SITARDUST – Sitardust
(Homerecords)
C’est l’histoire d’un luth à manche long et à cordes pincées. C’est l’histoire d’une tradition de plusieurs siècles en Inde du Nord. C’est l’histoire d’une musique classique tellement imbibée de spiritualité (plutôt que de spiritueux) qu’elle en a séduit l’Occident pop et libertaire des années 1960. C’est l’histoire d’un instrument et d’une musique qui, depuis, ont été assaisonnés à plusieurs sauces. C’est au fond l’histoire d’une tradition vivante et de la fascination qu’elle continue à engendrer à l’Ouest, quels que soient les effets de mode. En 2016, la musique indienne et son instrument emblématique, le sitar, servent encore d’étincelle à des créations musicales nomades. SITARDUST est l’une d’elles, et elle nous vient de Belgique.
Le projet a été fondé en 2012 par Joachim LACROSSE, un professeur de philosophie et un guitariste qui est tombé amoureux du sitar, s’est initié auprès de maîtres à la fois en Inde du Nord et en Inde du Sud, combinant de fait l’apprentissage des deux traditions, hindoustanie et carnatique, et s’est forgé son propre style « pèlerin », encouragé par la démarche d’un Collin WALCOTT (OREGON, CODONA).
Plutôt que d’être la musique d’une « gharana » (école) indienne aux règles de jeu strictes et indéfectibles, SITARDUST est une musique voyageuse dont le centre névralgique est, on s’en sera douté, le sitar indien, mais joué selon des techniques à la fois indiennes (les « gamaks », ou trilles à l’indienne, les « meend », ou glissements d’une note à l’autre) et guitaristiques. C’est donc l’histoire d’un sitar voyageur que raconte le disque de SITARDUST, l’histoire de ses rencontres à partir de Varanasi, celles avec les traditions musicales du Nord et du Sud, et celles avec d’autres musiciens solistes belges, issus du jazz comme du pop-rock, qui viennent gonfler les rangs de SITARDUST.
Autour des méandres sitaristiques enjôleurs de Joachim LACROSSE, le percussionniste Carlo STRAZZANTE déploie une éloquente panoplie de peaux frappées provenant de divers coins du monde : bendir, udu, tambourin, bongo, cymbalettes, ghungroo, nacchere et tablas (oui, quand même !) diffusent leurs parfums le long des neuf compositions (huit en fait, vu qu’il y en a une sans percussions). Plus typés musique carnatique, le mridangam et le kanjira de BC MANJUNATH s’intègrent également au paysage, de même que les ébouriffantes jongleries de percussions syllabiques (konnakol).
Au cours de leurs pérégrinations, LACROSSE et STRAZZANTE croisent le violon acoustique de Renaud CROLS, ou encore celui de Catherine GRAINDORGE, qui a la particularité d’imprimer des effets originaux ajoutant un sentiment d’étrangeté aux climats dessinés. Un violoncelle (Charlotte DANIER) est aussi de la partie sur deux pièces, de même qu’un saxophone soprano (Frédéric BECKER).
SITARDUST bénéficie également de la polyvalence instrumentale de Grégoire TIRTIAUX, qui brouille davantage les pistes culturelles en alternant guembri, morsing et saxophones alto et baryton. L’expédition aurait pu être exclusivement instrumentale ; elle ne l’est pas puisque le chant de Raphaëlle BROCHET vient illuminer le chemin de temps à autres.
Tous les compagnons de route de Joachim LACROSSE parviennent à s’immiscer dans les complexes tala indiens et dans les non moins tortueuses mélodies de raga et à y creuser leur espace d’expression, ajoutant ainsi une consistance supplémentaire à cette « poussière de sitar » que LACROSSE distille avec un goût et un art consommés.
La musique de SITARDUST ne s’inscrit pas strictement dans le cadre du raga indien (un titre le spécifie non sans humour : This is Not Rag Yaman), mais elle en exhale les différents sentiments de douce mélancolie, de joie inconditionnelle, de sérénité profonde, de ferveur enthousiaste. De l’Inde à la Belgique, la route est sinueuse, gondolée, mais Joachim LACROSSE et ses camarades savent la rendre vibrante et profuse en arabesques suaves et en broderies moelleuses.
Stéphane Fougère
Site : www.sitardust.com
Label : https://www.homerecords.be/