens allez), ça a fait du bien à vos méchantes aigreurs de vieux ruminants jamais contents, toujours prêts à dégainer, ça vous a fait briller les yeux de contentement comme lorsqu’on a fait un joli coup ou un bon mot ou un « bruit » discret, foireux et bien envoyé ! , ben, alors tant mieux.
De toute façon, les deux BRUIT NOIR finiront forcément par nous ricaner au nez amèrement et froidement, parce qu’ils savent fort bien ricaner de tout, parce qu’ils ne savent pas s’empêcher de dénigrer, vitupérer sur les chroniqueurs qui n’y entendent rien, les critiques vendus et gavés, le public qui roupille, les nuls du show bizness qui s’empiffrent, comme pratiquement tout le monde à leur endroit, puisqu’ils sont tellement pas reconnus, méconnus, dédaignés, perpétuellement oubliés, sauf que leurs ricanements sont parfois synonymes de snobisme intellectuel à la mode de certains perdants magnifiques qui en font leur tambouille car : « on a pas eu de public parce qu’on était trop grands pour lui, et les suivants, vous n’aurez pas de public parce que vous êtes trop petits » et « on laissera la place aux suivants quand les suivants auront du talent». Rien à redire quoi !
Mais on n’est pas là pour faire les plus malins qu’eux, on a devant nos oreilles ébahies un petit disque (sans le nécessaire et indispensable livret avec les paroles, tiens) qui lorgne vers le désabusement tous azimuts mais à la sauce plus tiède si l’on creuse un peu avec cette fois un premier clin d’œil au cinéaste ch’ti Hervé DUMONT (la pochette), ainsi qu’au député/cinéaste ch’ti François RUFFIN (hommage énamouré à la cuisine picarde ! dans la chanson Communiste) soient deux personnalités sincères et décalées qui n’ont jamais peur de s’essouffler et qui essaient de dire à toute vitesse la tristesse de ce monde.
C’est pour cela qu’il faut pointer que tout n’est pas dérision chez le BRUIT NOIR : ils ont aimé et rendu de beaux hommages à leur façon à leurs icônes éteintes : Romy SCHNEIDER (II/IV), Ian CURTIS – JOY DIVISION (I/IV), PASOLINI (« mon chéri, le plus mort d’entre nous » II/IV 1967), sans oublier Nino FERRER et Joe DASSIN, là c’est PRINCE (Petit Prince? chanson 5 de IV/III) qui a toutes les attentions de Pascal BOUAZIZ qui sort de sa réserve, sa roublardise et de sa joie un peu mauvaise pour ce moment de sincérité vers (envers) les morts de sa vie.
Ce troisième album de BRUIT NOIR semble à son tour faire office de testament, notre chanteur (merle) moqueur commence par hurler en version vocoder sur les quatre premières « chansons » jusqu’à Coup d’état et Chanteur engagé qui cochent toutes les cases et paraissent indépassables dans la méchanceté un peu gratuite (les vieux, le showbiz, STING, MOBY, place aux gourdins dans les slibards, etc.), mais, avouons-le, ça nous fait plus que sourire et on est complices en soulagement tant la plupart des nommés le méritent bien.
On passe ensuite au Petit Prince, mort tout seul « et personne pour te tenir la main » comme une pauvre vieille dans son palais tendu de violet au goût de chiotte (hommage à 3’45 minute) et surtout (mention spéciale) au Visiteur qui en 5 minutes trente nous emmène loin dans l’émotion avec le petit gars Hassan de 22 ans rencontré à l’Armée du Salut et Monsieur Pascal (seul comme un con) et ses poèmes pas terribles (ben oui, la poésie c’est pas toujours du MALLARMÉ) et qui a semble t-il réussi (enfin) à se taire devant l’histoire du jeune homme perdu, passé en météorite devant les oreilles effondrées du vieux (vieux, vieux) chanteur en larmes. Ça repart avec Tourette en mode un peu énervé et en lâcher prise avec ses « putes, putes, chier, chier » (normal la Tourette, ça fait tourner la tête), mais on a l’habitude et on sent bien que notre homme doit à présent lâcher du lest après ce Visiteur qui nous a terrassé pour de bon ; c’est l’alternance chez BRUIT NOIR : un coup de Noir et un (petit) coup de Bruit ou un coup de Nuit et un coup à Boire.
Les autres morceaux défilent comme il faut et les accompagnements de Jean-Michel PIRÈS sont magistraux entre atmosphères brumeuses et sombres avec ces contrepoints incisifs entre hip hop et musiques post-industrielles, minimalistes et répétitives : dans Calme ta joie, ça va pas fort « faut jamais se réjouir des bons moments et des bonnes choses, ça dure pas », bon OK, finies les réjouissances, c’est mauvais pour le moral ; jusqu’à Communiste où l’on retrouve des accents de MENDELSON (BOUAZIZ parle de lui et de chez lui, de Champigny-sur-Marne, du RER et de sa descendance en mode doux amer ce qui change de sa (con)descendance malvenue (oui parfois) et des moqueries alambiquées, quelques peu froides et méchantes en mode règlements de comptes voir le dispensable très râleur (Ok Coral), Béatrice qui tourne en rond et qui emmerde les pauvres BRUIT NOIR qui lui ont rien fait : c’est qui cette madame teigneuse qui traite BOUAZIZ d’algéco-bouffon !
Les deux derniers morceaux (dessert, apothéose) de cet « album de trop » : les Animaux (un peu répétitif dans l’insolence à vide) et surtout Deux Enfants en mode définitif sur ces « cadeaux en forme de pots de départ ou de bienvenue » car on fait des enfants : « pour ne jamais, jamais se retrouver à écrire des chansons aussi tristes que celles de Nino FERRER », (ou Pierre VASSILIU ou Gérard MANSET).
On les quitte sans pirouettes, mais on pense bien que s’ils suicident ou sabordent BRUIT NOIR, ils pourront faire naitre « Bruit Blanc » (« White Noise » en rappel à une curiosité des années 1970) ou même « Bruit Rose » qui est parait-il, un bruit blanc dont on abaisse la puissance sonore de 3 dB à chaque octave (doublement de fréquence) et nous proposer à nouveau « 45 minutes de silence à écouter la catastrophe du monde ».
Xavier Béal