Pascal COMELADE – Le Cut Up populaire (version augmentée)

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Pascal COMELADE – Le Cut Up populaire (version augmentée)
(Because Music)

Est-ce que quelqu’un saurait précisément à combien s’élève la production (exponentielle) de Pascal COMELADE depuis 1974 ? Discogs (la bible des collectionneurs) l’évalue à 65 albums, 23 EP, des K7 et autres ainsi que 12 compilations et 126 collaborations ; l’excellent livre de Pierre HILD, Une galaxie instrumentale (Le Mot et le Reste, 2016), aligne 13 pages de discographies de tous formats. Tous s’accordent pour dire que le dernier opus du musicien à trois mains (voir la couverture du livre de Pierre HILD) resterait Le Traité de Guitarres Triolectiques en 2016 et qu’il aurait mis sous un relatif retrait pour quatre ans la production de notre voyageur galactique et de son cabaret tous azimuts désormais plus silencieux.

Il y a eu il est vrai en 2016 le formidable gigantesque et définitif coffret de 6 CDs Lunapark Métaphysique – Rocanrolorama, une rétrospective qui embrassait richement et chronologiquement toute la carrière de notre prolifique musicien et ressortait quelques inédits et introuvables de toutes les périodes. En 2017 est sorti l’abrégé du coffret pour les malheureux qui n’avaient pu se procurer l’édition limitée du plus grand gribouillage en forme de discographie pour bien s’y perdre et s’y retrouver en sourires farceurs et coquins. 

Il y a eu également le Rien illustré, livre de dessins et de collages (hors pochettes d’albums) fin 2019 – début 2020, agrémenté d’un CD de 25 morceaux connus mais dont la version live était le plus souvent inédite.

Et puis en 2020, annus horribilis pour la musique et les musiciens qui aiment les concerts et leurs publics, a enfin sonné le grand  réveil de ce discret endormi en trois parties dont deux collaborations : Larme Secrète en mai avec Marc HURTADO (ÉTANT DONNÉS) aux voix et sons, chantant ses poèmes chez Klang Galerie (les vocaux sont rares chez COMELADE) et Le Plan de Paris en décembre chez Staubgold en vinyle uniquement avec Richard PINHAS (vieux compère depuis maintenant plus de 46 ans que certains surnomment malicieusement RIP) et surtout, et enfin et pour notre plus grand bonheur, Le Cut Up populaire (version augmentée !) paru cet automne sur le label Because, havre et port d’attache qui accueille Pascal COMELADE depuis de nombreuses années désormais.

Vingt-huit titres comme autant de carats d’un diamant à facettes élaborés patiemment depuis trois ans, car Pascal COMELADE a sollicité beaucoup d’intervenants (batteurs et guitaristes) pour chacun des morceaux et trouvé pour chacune des pistes l’environnement idéal et non répété, concis et ouvert soient les formules idéales du cut-up comeladien formes courtes et appropriations décalées des standards de la musique, des musiques du XXe siècle.

Ses riffifis (riffs répétitifs mais pas forcément hypnotiques) sont tout le contraire d’une musique insipide, rassurante, prévisible et terne. Ici, chaque morceau, qu’on peut tout à fait détacher des autres, mais qui fait pourtant partie d’un lien fort dans l’ensemble, est à la fois un hommage de par le titre et la musique et une avancée dans l’univers de COMELADE. Pas de surcharge, même si la surenchère de références pas toujours évidentes à trouver ou à redécouvrir (Raymond ROUSSEL, ARTAUD, BORONALI et son âne peintre scandaleux) aide à poser le décor et le cadre. Pas de copié/collé facile pour les hommages également à Steve REICH, à Chuck BERRY, CAPTAIN BEEFHEART et à Pascal COMELADE lui-même d’hier et d’avant hier !!

Les morceaux « sans invités » – les 4, 5, 8, 9 et 10 – sont des chefs-d’œuvre et un vrai bonheur de l’homme tout seul au milieu de ses instruments.  Ces collages/cut-up  musicaux permettent de passer du mélancolique au burlesque du facétieux appliqué à l’iconoclaste toujours cadré et mélodieux. Pascal COMELADE laisse ici la place à toutes ses « guest-stars » (sans se faire voler la vedette comme il a l’habitude) en les laissant entrer généreusement et de façon complice dans son (ses) univers.

Il est indiqué sobrement sur la pochette intérieure du CD que Pascal COMELADE est « aux instruments », c’est-à-dire tous sauf guitares trompettes et batterie, c’est son disque (il en est le producteur) et il nous montre ce qu’il sait faire en alternant les morceaux rapides et les morceaux plus lents, les invités, les genres musicaux et ceux qu’il a inventés et répertoriés (de festival de rue à musiques catalanes débridées en passant par les valses et les « réverb planantes » de ses débuts). Il est maître à bord et ce tout petit disque (pour le format) de 68’31 minutes, fidèle à tous les critères comeladiens, véritable « cult up » de « musique par correspondance » d’avec les musiciens convoqués comme l’indique notre musicien qui explique également que « chacun des morceaux a été travaillé en superposant des lignes rythmiques et mélodiques jusqu’à ce qu’une amorce de mélodie dominante vienne moins clôturer qu’ouvrir l’ensemble ».

Le Cut Up populaire (version augmentée) est un beau travail d’orfèvre organisant par le chaos toujours debout, cultivé et populaire, la quintessence du travail comeladien ; bravo et respect à l’artiste et puis … quelqu’un saurait-il précisément à combien s’élèvent les instruments qu’a joués Pascal COMELADE  (et qu’il a enregistrés) depuis 1974 ? Il faudrait trouver une encyclopédie des instruments (du monde entier) et raturer au fur et à mesure ceux que Pascal COMELADE s’est approprié et a utilisés et voir s’il en reste au bout du compte ; et si ceux qui restent n’ont pas été utilisés tout de même sous d’autres noms ou trafiqués par celui que Vic CHESTNUTT qualifiait de « meilleur musicien du monde, parvenant à marier à merveille la musique populaire et sa propre sensibilité, ses désirs de musicien ».

Xavier Béal

Site : https://www.facebook.com/comelade/

 

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