SHUB NIGGURATH – Introduction
(Soleil Zeuhl)
Vous y croyez, vous, qu’on puisse exhumer une bande d’inédits enregistrés préalablement à la publication d’un si beau disque de musique zeuhl Les Morts vont vite (1986 – Musea) ? Eh! bien, Soleil Zeuhl l’a fait ! Je dis « musique zeuhl », car la filiation est forte au point que Musea a inscrit SHUB-NIGGURATH dans sa compilation Enneade consacrée aux « enfants de la zeuhl » (1992). Sûr, la musique de SHUB NIGGURATH verse aussi dans d’autres contrées musicales qui vont de PENDERECKI à KING CRIMSON, références assumées à l’époque. On pense très fort à l’école UNIVERS ZÉRO, PRÉSENT et ART ZOYD dans leurs versions initiales (plutôt acoustiques).
En tout cas, merci à Soleil Zeuhl d’avoir pu rééditer cette Introduction, cassette démo de 1985 (et non 1982 comme indiqué malencontreusement sur la pochette), qui servait de carte de visite pour le groupe lors de ses concerts. Dommage de n’avoir pu reprendre le graphisme de monstres humanoïdes lovecraftiens qui illustraient la jaquette, en noir et blanc, et qui mettaient dans l’ambiance de la musique que nous écoutions … !
D’ailleurs, l’emballage de cette réédition est minimal dans sa conception : illustration unique de couleur rouge feu et noire quasi gothique, une photo indistincte du groupe (?), pas de texte autre que celui pour la promo du disque sur le site du label, pochette carton. Dommage. On aurait aimé un p’tit rappel historique et quelques nouvelles des membres du groupe (entre invention d’instruments pour l’un et compositions sérieuses sur des labels pointus pour l’autre, etc). Sans doute le signe d’une volonté des intéressé(e)s d’avoir tiré un trait sur ce passé ?
En tout cas, c’est une véritable aubaine de pouvoir écouter ces morceaux qui couvrent sur plus de quarante minutes des œuvres jamais entendues sur disque, à part Yog-Sothoth, qui a été repris sur le LP Les Morts vont vite.
La composition du groupe est la même que celle de leur disque Les Morts vont vite et les éléments qui font l’originalité de la musique sont là : une voix d’opéra (Ann STEWART), un trombone, tellement rare et un vrai plaisir à entendre (Véronique VERDIER), la tôle électrifiée mentionnée comme « percussion » dans les crédits mais bien présente (Franck FROMY, l’inventeur d’instruments qui joue aussi de la guitare), basse (Alain BALLAUD, décédé hélas en 1995), batterie (Franck COULAUD) et piano/harmonium (Jean Luc HERVÉ qui compose aussi) complètent l’ensemble.
La musique de SHUB NIGGURATH est une musique ombrageuse à la tension toujours prégnante. Elle privilégie le travail sur les atmosphères plutôt que la maîtrise instrumentale démonstrative. Certains morceaux peuvent être plus agressifs et d’autres ont des passages qui sortent de l’ombre pour flirter avec une lumière extatique.
Le disque démarre avec Yog-Sothoth, composition de Jean-Luc HERVÉ, dans une proto-version, donc, qui lui confère un vrai intérêt à l’écoute. Mais le véritable intérêt du disque réside dans les morceaux suivants, tous inédits. Entresol est un morceau enlevé de guitare saturée. Le trombone s’échappe du déluge sonore pour clore le morceau en une plainte que la batterie cherche à surpasser.
Dans Introduction, la voix blanche s’élève accompagnée du piano et de la batterie en percussion, en une mélopée. Je me rappelle le regard vers une lune imaginaire du batteur, sur scène, lorsque il jouait ce morceau !
Barback est le titre (si) du morceau suivant. Morceau « de choix » s’il en est, cette composition de Franck FROMY s’étend sur plus de 15’. C’est une sorte de poème zeuhlien, dont la musique qui démarre doucement, se tend vers un riff joué par le duo basse/trombone et donne l’assise pour un furieux solo de guitare. La voix reprend le thème de l’introduction avec le piano et la batterie s’affole, rejointe, bientôt, par tous les instruments vers un cri ultime.
In Mémoriam clôt l’ensemble dans une sorte de marche funèbre, à la composition millimétrée, et dont la voix tente d’extirper une lueur d’espoir. À noter le bon travail d’Udi KOOMRAN (oui, l’ingé son de PRÉSENT) dans le re-mastering de bandes qui accusent les conditions d’enregistrement de l’époque (underground !).
Si vous avez aimé Les Morts vont vite, vous retrouverez dans ce disque les éléments qui vous raviront. Si vous ne connaissez pas ce disque et que vous aimez la zeuhl tendance STRAVINSKY, courrez l’acheter sur le site de Musea et complétez votre achat chez Soleil Zeuhl de cette indispensable Introduction.
Frédéric Vion
Page label : www.soleilzeuhl.com/fr/1980-1989/shub-niggurath-2/shub-niggurath/
(Chronique originale publiée dans
TRAVERSES n°27 – décembre 2009)
NDLR : En septembre 2018, le label Soleil Zeuhl a réédité Introduction de SHUB NIGGURATH sur support vinyle blanc en tirage limité à 500 exemplaires.