Klaus SCHULZE – Stars Are Burning
(Mirumir)
S’il n’y avait pas ce son audience de bootleg très moyen, nous pourrions apprécier sans doute davantage ce live. Official Klaus Schulze Boot Vol. 1, paru sur un label russe, annonce peut-être une nouvelle série de documents rares, après les seize volumes de La Vie Electronique et Big in Europe (retraçant la fameuse tournée européenne de SCHULZE – GERRARD). Ce projet est mené et produit par KD MUELLER dont l’idée principale est de « rendre officiel un vieux bootleg illégal », avec bien entendu la pauvre qualité sonore et aussi tous les autres bruits parasites venant du public conservés pour garder l’atmosphère véritable d’un concert, défauts habituels propres à ce genre d’enregistrements en audience. Donc, il ne s’agit pas d’un soundboard ; cela n’a rien à voir avec les nombreux autres enregistrements bien meilleurs, figurant sur les box (Silver Edition, Jubilee Edition, The Ultimate Edition). Que cela soit dit !
En tant que document précieux, sa valeur est inestimable pour tous les fans. Ce concert à Bruxelles date en effet du 16 avril 1977. Nous sommes à l’époque de l’album Mirage et dès le printemps, Klaus SCHULZE a effectué une tournée européenne de 35 dates (qui se termina le 10 mai). C’est donc un témoignage au coeur même de l’âge d’or de l’électronique allemande. Entendre Klaus SCHULZE improviser de la sorte, nous entraîner dans un voyage de sons fabuleux est quelque chose de vraiment unique, à la fois intense, planant, excitant et émouvant.
Trois morceaux constituent ce concert. Le premier, Stars Are Burning, d’une durée de 48 minutes, constitué de neuf parties, et grâce aux bons soins de MUELLER, retrouve ici la forme d’un véritable morceau à part entière en apparaissant dans son intégralité (sur le bootleg, il était en effet coupé en deux ; les deux plages séparées et placées à différents endroits du disque, faisant croire à deux titres distincts).
SCHULZE est un maître de cérémonie prêt à nous emmener très loin dans son monde. Il plante le décor avec In the First Sleep of the Night, laissant le temps au morceau de prendre vie notamment avec ces choeurs d’un autre temps, pour ensuite le laisser dériver dans un océan de larmes étoilées. Stars Are Burning est une merveilleuse impro où l’homme et les machines fusionnent pour offrir un spectacle de poésie cosmique.
Les deux autres impros de 20 et 30 minutes s’intitulent The Nightingale’s Complaint et Tell Me Where All Past Years Are. Nous pouvons envisager évidemment qu’avec de si longues compositions, parfois la musique peut contenir des moments plus ou moins accrocheurs. Cela peut arriver chez SCHULZE ou même TANGERINE DREAM. Mais ici, ce n’est pas du tout le cas : avec The Nightingale’s Complaint, la première partie avec ses boucles étincelantes est purement magique, pour ensuite laisser la place à des atmosphères plus dramatiques et inquiétantes sur Let They Love in Kisses Rain et I Arise from Dreams of Thee.
Le concert dans son ensemble est assez captivant et c’est vraiment désolant de l’écouter avec ce son de bootleg qui amoindrit la magie du moment… D’autant plus que les trois pièces décrivent parfaitement l’univers schulzien de l’époque. Et comme pour TANGERINE DREAM, face à de longues improvisations, il faut être patient et laisser le temps à la musique et aux atmosphères de s’installer. Et si nous nous laissons tout simplement porter par la musique, alors il est certain que nous passerons un très agréable moment.
En guise de bonus, le CD 2 propose There Shall Be Sung Another Golden Age, le premier titre ouvrant le concert donné à Arnheim le 28 octobre 1979. Deux mois auparavant, sortait l’album Dune, avec en guest sur la face B et le titre Shadows of Ignorance, Arthur BROWN. Entre octobre et novembre, Klaus SCHULZE a réalisé une tournée en Europe constituée d’une quarantaine de concerts en Allemagne, Belgique, Hollande, Suisse et France. De cette tournée avec BROWN (celui-ci n’entre sur scène qu’à la deuxième partie du concert), nous possédons quelques extraits (notamment de Amsterdam le 27 octobre et de Paris) sur le double album… Live… : ce document devait être le premier et unique enregistrement en public dans l’oeuvre de Klaus, mais heureusement pour nous l’histoire en aura voulu autrement.
Ce morceau de 33 minutes, découpé en six parties (concernant les plages 5-10 du CD) et à la qualité sonore également assez moyenne, débute par des atmosphères schulziennes lentes et sombres, puis devient de plus en plus rapide et rythmé (dans le genre TEE de KRAFTWERK de par ce côté répétitif métallique prenant vie dès la deuxième partie), où SCHULZE s’amuse à livrer des solis vertigineux et d’autres sons robotiques délirants notamment sur Till With Sounds Like These. C’est un morceau assez attractif, à vous donner le tournis, avec ses moments longs et très dynamiques, et qui se termine comme il a commencé sur des nappes plus sereines, planantes et mélancoliques… Une bien belle manière de représenter ici les années dorées de l’électronique avant d’amorcer la nouvelle décennie avec des travaux emblématiques parfois sous-estimés comme Dig It, Trancefer ou Audentity.
Stars Are Burning existe aussi en version double 33 tours. Disons tout simplement que c’est une belle arnaque ! Sur le premier disque, le titre phare de 48 minutes occupe les deux faces. L’autre disque comprend le deuxième morceau de Bruxelles puis le titre Invisible Musik (remplaçant par conséquent le troisième titre du concert de 1977, beaucoup trop long pour tenir sur une face) issue de la magnifique compilation « électro-ambient », Mutting the Noise. Cette pièce certes est devenue rare aujourd’hui, mais tout bon fan doit déjà la posséder, rendant cette version vinyle définitivement inutile.
Cédrick Pesqué
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