LA CLEDA – La Cleda
(La Nōvia / Pagans)
Quartette polyrégional, LA CLEDA est une émanation du collectif LA NŌVIA qui, depuis pratiquement une décennie, se veut un espace de réflexion et d’expérimentation nourri par des musiciens professionnels provenant d’Auvergne, de Rhône-Alpes, du Béarn, des Cévennes, des Hautes-Alpes et d’Alsace autour des musiques traditionnelles et/ou expérimentales. J’en vois qui sont gênés aux entournures : c’est l’adjectif « traditionnelles » ou l’adjectif « expérimentales » qui coince ? Les deux ? Leur juxtaposition ?
Navré pour vous, parce que ce collectif développe une esthétique solide et cohérente déclinée en autant de cellules atomiques qui pulvérisent les clichés : TOAD, FAUNE, FLUX, VIOLONEUSES, JERICHO, LA BARACANDE, le Duo PUECH/GOURDON, LE VERDOUBLE, sans parler de leur création autour de cette œuvre-phare du minimalisme qu’est InC, de Terry RILEY. Et il y a donc aussi LA CLEDA, qui réunit les talents et les inspirations de Basile BRÉMAUD, de Yann GOURDON, de Matèu BAUDOIN (ARTÙS, KAT ÇA-I) et de Nicolas ROUZIER.
Quatre musiciens venus de quatre régions différentes (Béarn, Auvergne, Limousin, Cévennes), quatre identités culturelles engagées dans un processus communautaire qui travaillent leurs matières musicales traditionnelles pour en tirer un substrat poétique et sonore qui écarte toute folklorisation de carte postale, voilà ce qu’est LA CLEDA. Il est donc question de musiques enracinées, mais qui se cherchent des embranchements au-delà des idées préconçues et des barrières stylistiques.
Violons, chabrettes, vielle à roue, tambourin à cordes, bourdon, pandero multitimbral et voix rustiques sont mis à contribution pour dépoussiérer un répertoires de bourrées, de mazurkas, de marches, de sautières ou de polkas qui cultivent l’ivresse rythmique autant que sonore. Dans LA CLEDA, les mélodies bégayent, les rythmes tournoient, les chants claudiquent et les harmonies bourdonnent. Et sans jamais perdre de vue les mouvements des danses, grincements et stridences y sont poussées dans leurs retranchements, tissant parfois des extensions expérimentales en formes de boucles entêtantes.
On serait tentés de voir dans ces quatre gars des sortes de derviches tourneurs 2.0, mais sans surcharge hi-tech. Il n’y a que du bio ici, mais ces musiques puisent dans la glaise tout en pointant leurs truffes dans les étoiles. Loin de toutes formes de dilution à coups de remix bâtards, ces danses-là gardent la saveur de ce qu’elles sont et sont garnies de senteurs agrestes. Elles schlinguent les poils en sueur, les mains moites, les paluches boueuses et basculent les esprits sur ces chemins de terre aux tracés sinueux et cahoteux. On en sort aussi ronds que des marrons, puisque la « cleda » désignait à l’origine un séchoir dans lequel on conservait les châtaignes en les enfumant. C’est dire si on est loin d’une production détergente !
Arrêtez les thalasso prout-prouteuses ; écoutez LA CLEDA, ça vous décongestionnera les articulations !
Stéphane Fougère