Peter FROHMADER – Eismeer
(Gazul / Musea)
Né à Munich en 1958, Peter FROHMADER est un de ces musiciens très productifs dont la longue discographie débute au milieu des années 1970. Son premier album, Nekropolis – Musik aus dem Schattenreich en 1978, est même un classique de musique dite gothique. Considéré d’ailleurs comme le pionnier dans ce genre, il a influencé bon nombre de groupes. On se souvient aussi de sa collaboration avec Richard PINHAS en 1999 (Fossil Culture).
Tout au long de sa carrière, son approche musicale tend à se diversifier : musiques de films, symphonies pour basse, ou musique ambiante, avec des inspirations de MAGMA et de CAN. Eismeer (« La Mer de glace ») ne semble pas déroger à la règle. À la première impression, nous sommes déconcertés par cette succession d’ambiances et de sons divers. Différentes pièces sont collées à la manière d’un puzzle, arrivant à créer un ensemble cohérent. Les deux titres principaux, Eismeer (37’10) et Orchestral Crossover (24’14), sont des mosaïques sonores plutôt réussies, que nous pouvons qualifier de « symphonies électroniques ».
Avec Eismeer (Symphonic Poem), comprenant des extraits d’Edgar Allan POE lus par Jürgen JUNG, nous sommes hypnotisés par cet univers musical teinté de symphonisme, de mystère et marqué par une atmosphère obscure, angoissante. Cela rappelle quelquefois la musique de Klaus DOLDINGER pour le célèbre film de Wolfgang PETERSEN, Das Boot. Nous imaginons cette mer de glace au paysage désolé, froid et lumineux, avec dans l’idée de ne pas en revenir.
Funèbre, dont la durée est nettement plus courte (3’41), continue dans un style très sombre, telle une procession religieuse, avec ces tintements de cloche, tout droit sortis d’une église perdue au milieu d’un paysage cotonneux.
Nous sommes attirés par ce disque, mais nous pouvons aussi nous y perdre, à cause de la longueur des compositions. Un tel disque nécessite de l’auditeur une certaine attention, un peu comme avec Klaus SCHULZE ; soit nous aimons, soit nous sommes exaspérés par ces longs développements qui peuvent donner une impression d’essoufflement. Peter FROHMADER a réussi à créer toutes sortes d’émotions, quelles soient positives ou négatives.
La seule faille de ce CD, apparaissant surtout sur le dernier morceau, Orchestral Crossover, est l’utilisation de sons technos éparpillés ici et là, tout au long des 24 minutes. Ces rythmes électroniques techno énervent et gâchent l’ambiance gothique de cette pièce, qui aurait pu être aussi imposante qu’Eismeer. C’est bien dommage, car à côté de FROHMADER, nous notons la présence de Pit HOLZAPFEL (trombones, barytons, guitare), et du chant lyrique de Brigitte WAGNER, ajoutant une touche mystérieuse (à la ART ZOYD) et unique dans la composition, qui se termine sur quelques notes d’Also Sprach Zarathustra de Richard STRAUSS.
Cet album délivre une musique à la germanité évidente qui est intimement liée au temps et aux saisons. Composé en automne 1996 jusqu’au début de l’année suivante, nous ressentons à son écoute la tristesse automnale qui se mêle au froid glacial de l’hiver. Peter FROHMADER nous entraîne dans un voyage imaginaire, quasi-mystique, au cœur de l’Humanité, en faisant ressortir des thèmes fondamentaux que sont les mélancolie, la solitude, la quête de ses origines et de l’universalité.
Cédrick Pesqué
Site : www.peterfrohmader.de
(Chronique originale publiée dans
TRAVERSES n°13 – juin 2003)