LALALA NAPOLI – Cavaluccio

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LALALA NAPOLI – Cavaluccio
(La Curieuse)

Une place minime est réservée de nos jours, en France, sur les ondes et en télévision, à la chanson écrite dans une langue qui n’est ni du français, ni de l’anglais. Comment porter à la connaissance du public, alors, des réalisations musicales mémorables en italien, voire dans la langue de la région de Naples (héritée du latin) ? Grâce aux radios vraiment libres (libérées de tout asservissement de diffusion), et surtout grâce aux concerts qui éclaboussent d’une diversité colorée ce morne paysage sonore, lorsque les confinements sont levés et que la culture redevient indispensable aux yeux des pouvoirs publics (merci aux protestataires). LALALA NAPOLI et son traditionnel revisité ne fait pas exception, et heureusement, tourne beaucoup son spectacle en France, une preuve qu’il existe encore des programmateurs de salles et de festivals qui n’ont pas des entonnoirs à monnaie à la place des oreilles.

Avec Cavaluccio (« à califourchon », en napolitain), le groupe poursuit son but : mettre en valeur la musique et la langue napolitaines, celles de cette région de Campanie, non loin du Vésuve (Pompéi), avec le goût de l’expérimentation et une maestria sans pareille.

François CASTIELLO, accordéoniste, chanteur et co-compositeur du défunt et magnifique groupe BRATSCH a bien voulu nous guider pour la visite de cette œuvre parue il y a quelques mois, pendant le second confinement. « Je suis napolitain d’origine, première génération en France. J’ai une grande famille à Naples, mes liens avec cette musique sont très affectifs et culturels. »

De fait, fondé en 2010 (premier concert en 2011), LALALA NAPOLI, croissant à partir de racines italienne et régionale, n’a cessé d’enrichir son art, porté par des musiciens virtuoses : outre François CASTIELLO à l’accordéon, textes et compositions, le talentueux Nicolas LOPEZ est au violon, l’inventif rythmicien François VINOCHE à la batterie ; Julien CERTIN joue, lui aussi, de l’accordéon avec une ouïe très aiguisée et a composé le très épicé Abracalabria. Le poly-instrumentiste Thomas GARNIER nous enchante de ses lignes de flûte piccolo (la plus aiguë), mais sait aussi nous régaler de vrombissements de guitare électrique et de ses interventions à la ciamarella, sorte de cornemuse locale, contribuant ainsi au petit goût de « reviens-y » que nous laisse ce plat aux neuf titres, une fois consommé avec délectation. N’oublions surtout pas Maxime OUDRY, qui en pince tellement pour sa contrebasse (quand il n’use pas de l’archet) qu’il en obtient un très gros son en prise directe avec les fulgurances rock (Abracalabria), et les sons tribaux transe sur Daleco. Contrebasse aux épaisses vibrations et batterie aux rythmes dépliés et déployés (tout en syncope) élaborent une rythmique turbulente des plus jouissives.

Ces six artistes se sont donc trouvés, pour notre plus grand régal ! « J’avais envie de fouiller dans mes racines napolitaines ; j’ai profité de mon arrivée dans la Drôme pour rencontrer des musiciens et leur proposer ce projet : LALALA NAPOLI. » Et l’alchimie opéra. Et de un, et de deux, et de trois CD.

Sur ce dernier opus en date, la fête est plus que jamais au rendez-vous : fête napolitaine, tarentelle de ouf sur le titre éponyme Cavaluccio. Nous sommes loin de La Tarentelle d’Yves DUTEIL (1977), mais le dessin rythmique subsiste. Tout comme il articule Amici del Carretto, une autre chanson, celle-là écrite en italien pour remercier les habitants d’Alessandria del Carretto, petit village de Calabre, d’avoir accueilli le groupe par trois jours de nouba ininterrompue.

Tarentelle toujours, La Danza, écrite par Gioachino ROSSINI, ici reprise par François et ses compères, fait la part belle à la vélocité voire à une excitation qui nous évoquent l’âge d’or des comédies italiennes (années 1960 et 70) ; on s’y surprendrait à danser une farandole endiablée avec les CRS sur les Champs-Élysées, un 14 juillet, en plein défilé.

La fête peut également prendre d’autres formes : très différente de ces tarentelles, l’instrumental Daleco fait évoluer les danseurs et les danseuses sur des pulsations techno, avec quelques surprenantes dissonances qui ouvrent la porte à la musique contemporaine. Cette transe techno métamorphose complètement Fratelli, un autre titre en italien écrit par François pour le répertoire de BRATSCH. « Je n’ai gardé qu’une partie des paroles, nous précise l’intéressé. Cette chanson est devenue plus dure, revendicative, comme une manif le poing levé. » « Siamo tutti fratelli », (« Nous sommes tous frères ») est le slogan scandé qui clôt cet album, comme un rappel que rien n’est jamais acquis, la liberté comme la démocratie, et qu’elles restent des idéaux à entretenir comme un feu dans l’âtre.

Le plaisir que nous ressentons à (ré-)écouter Cavaluccio et ses variations audacieuses autour de ces danses vif-argent, peu connues en France, a pour fondement la prime jeunesse du compositeur. En effet, celui-ci a baigné dans les mélodies et les rythmes de sa région natale : ainsi sa vocation de musicien populaire est-elle née. C’est aussi la raison pour laquelle il rend hommage à cette culture, notamment avec trois succès dont La Danza.

« La plupart des chansons napolitaines reprises, je les entendais dans mon enfance en marchant dans les rues de Naples », nous confie-t-il. ‘O surdato’nnamurato (« Le Soldat amoureux »), très belle complainte en langue locale ouvre l’album de façon tragique, voire déchirante ; quant à Na sera ‘e maggio (« Un soir de mai ») de Cioffi GIUSEPPE, une lente et somptueuse sérénade napolitaine ponctuée de parties sifflées par François, elle se mémorise d’autant mieux, dans cet arrangement, qu’elle nous rappelle les plages au tempo lent de la musique tzigane.

On peut donc saluer d’un geste franc et chaleureux cette mosaïque chamarrée de chants et d’instruments qui nous apportent d’intenses émotions, très variées, émanant de la volonté primordiale de dévoiler quelques trésors sonores locaux, donc européens, donc mondiaux.

Grâce à des groupes tels que LALALA NAPOLI, les musiques de notre planète se diversifient, se renouvellent, et trouvent un public ouvert et élargi, en toute indépendance, loin des clichés et du formatage. Peu à peu, ayant peaufiné leur Pégase, leur cheval ailé, ces six musiciens nous convient, auditeurs à la curiosité toujours en éveil, « cavaluccio », à califourchon à travers les nuages, à les accompagner dans cette superbe excursion insolite au pays de la tarentelle, celle du XXIe siècle.

Mescalito

Label : la-curieuse.com

La Curieuse est un collectif qui groupe plusieurs artistes et/ou projets :

– AN PAGAY (electric maloya) 

– MALADITSO BAND (banjo Music, Malawi)

– UKANDANZ (ethiopian crunch)

– MOSSA (polyphonies) 

– CRIMI (Sicile) 

– PIXVAE (colombian crunch)

– DOUAR TRIO (oriental jazz) 

– Cie HAUT LES MAINS (marionnettes et musique) 

– VIRAGE (accordéon et batterie – projet de François CASTIELLO) 

– L’ÉTRANGLEUSE (rough Folk)

– SAINT SADRILL (pop)

– François CASTIELLO (chant et accordéon)

et bien sûr LALALA NAPOLI.

Les artistes de ce collectif sont tous différents et ils offrent tous un univers particulier ; ils défendent, avec exigence, des buts artistiques qui se rejoignent sur le fond : leur désir de rencontres et d’expérimentations.

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