ISILDURS BANE – Mind Vol. 2 Live
(Record Heaven)
En 1997, le groupe de rock progressif suédois ISILDURS BANE entrait avec l’album Mind, Volume 1 dans une phase musicale nouvelle. Cette phase qui consiste à élargir les horizons musicaux à la fois dans la forme et dans le fond est plus que jamais d’actualité avec la sortie du double live Mind, Vol. 2. Enfin, « Live », c’est une façon de parler ! Nos Suédois ont rassemblé toutes les bandes live de ces derniers mois ainsi que quelques enregistrements en studio et ont beaucoup travaillé sur le mixage, éliminant ici, rajoutant par là pour un résultat qui n’est absolument pas représentatif d’un concert d’ISILDURS BANE. En réalité, il n’était pas dans l’intention du groupe de sortir un disque live à caractère d’archive. Il s’agit plus d’un faux live ou plutôt d’un concept album totalement novateur (progressif ?) dans sa démarche (toujours cette fameuse phase « Mind »).
Ici, le concept Mind, donc, met plus l’accent sur une nouvelle façon d’écrire et d’arranger la musique et illustre ainsi les principes des nouvelles méthodes de travail adoptées par le groupe. Le Volume 1 correspondait à plus d’ouverture musicale (le fond) tandis que le Vol. 2 se préoccupe de la forme. Le travail en studio et le recours aux technologies de pointe ont joué un rôle tout aussi important dans la genèse de ce double CD que la matière brute enregistrée lors des concerts.
On s’était déjà rendu compte de changements significatifs dans la musique d’ISILDURS BANE lorsque les Suédois étaient venus nous voir à Paris en 2000 (en particulier au moment du concert au Centre culturel suédois). Le répertoire (principalement inspiré de The Voyage et de Mind, Volume 1) était complètement réarrangé et les nouvelles compositions (que l’on retrouve bien sûr dans ce dernier album) nous laissaient augurer d’un brillant avenir. Les espérances sont ici largement dépassées.
Bon nombre de pièces ressurgissent sous une forme neuve, car non seulement elles ont été repensées pour la scène, mais leur enregistrement live a donc aussi été manipulé de manière que le répertoire retenu pour ce double album soit perçu comme une entité conceptuelle et musicale indépendante et non comme une simple compilation live.
À titre d’exemple, Opportunistic Medicine a été conçu à partir de deux compositions de Mind Volume 1 qui s’enchaînaient : Opportunistic Walk et Holistic Medicine. De même, Exit Visa a été conçu sur le canevas de Magnificent Giant Battles. La détermination d’ISILDURS BANE à engager leurs opus dans un processus évolutif l’a amené à faire appel à des musiciens extérieurs, notamment pour proposer des versions orchestrales de toute beauté (en particulier Exit Permit, qui est une version revisitée de la première partie de The Voyage).
Tout cela rappelle dans le fond ce qu’un certain Frank ZAPPA faisait lorsque celui-ci s’amusait à retravailler son répertoire en live. Musicalement encore, nos Suédois se rapprocheraient du même guitariste moustachu pour la place importante accordée aux percussions (ah ! ce vibraphone !!), quand ils ne vont pas jusqu’à concevoir des instruments uniques et personnels, comme l' »iron-pipe marimba » (sur Celestial Vessel).
Ce double concept album (puisqu’il en est ainsi) est également doté d’un livret explicatif très bien illustré rappelant pour chacun des morceaux les événements et les œuvres plastiques historiques qui les ont inspirés. On retrouve ainsi quelques figures marquantes de l’art contemporain du début du siècle, tel le Facteur Ferdinand CHEVAL, le peintre Adolf WÖLFLI, Francis PICABIA, ou encore des œuvres plus récentes de Bernt DANIEL et Torgny LARSSON. C’est une façon de rappeler que la création musicale ne se nourrit pas exclusivement de recettes musicales déjà éprouvées, mais également de l’interaction sensible avec d’autres formes artistiques.
Dernier détail : chacun des deux CD de ce « live » dépasse les 77 minutes. il y a donc de quoi faire des réserves jusqu’à la prochaine livraison. Il est vrai que la musique d’ISILDURS BANE ne s’apprivoise pas en un jour…
Site : https://isildursbane.bandcamp.com
Patrick Robinet et Stéphane Fougère
(Chronique originale publiée dans
TRAVERSES n°9 – août 2001)