Rónán Ó SNODAIGH – The Last Mile Home
(Kila Records)
Le chanteur et percussionniste du groupe KILA traîne une mystérieuse réputation de troubadour itinérant : célébré pour son épatant jeu de bodhran, dont il a révolutionné l’approche, il est aussi apprécié pour ses talents d’écrivain et de poète. On le dit aussi paysagiste, excursionniste, confectionneur de tapisserie, et bien entendu musicien (il a entre autres accompagné et enregistré avec DEAD CAN DANCE…). Rónán Ó SNODAIGH est un homme qui aime à fouler la Terre, à s’ancrer au sol, ce qui ne l’empêche pas de faire preuve d’introspection dès lors qu’il a un crayon, ou une guitare, ou une percussion, entre les mains.
Outre ses brillantes contributions à KILA, à la fois comme compositeur, interprète et homme de scène, Rónán s’est gardé assez d’inspiration pour enregistrer également une bonne poignée de disques solo. Son premier CD, Tip Toe, conçu avec le guitariste Simon O’REILLY, contenait des chansons douces et raffinées interprétées en anglais, et que venaient enrober divers instruments à cordes (guitare, contrebasse, bouzouki, charango, fiddle…). Changement radical de décor sur Tonnta Ró : entièrement chantées en gaélique, les compositions privilégiaient les polyphonies percussives et les rythmiques tribales. Chaque album a ainsi été pour Rónán Ó SNODAIGH l’opportunité de dévoiler des facettes différentes de ses appétences musicales.
The Last Mile Home, quatrième CD de notre ménestrel contemporain, contient une douzaine de chansons (dix interprétées en anglais, deux en gaélique) centrées sur le seul chant de Rónán, accompagné de sa guitare acoustique – et plus occasionnellement de son bodhran ou d’un shaker.
Comment ne pas sentir son âme trembler ou chavirer à l’écoute du méditatif Samouraï, du douloureux Pinocchio, ou du vespéral Wolf Song… Le registre méditatif n’est cependant pas constant : Row away et Raise the Road secouent aussi agréablement la marmite. À certains de ces tableaux dépouillés, quelques musiciens ajoutent de fines couleurs : par ici le fiddle ou le banjo de Dee ARMSTRONG (de KILA), là, la basse de Martin BRUNSDEN, par là encore le Fender Rhodes d’Eoin O’BRIEN…. Et quand ce dernier se met à la guitare Stratocaster, l’album dévie subrepticement des rivages typiques de la chanson folk pour adopter un ton plus folk-rock, injectant par endroits quelques acidités lancinantes (Half Full) ou quelques rugosités rocailleuses (The Last Mile Home).
Entre âpreté idiomatique et vagabondage décontracté, The Last Mile Home se déguste d’autant mieux dans les moments de repli introspectif que le grain aussi chaleureux qu’unique de la voix de Rónán Ó SNODAIGH n’aura aucun mal à les éclairer.
Stéphane Fougère
Site : Ronan O Snodaigh
(Chronique originale publie dans
ETHNOTEMPOS n°38 – Printemps 2008)