Peter BAUMANN – Machines of Desire
(Bureau B)
Pour les fans de TANGERINE DREAM, cette année aura permis de redécouvrir le travail de Peter BAUMANN, membre légendaire du trio jusqu’en 1977, musicien solo (quatre albums entre 1976 et 1983 plus une cassette promotionnelle intitulée Blue Room avec Paul HASLINGER et John BAXTER dans les années 1990) et producteur notamment de CLUSTER, ROEDELIUS, Asmus TIETCHENS, Conrad SCHNITZLER dans son légendaire studio Paragon.
Il va par la suite abandonner sa carrière de musicien pour se consacrer totalement à son label Private Music qui sortira notamment des albums de TANGERINE DREAM (comme Optical Race, Lily on the Beach, Melrose) mais aussi d’artistes comme Patrick O’HEARN ou YANI… et ce jusqu’en 1996, date du rachat du label. Depuis, silence radio de la part de Peter BAUMANN jusqu’à la nouvelle d’une éventuelle collaboration avec Edgar FROESE. Ils se sont rencontrés en Autriche en janvier 2015, peu de temps hélas avant la disparition de FROESE. Nous attendions aussi beaucoup de sa réintégration au sein de TD pour l’album Quantum Gate qui n’est toujours pas sorti. Mais cette aventure qui ouvrait des perspectives intéressantes pour TANGERINE DREAM fut assez courte. En effet, il semblerait que sa méthode de travail ne correspondait pas à celle des deux autres membres Ulrich SCHNAUSS et Thorsten QUAESCHNING.
Donc, comme nous venons de le dire, l’année 2016 est l’année des retrouvailles entre BAUMANN et ses fans ! En plus de la réédition de ses deux premiers albums (Romance 76 et Trans Harmonic Nights datant respectivement de 1976 et 1979) sur deux labels différents, d’abord Cherry Red Records il y a quelques mois, et Bureau B le 18 novembre prochain, Peter BAUMANN a enregistré un nouveau disque intitulé Machines of Desire, qui est sorti sur Bureau B le 20 mai dernier.
Nées de son envie de redevenir créatif et d’expérimenter de nouveau après de longues années d’absence, ces huit nouvelles compositions enregistrées, mixées et produites par Peter à San Francisco, marquent son retour dans le domaine de l’électronique. Le son est caractéristique des productions actuelles et étrangement, lors de la première écoute, nous arrivons à regretter le son d’antan de l’âge analogique et cette atmosphère si particulière qui se dégageaient de ses premiers disques rappelant ceux de TD. Le son trop parfait, le travail de production peuvent déplaire au point de faire perdre à cet album un peu de sa magie et de son âme. Parfois, nous avons même l’impression d’embarquer dans une sorte d’électronica froide assez quelconque.
Machines of Desire peut ne pas séduire immédiatement et il faut beaucoup de patience, de témérité pour comprendre et pour finalement apprécier ce disque qui propose une musique électronique résolument moderne, ancrée dans son époque, mais possédant tout de même des réminiscences mélodiques du passé de Peter BAUMANN.
Ce dernier reste aujourd’hui un explorateur, un créateur de sons, d’atmosphères, de fines textures et de mélodies. Cet album est parsemé de contrastes soniques sombres, lumineux voire sacrés. Son approche, riche de détails, s’avère accessible et mélodique, mais également abstraite et légèrement expérimentale.
Malgré tout, bien que nous prenons plaisir à l’écouter, cette plongée dans cette électronica aux qualités certaines présente aussi quelques défauts. Nous découvrons des compositions bien fades avec Valley of the Gods ou Echoes in the Cave ; elles n’apportent vraiment pas grand-chose de nouveau, au point de trouver le temps long.
Heureusement, l’album contient de nombreux moments plus inspirés : se dévoilent ainsi des atmosphères sombres et mystérieuses quasi-spirituelles sur The Blue Dream, le titre d’ouverture très riche mélodiquement (et qui fait penser un peu à du Patrice MOULLET avec l’album Nyctalope) ou sur le plus inquiétant Searching in Vain semblant s’échapper de Sorcerer, avec cette mélodie synthétique très TD, ses ambiances répétitives obscures et ses étranges « sons de flûtes ».
La justesse profonde d’un Ordinary Wonder avec cette émouvante mélodie simple et mélancolique, permet de retrouver le Peter BAUMANN que nous affectionnons tant. Il reste un réel mélodiste hors du temps.
Crossing the Abyss commence avec une intro vraiment abstraite et étrange comme au temps des premières expérimentations du DREAM puis subit un revirement beaucoup plus rythmé et dansant, très électro à la NEW ORDER, avec l’ajout supplémentaire d’ambiances orientales. Ici, nous avons une musique résolument vivante qui s’ouvre véritablement vers le monde !!! Autre pièce favorite, Dancing in the Dark nous interpelle avec sa mélodie évanescente et mélancolique soutenue par un rythme robotique, lourd, très prenant.
L’album se termine avec le très sombre et atmosphérique Dust to Dust, qui a lui seul résume bien l’univers de Peter BAUMANN. Il y a cette musique électronique et ses sonorités abstraites, ses boucles à la TD, ses percussions machiniques et ces sons dissonants rappelant les intenses soli de guitare d’Edgar FROESE que ce dernier livrait sur scène à la grande époque. La présence au début et à la fin de voix graves comme sortis d’un chant grégorien, apporte une dimension sacrée au morceau qui apparaît comme une sorte d’élégie électronique émouvante à son collègue.
Cet album plaira certainement aux amateurs de musique électronique allemande et aux fans de TANGERINE DREAM.. Peter BAUMANN crée l’événement en revenant avec un album plutôt réussi (en tous cas, de bien meilleure facture que la new wave naïve proposée par Repeat Repeat en 1981) et que nous aimons réécouter sans se lasser… Même si sur le plan atmosphérique, il faut avouer que Machines of Desire n’égale pas ses deux premiers disques.
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