KING CRIMSON – Level Five

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KING CRIMSON – Level Five
(Discipline Global Mobile)

Quiconque s’est penché sur le cas KING CRIMSON n’a pu rester indifférent. Et il en va de même pour sa discographie. Tiraillé entre un lourd passé et ce désir constant de modernité, le Roi Pourpre s’est quelque peu emmêlé les pinceaux au crépuscule du vingtième siècle, avec son double trio qui, au final, s’est avéré plus nostalgique que révolutionnaire. Maintenant qu’il a l’occasion véritable de jouer à l’homme schizoïde du vingt-et-unième, KING CRIMSON se doit de relever la tête après son piteux dernier album studio, qui aura su séduire seulement les plus indulgents et les moins concernés. Comme leur lettre d’amour de 1994, VROOOM, qui se révèlera être nettement supérieur à l’album THRAK qu’il annonçait, Level Five risque peut-être de reproduire le même schéma ; beaucoup de belles promesses, de jolies perspectives (à la manière des ProjeKcts) pour, qui sait ?, un Nuovo Metal (attendu pour bientôt), qui sera en deca de toutes les espérances (comme ce fût le cas avec The ConstruKction of Light).

Car Level Five a de la gueule. Ce mini album de près de cinquante minutes a un son énorme, et fait le plein de décibels. À croire qu’il s’agit là du seul aspect qu’ils aient retenus de cette créature polymorphe pourtant capable de plus de raffinement. Le titre éponyme commence comme Larks’ Tongues in Aspic IV, c’est à dire assez mal, suivi d’un riff appuyé qui paraîtrait anondin s’il avait été joué par KYUSS. Seulement, c’est KING CRIMSON. Plus loin on reconnaît la structure hachée et décalée de THRAK… Oui, une fois de plus, KING CRIMSON se lance dans une synthèse de son répertoire qu’il réécrit sans cesse, comme pour affiner le trait et tenter d’enfin révéler le visage qui se dissimule dans ce bloc de bois qu’il sculpte depuis toujours.

On sera soit fasciné par cette obstination a toujours se remettre au travail, à la recherche de la forme parfaite, à l’instar d’un Alberto GIACOMETTI (à moins qu’il s’agisse du désir impérieux de redonner du sens à une quête déjà résolue ?), soit irrité par tant de redondances depuis maintenant près de dix ans.

Dangerous Curves qui le précède, et Virtuous Circle qui le suit, sont les autres bonus de ce EP à tirage strictement limité. Surfant sur la vague d’un long crescendo qui n’est pas sans évoquer leurs meilleurs moments pour le premier, ou pour une longue plage atmosphérique et délicate qui, bien sûr, s’emballe en bout de course, ces deux titres sont les leçons à retenir pour le KING CRIMSON actuel.

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Il ne reste plus qu’à espérer que Pat MASTELOTTO en tire les enseignements adéquats, en évitant, comme il le fait si bien ici, de tomber dans des lourdeurs excessives en martelant trop systématiquement sa caisse claire de manière plate et métronomique.

Le disque se conclut par, déjà, la deuxième version en concert de The ConstruKction of Light (d’autres suivront) et la quatrième pour The Deception of The Thrush, soit les deux meilleurs titres issus de leurs derniers enregistrements.

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Si cet EP cinq-titres est de haut niveau, on aurait tout de même été en droit d’en attendre plus. D’autant que, plus tôt dans l’année, KING CRIMSON a partagé l’affiche avec TOOL, et il s’est dit que quelques interactions ont eu lieu durant leur brève tournée commune. De quoi mettre l’eau à la bouche, et regretter l’absence de toute trace d’un pareil événement. À moins que FRIPP, en fin stratège, ne réserve ça aux membres select de son King Crimson Collector’s Club ? Wait and see…

Domenico Solazzo

(Chronique originale publiée dans
TRAVERSES n°11 – juin 2002)

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