John McLAUGHLIN, Zakir HUSSAIN, T.H. « VIKKU » VINAYAKRAM & Hariprasad CHAURASIA – Remember SHAKTI

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John McLAUGHLIN, Zakir HUSSAIN, T.H. « VIKKU » VINAYAKRAM & Hariprasad CHAURASIA – Remember SHAKTI
(Verve / PolyGram)

« Remember SHAKTI ? » Et comment qu’on s’en souvient ! Comment passer à côté de cette généreuse aventure musicale et humaine devenue une référence mythique de la déjà longue histoire affective entre le jazz et la musique indienne ? Le problème, dans le cas des « remembrances », en l’occurrence vingt ans après, c’est qu’on se demande toujours ce qui les motive. Difficile en effet de croire que ces hommes-là aient soudain retrouvé le tempérament qui les animait jadis à la faveur d’un plongeon inopiné dans une fontaine de jouvence de passage dans le coin. Car l’expérience de SHAKTI, pour unique et magique qu’elle ait pu être, est aussi l’histoire d’une initiation, d’une étape initiatique, avec ses flamboyances et ses limites qui, depuis, a été dépassée par chacun de ses acteurs. Leurs retrouvailles épisodiques, par la suite, ont pu témoigner de leur maturité musicale et spirituelle.

Remember SHAKTI n’est donc pas SHAKTI tel qu’on l’a connu, mais son « réfléchissement » dans l’ici et le maintenant. (Pour parler plus prosaïquement, il s’agit un peu du thème « que sont-ils devenus ? ») Les acteurs ne sont pas non plus tout à fait les mêmes. Au demeurant, étant donné la participation exceptionnelle du maître flûtiste indien Hariprasad CHAURASIA aux quatre concerts donnés par le quartet en Angleterre en septembre 1997 (année de la célébration du 50e anniversaire de l’indépendance de l’lnde et du Pakistan) on peut se demander si ce double CD n’aurait pas mieux fait d’être baptisé « Remember Making Music » tant il paraît plus proche dans l’esprit de cet album, lui aussi légendaire, de Zakir HUSSAIN paru en 1987 chez ECM.

John McLAUGHLIN reconnaît lui-même que SHAKTI avait des tendances purement démonstratives qui ont été gommées avec le temps, Making Music illustrant davantage la propension des musiciens à appréhender la musique par la notion épurative de silence que par celle de vitesse. Mais là encore, les acteurs ne sont pas non plus les mêmes.

Si CHAURASIA n’a pas fait partie de SHAKTI, « Vikku » n’a pas participé à Making Music, et ni L. SHANKAR ni Jan GARBAREK n’apparaissent sur ce Remember SHAKTI. C’est encore une autre aventure, qui emprunte cependant au répertoire de SHAKTI, de Making Music, et de John McLAUGHLIN.

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Fait marquant, les compositions se sont allongées : The Wish (originellement inclus dans l’album The Promise de John McLAUGHLIN) et Zakir ont étendu leur espace d’expression ; quant à Lotus Feet, c’est précisément la partie manquante sur le premier LP de SHAKTI qui est ici exploitée.

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Mais la grande nouveauté a indéniablement été apportée par celui qui est présenté – suprême paradoxe – comme « special guest  » ! CHAURASIA nous offre donc une composition basée sur le raga Chandrakauns, qu’il interprète avec Zakir HUSSAIN dans la plus parfaite tradition indienne, et Mukti, pièce montée de plus d’une heure sur laquelle chaque musicien déploie ses fastes solistes pour le plus grand bonheur de nos oreilles.

Allez savoir si la flûte bansuri de CHAURASIA y est pour quelque chose, mais l’atmosphère générale tend indéniablement vers plus de mesure et de sérénité que par le passé, même si, ça et là, l’émulation joviale reprend ses droits. L’inclination générale vers la musique savante indienne ne fait pas de doute, bien que l’approche musicale du quartet ne se confonde pas non plus avec les stricts critères des traditions hindoustanie et carnatique. Parler de jazz donne presque envie de rire (c’est juste nerveux), et le terme « fusion » paraît bien obsolète.

Une chose est sûre : la modalité est souveraine dans cette dimension inaliénable où « l’intelligence créative, la beauté et la puissance » ont atteint de nouveaux sommets. Message à Zakir : ça va bonhomme, on sait que tu joues bien, ce n’est pas une raison pour mettre le volume à fond sur tes tablas !

Stéphane Fougère

(Chronique originale publiée dans
ETHNOTEMPOS n°5 – octobre 1999)

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