David KRAKAUER feat. KLEZMER MADNESS! & SOCALLED – Live in Krakow
(Label Bleu / Harmonia Mundi)
KRAKAUER croque la vie à Cracovie… Je sais, c’était facile. Mais comment l’éviter quand on se retrouve face à pareille situation symbolique ? Il y en a qui ne suivent pas ? C’est simple : le nom KRAKAUER désigne « celui qui vient de Cracovie ». Donc, KRAKAUER qui va à Cracovie, c’est un retour dans SA ville, un rendez-vous avec l’histoire du peuple juif doublé d’un regard sur lui-même, façon de se situer lui-même par rapport au genre klezmer, itinérant par nature et ouvert par vocation. Et David KRAKAUER le prouve une fois encore en proposant une lecture personnelle et revitalisante de l’héritage des klezmorim.
Tout un symbole donc, et même un symbole générateur de fièvre, quasiment palpable dès les premières minutes de ce disque enregistré live à l’Indigo Club, durant cinq jours d’ébriété artistique. C’est l’opportunité pour l’ancien membre des KLEZMATICS de rôder la nouvelle mouture de son groupe KLEZMER MADNESS!, qui joue la carte de l’électricité vindicative d’un jazz-rock-funk affûté avec guitare, basse et batterie, sans oublier de garder un pied dans la tradition avec l’accordéon sobre mais bienveillant de Will HOLSHOUSER.
Mais la véritable « klezmer madness », c’est KRAKAUER lui-même qui la porte ostensiblement, la transporte même dans chacune des notes qu’il sort de sa clarinette virulente et vibratile. Le groupe reste indubitablement derrière le « clarinet-hero ». On devine que des musiciens au bagage plus « free » auraient pu propulser cette « folie klezmer » dans une dimension nettement plus farouche et décapante.
C’est encore SOCALLED qui constitue la meilleure surprise : ce jeune DJ canadien, avec qui David KRAKAUER s’est impliqué récemment dans le projet Hiphopkhasène avec la violoniste Sophie SOLOMON, catapulte littéralement les thèmes klezmer dans un nouveau « nouveau monde » à la modernité rythmique joviale, avec ses samples et sa beatbox. Difficile de résister au groove ébouriffant de Turntable Pounding et du Klezmer à la Bechet « Remix » !
KRAKAUER, lui, étale sa verve et sa science des volutes virevoltantes avec toujours autant de charisme pour nous conter ses histoires jubilatoires, délurées, doucereuses ou déchirées, puisées dans son ancien répertoire ou dans le répertoire traditionnel, avec hommage appuyé à Naftule BRANDWEIN, le roi de la clarinette klezmer dans la première moitié du XXe siècle (Naftule’s Nussach). Et le nouveau siècle est déjà pointé du doigt avec cet Offering Nign, éclatant d’intensité nue, composé à New York, devant Ground Zero…
Et là, on réalise que ce qui motive KRAKAUER, ce n’est pas l’innovation pour l’innovation (quand bien même son statut de musicien défricheur et emblématique de la nouvelle vague klezmer gagnera encore des galons avec ce disque live), c’est plutôt la façon dont la modernité de ton permet de réactiver une magie lyrique, de repeindre des images, de revivifier des émotions qui ne doivent pas être jetées en pâture à l’oubli. KRAKAUER, ou la quête de la régénération…
Stéphane Fougère
Site : www.davidkrakauer.com
(Chronique originale publiée dans
ETHNOTEMPOS n° 14 – mars 2004)