JEAN LOUIS
au Festival Rock In Opposition
à Cap Découverte (81)
le 16 septembre 2018
Un phénomène étrange semble se produire chaque année au festival Rock In Opposition, le dimanche en deuxième partie de programme. Le groupe qui se produit à ce moment-là dans la salle « Henry-Cow » fait l’effet d’une bombe, d’une révélation, d’une claque libératrice. Cette année, ça n’a pas loupé, la claque s’est appelée JEAN LOUIS ! « Jean Louis qui ? », me glissent les cancres. Simplement, JEAN LOUIS. Ce n’est pas un soliste, ni un duo, mais – vous l’aurez deviné – un trio !
Démarré en 2007, JEAN LOUIS est un trio de configuration jazz mais qui ne joue pas du jazz, ou qui en repense les codes et en repousse les limites très, très loin pour aboutir à une musique nouvelle riche en climats troubles, en émotions viscérales. Il a déjà trois albums à son actif : Jean Louis (2008), Morse (2010) et Uranus (2013). Un album Live à Limoges est venu tout récemment compléter sa discographie.
On avait déjà été séduit par la création que JEAN LOUIS avait présenté deux jours auparavant sur l’autre scène du festival RIO avec le QUATUOR BÉLA. Cette fois, c’est avec des jeunes musiciens en herbe avec lesquels il avait répété en résidence qu’il a démarré son set, avant de nous plonger sans filets ni renforts dans son univers propre.
Composé du trompettiste Aymeric AVICE, du contrebassiste Joachim FLORENT et du batteur Francesco PASTACALDI, JEAN LOUIS (qui ne contient donc personne de ce nom, bonjour l’embrouille !) aime bricoler les sons de ses instruments, les amplifier, les distordre, pour engendrer une musique compacte, dynamique, débordante, mais qui sait aussi être tempérante… pour mieux redevenir corrosive et abrasive, transpirant la transe fauve.
La trompette d’Aymeric AVICE, par le biais de pédales à effets, peut sonner comme une guitare, un orgue, un violon, jouer des lignes de basse, tandis que la contrebasse de Joachim FLORENT, qu’il joue tantôt avec les doigts, tantôt à l’archet, peut virer sans crier gare dans les aigus, quand elle ne sécrète pas des reliefs outre-terreux. Entre vents et cordes, les rôles s’échangent subtilement, les références se brouillent. Qu’entend-t-on exactement ? Des instruments ? Des spectres ? Ajoutez à cela que la batterie de Francesco PASTACALDI a ce don d’asséner des frappes sèches, appuyées, tout en faisant montre d’une versatilité apte à engendrer un flux extatique, et de bousculer les lignes rythmiques au détour d’une montée d’adrénaline.
À ces lignes de fuite prodiguant des martèlements obsédants et des brèches lancinantes peuvent succéder des séquences plus mystérieuses, nocturnes, brumeuses, évoquant quelque fin de nuit fumeuse ou des premières lueurs d’aube empoussiérées. JEAN LOUIS sait varier ses séances d’hypnose, les faire chavirer. Les influences qu’ils glissent subrepticement ici et là sont de natures diverses : un peu d’Archie SHEPP, de Pharoah SANDERS, de Fela KUTI, d’Edgar VARESE, de Miles DAVIS, d’Igor STRAVINSKY, des bribes ethniques africaines, est-européennes, indiennes, indonésiennes ; JEAN LOUIS avale plein et de loin, mâche et digère, et construit un son dont la mutation permanente est garante de son identité revêche aux idées préconçues et aux productions trop léchées. Rugosité, étrangeté et viscéralité sont les couleurs de ses pulsions soniques.
Vous cherchiez du « jazz in opposition » ? JEAN LOUIS vous attend.
Site : https://jeanlouis.bandcamp.com/
CD :
JEAN LOUIS – Uranus (2013, Coax Records)
JEAN LOUIS – Live à Limoges (2018)
Article et Photos : Stéphane Fougère
Lire le compte-rendu du Festival Rock In Opposition 2018.
Diaporama photos :
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