Conrad SCHNITZLER – Slow Motion

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Conrad SCHNITZLER – Slow Motion
(Bureau B)

Les notes du livret que nous devons à Asmus TIETCHENS rappellent très justement l’importance des nouvelles formes d’art apparues dans les années 1960 (la vidéo, les mouvements néo-Dada et Fluxus, le Pop Art…) et ses répercussions au cours de la décennie suivante. Sur le plan musical, ce fut exceptionnel et Conrad SCHNITZLER fut l’un des acteurs les plus marquants de ce foisonnement culturel. Il a été un artiste complet, multifonctionnel, un génial touche-à-tout (musique, vidéo, peinture) dont l’oeuvre intransigeante, poétique et expérimentale résonne encore aujourd’hui.

Il en est de même pour un certain Karl Horst HODICKE (1938-2024), un artiste (peintre, sculpteur, dessinateur, membre de l’académie des arts de Berlin) de la même trempe que SCHNITZLER. Le livret nous signale que les circonstances de leur rencontre sont inconnues. Heureusement, il reste ce disque (sorti le 10 mai dernier sur le label Bureau B) contenant la musique que Conrad a composé pour un film de Karl Horst, intitulé Slow Motion.

Nous sommes en 1976. Quatorze pièces ont été élaborées/improvisées par Conrad à l’aide d’une recette savamment conçue à base de séquenceurs et d’une boite à rythmes, le tout étant analogique bien entendu. Sa musique est un secret insondable aux atmosphères sombres, torturées. Elle est à l’image de la grisaille de la vie, de la tension urbaine, de la dure réalité du monde. L’angoisse, la peur, les cauchemars remplacent la féérie, l’insouciance et les beaux rêves. 

Le monde de SCHNITZLER est bien éloigné de son complice ROEDELIUS (par exemple, la douce série Selbstportrait). La piste 14 rappelle la musique dense et schizophrénique de HELDON à l’époque des premiers albums. L’ambiance est vertigineuse et dramatique. 

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Au contraire, et c’est assez rare pour le souligner,  la piste 8 est la seule à proposer des nappes synthétiques aux flagrances aériennes et évanescentes. Mais c’est sans nul doute un piège, car nous ressentons cette impression d’être plongés dans un décor post-apocalyptique, où le néant semble vouloir nous encercler. 

Slow Motion est un flot continu et épileptique de rythmes robotiques tour à tour perturbants, délirants (Conrad est tel un SUN RA électronique) et hypnotisants (les pièces 10 à 12). Tout en étant minimaliste avec une instrumentation aussi réduite, le résultat final n’est jamais lassant et l’auditeur ne sera pas vaincu par l’ennui. 

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Certaines pièces montrent une grande diversité sonore délivrée par des machines qui peuvent emprunter avec amusement quelques chemins détournés pour aborder des rivages non-européens. Il peut y avoir parfois une légère connexion avec des ambiances plus « world music » et arabisantes. Ces séquences électroniques créent ainsi dans notre imaginaire des images multiples et nous font voyager jusqu’au bout du monde.

L’univers de SCHNITZLER est celui d’un homme qui a su rester libre, intègre jusqu’à sa mort en 2011. Même si certains de ses disques sont difficilement écoutables (même parfois ennuyeux !), son oeuvre est unique et envoûtante. Slow Motion n’est pas un disque évident car l’étrangeté et la noirceur des morceaux peuvent effrayer les novices. Quant aux habitués, ils retrouveront des moments aussi forts et intenses que sur ses disques les plus inspirés de la période post-KLUSTER.

Cédrick Pesqué

Page : https://conradschnitzler.bandcamp.com/album/slow-motion

Label : www.bureau-b.com/

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