MOVIETONE – Peel Sessions

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MOVIETONE – Peel Sessions
(Textile Records)

Le procédé Movietone, inventé pour accompagner le cinéma parlant autour des années 1925 est le premier dispositif d’enregistrement  du son sur pellicule cinématographique utilisé par la compagnie américaine Fox qui achète les brevets dès 1926 et décide de sortir le premier film utilisant ce procédé  (l’Aurore de Friedrich Wilhem Murnau en 1927). Le son Movietone a cependant eu rapidement le défaut de mal vieillir, en effet, les rayures dues au frottement de la pellicule et la poussière ont irrémédiablement atténué le dynamisme sonore de la piste optique jusqu’à rendre le son pâteux et définitivement inaudible.

Bien loin de tout cela, dans la ville de Bristol, dynamique huitième ville de l’Angleterre (berceau et fleuron d’une scène musicale très active dans les années 1990) et face aux étiquettes majoritaires de groupes trip-hop de cet épicentre pop underground du sud-ouest de l’Angleterre et autour de célébrités naissantes comme PORTISHEAD, TRICKY et de MASSIVE ATTACK, le groupe MOVIETONE nait en 1994. 

Le groupe, issu de la scène alternative des rives de la Severn, est (trop) rapidement rattaché par défaut à la mouvance musicale post-rock que les inconditionnels toujours un tantinet sectaires n’hésitent pas à ranger dans les cases du courant musical tourné vers les explorations bruitistes et lo-fi (lorgnant parfois vers le folk). L’arrivée de MOVIETONE correspond également à la montée de groupes du tout jeune label Planet Records créé pour promouvoir cette scène notamment : CRESCENT, THIRD EYE FOUNDATION et FLYING SAUCER ATTACK, qui auront comme point commun d’avoir tous à un moment ou à un autre joué avec MOVIETONE.

MOVIETONE donc, constitué par un noyau de deux musiciennes : Kate WRIGHT (voix, guitares, piano) et Rachel BROOK (basse), rejointes par Matt ELLIOTT (guitares, piano) et Matt JONES (batterie) donne dès ses débuts l’apparence d’un « supergroupe », comme la vitrine idéale  de la scène alternative de Bristol hébergée chez Planet Records, et qui pourtant n’enregistrera que son premier album chez ce label. En effet, MOVIETONE, suite au succès d’estime de ce premier essai va participer très vite par la suite à la migration de cette scène post-rock vers Londres et fera paraitre ses trois albums suivants ainsi que quelques singles chez sa maison de disques d’accueil : Domino Records et Drag City (aux États -Unis) entre 1994 et 2003. 

Dès ses débuts, MOVIETONE est repéré par John PEEL (grand coordinateur et ordonnateur des Peel Sessions de grande qualité – technique et de goût – enregistrées live au studio Maïda Vale de Londres pour la BBC-Radio 1) ; et la première session de MOVIETONE date du 12 mai 1994 alors que le groupe n’avait sorti qu’un single à l’époque. Les trois sessions regroupées sur le CD de 2022 s’échelonnent de 1994 (date de la sortie du 1er CD éponyme) à 1997 sortie du deuxième CD (Day and Night) confirmant  la consécration du groupe en Europe et aux États-Unis et lui permettant d’entamer de longues tournées et de très beaux concerts emplis de moments suspendus jusqu’en 2003, date de leur sortie définitive des radars musicaux.

Sur ces sessions, s’ébauchent des titres en devenir, particulièrement sur celle du 28 janvier 1996, des morceaux comme Summer et Blank like Snow en versions assez proches des versions définitives de l’album Day and Night se mélangent avec Chocolate Grinder, qui deviendra l’instrumental Night of the Acacias avec des instruments mis à la disposition du groupe par le studio : piano électrique Wurlitzer, orgue Celeste et des platines vinyles permettant quelques scratches intempestifs. La dernière session de fin août 1997 (peu avant la sortie de Day and Night) propose des ébauches du troisième album The Blossom Filled Streets qui lui ne paraitra qu’en 2000. MOVIETONE continue en live à faire évoluer ses musiques et s’inscrit de façon évidente dans la lignée des héritiers du Laughing Stock de TALK TALK, disque phare de ce post-rock aux contours souvent flous.

Hydra, qui ouvre la troisième session ainsi que le troisième album, est joué en 1997 de façon plus intime, le piano de Matt ELLIOTT y étant pour beaucoup, ainsi que le morceau titre de l’album qui présente en live cette montée un peu chaloupée qui s’emballe davantage qu’elle ne monte réellement par rapport à la version définitive. On y découvre ici le « work in progress » en direct d’un groupe qui cherche et perfectionne sans relâche ses morceaux et qui peaufine ses accompagnements à leur rythme et selon les opportunités du moment (ici du studio de la BBC avec ses pléthores de xylophones, clarinettes, saxophones, orgue hammond, violoncelles, et ses différents violons).

Entre le temps des démos alambiquées et intenses et les versions intermédiaires et définitives, il s’est passé trois ans, tout comme entre The Blossom Filled Streets et le dernier album The Sand and the Stars sorti en 2003. Le groupe annonçant pour cet ultime CD l’enchaînement des onze titres comme une histoire se déroulant au départ sur une plage (sous les étoiles) et finissant sur un chemin côtier, illuminé par un phare, près d’une hutte face à l’océan (dernier titre du CD de 1,01 mn et chanté comme un adieu par Kate WRIGHT seule à la guitare/chant avec quelques cris de mouettes en fond discret).

Ces Peel Sessions, qui nous parviennent 25 ans après les enregistrements de 1997, viennent combler un vide inespéré et définitif de l’histoire de MOVIETONE, et la présence de Matt ELLIOTT pour la troisième session donne un caractère unique à celle ci, car le musicien a quitté MOVIETONE lors de la sortie de The Blossom Filled Streets en 2000.

Un mot sur la pochette de ces Peel Sessions qui reprend et décline joliment dans des tons pastels, les motifs des pochettes de l’avant-dernier et du dernier album du groupe (Kate WRIGHT à la conception) dans des teintes à mi-chemin entre l’arbre stylisé aux fruits rouges de The Blossom Filled Streets et la fausse carte marine ou semblant de voûte céleste étoilée de The Sand and the Stars, à la façon d’une carte géographique numérique détaillée et pointilliste, toujours dans les tons rouges, mais qui dessine au plus près une sorte d’itinéraire avec ses routes et allées principales et adjacentes toutes droites, menant vers un lieu rêvé, esquissé, éparpillé, inaccessible, un peu mystérieux et au secret bien gardé. 

Xavier Béal

Page label : MOVIETONE « Peel Sessions 1994 – 1997 » | Textile Records (bandcamp.com)

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