Sous le Soleil Zeuhl exactement – AKT I : le label

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Sous le Soleil Zeuhl exactement – AKT I : le label

[Soleil Zeuhl est un label français créé par Alain LEBON qui, dans les années 2000-2010, a occupé une place importante dans l’univers du rock progressif en général et celui du Rock in Opposition en particulier, puisqu’il assume jusque dans son nom, le développement de la musique Zeuhl, descendance musicale directe du groupe MAGMA. À l’occasion de la tenue du second Festival Soleil Zeuhl prévu début mars 2024 à Paris, RYTHMES CROISÉS vous propose de revenir sur deux moments-clés de l’histoire de Soleil Zeuhl, à partir d’articles parus à l’origine dans la revue TRAVERSES. Dans cette première partie, nous republions un entretien avec Alain LEBON daté de 2009, et dans lequel fait le bilan des dix premières années de son label, et des productions discographiques qu’il a réalisées. Des chroniques de disques parues sur le label à la même époque complète cet entretien.]

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Créé en 1998, Soleil Zeuhl continue d’élargir son catalogue et, après une période de silence relatif, semble même avoir accéléré son rythme de parutions, malgré les difficultés de diffusion et de promotion qui touchent ce genre de « petite entreprise », a fortiori à une époque où le disque devient de plus en plus un objet de consommation boudé.

À l’heure où le label fête ses dix ans d’existence, TRAVERSES/RYTHMES CROISÉS est allé interroger son créateur Alain LEBON, présent au festival Rock in Opposition 2009. Le stand du label y a connu une bonne fréquentation et sa présence au sein du festival est l’occasion de contacts entre les amateurs discophiles du genre et ce passionné avide d’échanges.

Entretien avec Alain LEBON, fondateur de Soleil Zeuhl
(20 septembre 2009)

On fête cette année les 10 ans du label SOLEIL ZEUHL. Quelle l’histoire de sa création ? Quel bilan tires-tu de ces 10 années ?

Alain LEBON : Historiquement, c’est la sortie de la réédition de ARCHAIA à Noël 1998, mis en vente en janvier 1999 qui a inauguré le label qui fête donc son 10e anniversaire cette année.

J’ai créé le label parce que j’avais un peu de temps et que, simple amateur de musique parmi tant d’autres, j’étais frustré de constater que ce que je voulais voir sortir en CD ne se faisait pas. Je voyais bien à l’époque que MUSEA n’était pas parti pour le faire. Et puis, quand on est fan de musique, qu’on achète des disques depuis 30 ans, on rêve de voir son nom sur une pochette de disque, c’est aussi bête que ça.

Alors j’ai réfléchi pendant environ deux ans, étudié comment on fait un disque sur le plan technique, quels artistes produire, comment s’organiser juridiquement, etc. Puis je me suis lancé en produisant ARCHAÏA sans savoir où j’allais. L’idée de base c’est que je maîtrisais les circuits de distribution alternatifs, par correspondance – principalement à l’étranger – ceci en tant que client. Je me suis dit que le tissu de contacts que j’avais pour l’achat, je pourrais l’utiliser dans le sens de la vente. Après, ça marcherait ou ça ne marcherait pas… J’ai mis un peu d’argent dans le label et l’aventure a débuté de façon complètement artisanale.

Et 10 ans après on en parle encore !

AL : Oui on est toujours là, mais il y a eu des hauts et des bas. Au début, il y a plutôt des hauts. Jusqu’en 2002, la période était plus favorable pour la vente de disques. J’ai rencontré rapidement un écho favorable.

Ensuite, j’ai voulu diversifier la musique du label, ne pas faire que de la Zeuhl, aller vers le progressif, vers le RIO en produisant OLIVE MESS ou encore MIX CITY dans un rayon plus jazz, plus groove. Même, dans une certaine mesure François THOLLOT, avec l’album Contact qui est un peu à la croisée des chemins. Là, ça a été plus dur. Je me suis aperçu que les gens ne suivaient pas sur ces productions qui, pour moi, étaient d’excellent niveau mais n’étaient pas complètement identifiables au label. Je me suis senti coincé et déçu de c,e manque d‘éclectisme du public et du poids de cette étiquette. En même temps, j’en suis responsable car quand on appelle un label Soleil Zeuhl on ne peut pas prétendre faire un disque de tango !

C’est comme cela qu’on a vu apparaître ces productions sous d’autres appellations du label Soleil, Soleil de Gaia, Soleil Groove.

AL : Bien sûr. Je ne pouvais pas laisser faire croire aux gens que ces musiques pouvaient qualifiées de Zeuhl en laissant cette dénomination sur les CD. Et puis un peu après le marché du disque est entré sévèrement en crise. Au départ, je ne me suis pas senti concerné car le label est sur une petite niche de passionnés ultra ciblés. J’avais tort, car en l’espace de trois/quatre ans les ventes ont été quasiment divisées par deux. Ce fut assez déprimant. Heureusement que le festival RIO 2007 a eu lieu, avec un stand pour le label, car ce sont les contacts avec les acheteurs qui m’ont permis à ce moment là d’y croire à nouveau.

Combien d’exemplaires sors-tu de chaque disque ?

AL : C’est variable. Le plus gros, c’est MIX CITY qui est sorti à 2500 exemplaires. Le plus petit, c’est le deuxième AMYGDALA à 500 exemplaires. La norme est à 1000. Au début, un disque était vendu à environ 700 exemplaires dans les deux ans qui suivaient sa sortie. Aujourd’hui, on tourne à environ 400 sur la même période, un peu plus de 500 si c’est une réédition.

Peut-être est-ce dû au fait que les premières productions étaient des rééditions ?

AL : Oui sans doute, quoique RIALZU qui est sorti en 2008 s’avère aussi concerné par cette désaffection.

Il y a d’ailleurs une source de déception dans le constat que le public est principalement en recherche de rééditions et se préoccupe moins des nouveaux groupes. Même pour ONE SHOT dont j’ai sorti Vendredi 13 en 2001, groupe comptant pourtant trois musiciens de MAGMA et non des moindres, cela n’a pas été facile alors que le risque était théoriquement faible, vu le pedigree !

Aujourd’hui, ça va toutefois mieux pour eux et tant mieux. Je trouve que le public n’est pas assez curieux. Pourtant, en matière de Zeuhl, il n’y a pas beaucoup de productions, l’amateur a 4 ou 5 disques à acheter chaque année, guère plus.

Le label est-il en péril, dans ces conditions ?

AL : Non, car aujourd’hui le label dispose d’un catalogue comportant une vingtaine de titres. Même si dorénavant une nouveauté met plus longtemps à s’amortir, sa sortie entraîne des ventes pour les autres références, ce qui permet de rétablir un équilibre financier. Évidemment, si ce phénomène devait s’arrêter le label serait fini au bout de quelques disques.

Soleil Zeuhl, c’est toi seul ou est-ce une équipe ?

AL : Au départ, Soleil Zeuhl était une aventure purement solitaire. Depuis, il y a eu des rencontres, qui sont devenus des amis. Udi KOOMRAN qui fait le son des CD, Thierry MOREAU qui fait les pochettes de disques et nous a sortis, ma femme et moi, de l’enfer des pochettes ! J’échange sur l’aspect artistique avec Alain JULIAC. Le label n’est pas encore à proprement parler une équipe mais je suis plus entouré qu’au départ. Je suis ouvert à ce que cela devienne plus collégial.

Comment as-tu pu rééditer des disques confidentiels comme ARCHAIA, DUN, ESKATON, etc ?

AL : Il y a d’abord une phase de recherche, il faut retrouver les musiciens. Le cas le plus basique c’est de rechercher sur l’annuaire le nom des musiciens qui sont notés sur la pochette du vinyle. Si on échoue, c’est un travail de limier qui commence, toujours à partir des indications de la pochette. Le plus dur a été RIALZU, où aucun nom n’était noté. J’ai été aidé par la Discographie alphabétique du rock français de Bernard GUEFFIER et Francis GROSSE qui mentionnait des noms et le studio qui existe encore.

La deuxième étape, la plus dure curieusement, c’est de motiver les musiciens : avoir leur autorisation, localiser les bandes, rechercher les autres membres du groupe, etc. La plupart du temps, ils ne sont plus motivés par ce qu’ils ont produit il y a 30 ans. Ils étaient jeunes, bricolos, ça n’a pas marché et ils ont oublié. Or, tous sans exception, lorsqu’ils réécoutent dans le studio, disent : « c’était bien ce qu’on faisait ! ». Ils étaient restés sur l’échec commercial. Au départ ils sont surpris qu’il puisse y avoir des gens qui se souviennent et encore plus qu’une réédition de leur œuvre trouve un public aujourd’hui !

Et ils ont les masters ?

AL : En principe oui, mais si ce n’est pas le cas on peut graver à partir d’un vinyle. On fait aujourd’hui des choses fantastiques ainsi, mais le travail de studio est plus long, donc plus cher. Pour les bonus, ce sont les archives des musiciens, mais qui sont de qualité très variables.

Techniquement, comment ça se passe avec Udi KOOMRAN, qui habite en Israël ?

AL : On lui envoie les bandes masters sous format CD ou DVD. Il fait différentes propositions de mastering via des sites de partage de fichiers. On écoute ses propositions, on fait des commentaires et ça se termine classiquement avec les masters qui arrivent dans une enveloppe. Il a une super oreille musicale, il aime cette musique, c’est un plaisir de travailler avec lui.

C’est pour Introduction de SHUB-NIGGURATH, qu’il a fait le plus de propositions. C’est Frank FROMY, le guitariste du groupe, qui a une très bonne oreille aussi qui a finalement choisi la version qu’il aimait le plus, celle avec le plus de fréquences basses – qui met en exergue le côté « terrien » de SN.

Tout cela, c’est le passé. Pour les groupes actuels (SETNA, AMYGDALA…), comment ça se passe ?

AL : C’est plus facile. Je reçois 7 à 8 démos par an et jusqu’à maintenant j’en ai sélectionné deux qui m’ont plu : François THOLLOT et AMYGDALA. L’autre manière, c’est quelqu’un qui me parle d’un groupe. Ce fut le cas pour NEOM que j’ai ensuite découvert sur leur myspace. Je leur ai demandé s’ils étaient prêts, s’ils avaient du matériel à enregistrer.

Comment définirais-tu la Zeuhl ? PIENZA ETHNORCHESTRA et BBI, ce n’est pas la même chose que ESKATON ou ARCHAIA, par exemple.

AL : C’est vrai. Le point commun c’est peut être une grosse basse, quelques sonorités vocales, un Fender obsédant, sans que toutes ces caractéristiques soient forcément réunies. En fait, c’est surtout dans le ressenti, verbaliser une définition de la Zeuhl me pose problème. J’ai bien à l’esprit le nom du label et je ne veux pas mettre l’auditeur en erreur, mais tout en conservant l’idée d’une certaine ouverture car si l’on devait être puriste, pour produire Zeuhl, il faudrait publier MAGMA et c’est presque tout ! Rétrospectivement, le label a été aidé par cette catégorisation et cela a permis de passer ces dix ans.

Puisqu’on parle de MAGMA, quelle est l’histoire de HÜR ?

AL : L’idée de départ est d’Alain JULIAC qui voulait donner une suite à HAMTAI et s’est tourné vers moi. Je ne suis personnellement pas très porté sur les compilations. En plus, il s’agissait d’un double album et ça coûte cher à produire – comme pour le public à acheter. Alain est capable de soulever des montagnes, et je me suis trouvé progressivement impliqué. C’est une sorte de carte de visite pour le label, l’année de ses 10 ans et l’année des 40 ans de MAGMA. Le label avait les moyens de le faire, Alain avait une liste de musiciens et moi aussi. Je suis très fier d’avoir permis la présence de Simon STEENSLAND qui a fait un des plus beaux titres de l’album.

Ce disque pose toutefois le problème de la distribution, car on le trouve difficilement en magasin et les distributeurs ont des difficultés financières. C’est un cercle vicieux, car moins on trouve de disques en magasin moins on y va ! À cause de la déficience de la distribution le disque sera durablement déficitaire. Heureusement l’export, que j’ai voulu contrôler sans le confier au distributeur, s’est passé normalement.

Y aura-t-il des rééditions des disques maintenant épuisés, POTEMKINE, ARCHAIA, ESKATON… ?

AL : ESKATON, Ardeur, je pense que oui, car on va sortir 4 Visions en fin d’année. Donc, si j’ai de la demande j’envisage de represser Ardeur plus tard. Sur 4 Visions, il y aura probablement un bonus issu du disque non publié Icare. Il ne s’agit pas de l’intégralité de l’album, car une partie est déjà en bonus sur la réédition de Fiction. L’autre partie (3 morceaux) ne correspond pas, à mon avis, à l’ESKATON qu’on connaît – morceaux plus pop-rock, décalés par rapport à leur image et aussi à celle du label.

POTEMKINE, Triton, ne sera pas réédité, car les 70 derniers exemplaires ont mis trois ans à être vendus. Sortir 300 disques pour les vendre au compte gouttes n’est pas intéressant, car cela mobilise des fonds au détriment des nouveautés. Quant à Nicolas II, il est toujours disponible. ARCHAIA sera peut-être ressorti, à l’occasion de la publication d’un autre disque, pour essayer de générer un effet d’entraînement.

Mais, j’insiste : achetez les nouveautés, pas seulement les rééditions ! C’est une musique qui ne demande qu’à vivre. Je comprends l’intérêt de vouloir écouter des enregistrements 70’s patinés par le temps et référencés dans les encyclopédies mais si l’on veut que cette musique survive (elle est en grand danger !), il faut acheter ce qui se fait de nouveau, soutenir la création d’aujourd’hui.

Propos recueillis par : Frédéric Vion
Photos 1, 2 : Florence Chisin – Photo 3 (2007) : Sylvie Hamon

Productions discographiques parues sur Soleil Zeuhl en 2008/2009

BBI – Bbi
(Soleil Zeuhl 15)

BBI, un nom pas forcément significatif au premier abord. Il faut aller plus loin pour comprendre qu’il s’agit des initiales de messieurs BUIRE, BUISSONNET et IMPERATO. Et là, on saute dessus car le trio apporte une promesse alléchante vu que les trois en question ont un beau parcours séparé : MAGMA (BUISSONNET à la basse), OFFERING (BUIRE à la batterie) et XAAL (IMPERATO à la guitare). Plus curieux est le fait que c’est enregistrement paru l’année dernière, date en fait de 1996. Il s’agit donc de rattraper l’enregistrement d’un « groupe » préfigurant le futur ONE SHOT.

À l’oreille, la musique s’avère éloignée de la zeuhl mais cousine avec une sorte de jazz crimsonien servi par un trio forcément « power ». La guitare est omniprésente, servie par une base rythmique impressionnante de cohésion. Les compositions sont partagées entre Laurent IMPERATO et Philippe BUISSONNET. Mais peut-on vraiment parler de compositions ? Tout au long du disque, il se dégage une impression de liberté des trois musiciens qui semblent avoir du plaisir à jouer ensemble. On a l’impression qu’ils ont appuyé sur la touche « rec » de leur enregistreur et c’est parti ! Ils oublient hélas parfois l’auditeur qui peut trouver le temps long sur certaines parties.

Ça démarre fort avec la guitare qui nous semble nous interpeller d’un riff aigu et la vitesse est prise jusqu’à la fin des 40‘ du disque. Quelques respirations apparaissent dans des morceaux qui peuvent devenir groovy (Riff Fantom) ou franchement jazzy (Charlie…). Il aurait fallu un peu plus de place à la basse et la batterie dont on sait que les intéressés sont capables de magie avec leur instrument.

Dans l’ensemble, voici un jazz-fusion nerveux aux riffs rageurs qui permettent des solos de guitare presque métalleux. Quelques moments speedés nous emmènent franchement dans la danse (la fin de La Main du diable par exemple). Voici une forme de rattrapage pour ceux qui suivent le genre. Mention spéciale à Udi KOOMRAN qui a remasterisé le son sans les masters.

Frédéric Vion

RIALZU – U Rigiru
(Soleil Zeuhl 16)

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SETNA – Cycle 1
(Soleil Zeuhl 17)

La zeuhl, son incommensurable volcanicité rythmique, son insondable noirceur… C’est le genre de description qui fait bien dans les plaquettes parce que susceptible d’ameuter toute une armée de fans avides de musiques dont l’extrémisme se mesure à son haut degré de technicité impétueuse et à son outrance sonore incontrôlable. C’est ce que certains groupes étiquetés zeuhl (japonais notamment) ont retenu de cette musique et c’est sous cette forme qu’ils l’ont fait perdurer. Il ne faudrait pourtant pas oublier qu’en France la vague zeuhl post-magmaïenne a développé une autre approche, moins tape-à-l’oreille. Et, à l’heure où l’on croyait justement ne plus trouver trace de descendance zeuhlienne sur l’Hexagone, voici qu’est apparu SETNA.

Remarqué lors de son passage en 2005 au festival Les Tritonales, qui n’a jamais caché son appétence pour les expressions d’inspiration zeuhl et canterburyenne, ce groupe de Rouen n’avait plus donné signe de vie, ce qui ne signifiait nullement qu’il l’avait perdue. Au contraire, il s’est donné tout le temps nécessaire, via quelques modifications de personnel, pour peaufiner sa première trace discographique, étape cruciale s’il en est. En tout cas, SETNA n’a manifestement pas souhaité que ce premier pas en soit un faux, ni un de travers. L’héritage était lourd, la production déjà fort abondante, l’émulation très serrée… mais la surenchère n’a pas intéressé SETNA. Ce qui lui importait était d’affirmer sa vision musicale, qui ne fait ni dans le tapage profus, ni dans les dépassements de vitesse.

Tout commence par quelque notes ouatées de Fender Rhodes, auxquelles s’ajoutent… d’autres notes de Fender Rhodes, comme au bon vieux temps de Könhtarkösz, sauf qu’ici le propos est moins heurté, moins saillant, plus en demi-teintes et en demi-mesures, comme pour évoquer un halo embrumé au sein duquel dansent l’ombre et la lumière. Chez SETNA, ce sont donc les claviers électriques qui dominent les débats ; il y a deux Fender Rhodes (Florent GAC, Nicolas GOULAY), parfois même trois (Benoît BUGEÏA en invité), et même un minimoog.

Il y a aussi un saxophone soprano (Guillaume LAURENT), au registre plaintif et parfois chaotique, une basse au timbre saturé, une batterie qui mesure ses effets et dont les cymbales ont le chant souple (Nicolas CANDÉ), quelques percussions occasionnelles (Yves Marie DIEN) et… une voix féminine évanescente (Natacha JOUËT), parfois doublée d’une seconde (Mathilde MAISSE), qui s’exprime dans un sabir non localisé sur Terre (sur Kobaïa non plus, du reste). Qu’importe puisqu’on aura compris que c’est la musicalité du chant qui importe plus que son sens littéraire. Pareille panoplie ne trompe pas : on est bien sous filiation magmaïenne. L’influence softmachinienne rôde (« rhodes » ?) aussi sans nul doute.

Mais à partir de cet encadrement instrumental très typé, le sextet rouennais a su tisser une singulière ouvrage et a conçu son disque inaugural comme un tout indivisible doté d’une progression logique. Cycle 1 déroule une suite de pièces, composées par Nicolas CANDÉ, le batteur du groupe (tiens, tiens…), qui exposent un cheminement initiatique, comme l’explique le sous-titre From Darkness to Consciousness (De l’obscurité à la conscience éveillée).

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Aux effluves mélancoliques des premiers chapitres répondent en fin de course des pulsions plus éclatantes et lumineuses, lesquelles culminent dans Unité, qui clôture le parcours. C’est aussi sur ce morceau que s’exprime pour la première fois une guitare électrique, celle de James Mc GAW (ONE SHOT, PIENZA, SNAKE OIL, MAGMA) pour ne rien gâcher. Où l’on voit que si la musique de SETNA se passait fort bien de guitare jusqu’ici, sa présence au moins ponctuelle n’est aucunement un crime esthétique.

Toujours est-il que SETNA n’a rien laissé au hasard pour peaufiner son esthétique, et même son éthique. Aux incandescences rythmiques prônées par certains combos, SETNA privilégie les flottaisons, les tensions languides. Aux cernes vigoureux, il préfère les traits précis mais feutrés, pour ainsi dire calligraphiques. Plutôt que les déferlements superfétatoires de notes et les enjolivures acrobatiques, SETNA opte pour les notes justes, celles qui n’ont pas besoin de parler tout haut pour montrer qu’elles respirent et qui savent faire parler le silence. Aux développements hachés et furieux se substituent ici des expansions fluides et nuancées, et les montées en puissance sont plutôt traitées comme des escalades graduelles, qui se réservent toutefois le droit à la contenance, car il ne saurait être question d’aboutir à des explosions débraillées, ce n’est pas le genre de la maison.

On parle ici le langage des suspensions cosmiques, des ondées stellaires, ce qui n’empêche nullement les heurts de météorites passagers, les crispations planétaires vindicatives, les tangages psychiques et galactiques, ce que retranscrit aussi la musique de SETNA, car la mystique n’est pas qu’un long fleuve tranquille, et toute voie spirituelle a ses douleurs.

Stéphane Fougère

AMYGDALA – Complex Combat
(Soleil Zeuhl 18)

Revoilà Yoshiyuki NAKAJIMA et sa zeuhl faite à la maison. Nous vous avions dit le plus grand bien que nous pensions de son premier album réalisé avec le guitariste Yoshihiro YAMAJI (du groupe TYRANT, inconnu) sous le nom d’AMYGDALA. Il y avait dans ce disque une prouesse artistique (compositions ambitieuses, sinueuses et denses) et technique (allez faire de la zeuhl réussie avec des boîtes à rythmes !).

Nous imaginions ce que pourrait donner cette musique avec un vrai quartet. C’est presque fait avec ce second opus puisque les programmations de rythmes ont fait place à un vrai batteur, et pas n’importe lequel : Daniel JEAND’HEUR, celui de ONE SHOT. Un invité au synthé solo (Kenichi OGUCHI joue plus vite que son ombre !) sur deux morceaux répond à nos vœux d’un vrai quartet !

Côté musique, Complex Combat poursuit les traces de son prédécesseur avec des compositions très travaillées, complexes, sans instant de répit, imaginatives dans les phrases comme dans les arrangements. L’atmosphère est moins sombre que dans le premier disque (un synthé/orgue au son suranné est présent dans chaque morceau et contribue à ce côté optimiste). Les phrases répétitives ne mènent pas à une transe infernale comme dans PRÉSENT mais il y plane toujours l’impression qu’il pourrait y avoir un loup dans la bergerie …

Contrairement à RUINS dont la musique explose dans tous les coins à chaque seconde, laissant peut de répit à l’auditeur, la musique d’AMYGDALA se construit au fil du temps qu’elle prend et ce, malgré des événements sonores qui apparaissent à chaque instant.

Daniel JEAND’HEUR insuffle aux arrangements une grâce et une imagination qui sert cette musique aux innombrables variations et paysages : jeu sur les cymbales et sur les toms. Même en assise rythmique, la multiplicité et l’inventivité de son jeu s’insèrent parfaitement dans les compositions.

J’aime particulièrement le dernier morceau de l’album, Logos, qui démarre comme une armée d’araignées (ben oui, amygdala…) qui court son chemin où la guitare submerge de sa saturation malsaine un orgue qui tente de s’en extraire, rattrapé par la batterie. La fin s’arrête brusquement comme un couperet. Une aventure, vous dis-je !

Frédéric Vion

HUR ! Hommage à la musique de Christian VANDER
(Soleil Zeuhl 19 / 20)

Quoi de plus emblématique pour un label baptisé Soleil Zeuhl que de publier une compilation thématique en hommage au Médiateur Suprême de la zeuhl, Christian VANDER ? D’autant que sa publication coïncide avec deux anniversaires, celui des dix ans du label, et des quarante ans de MAGMA. L’initiateur du projet, Alain JULIAC – qui a déjà œuvré par le passé à la réédition chez Musea de plusieurs disques rares liés à l’univers et à la famille de MAGMA – n’en est pourtant pas à son premier coup d’essai. Il avait déjà coordonné un premier hommage au même VANDER paru en 2007 sur Welcome Records : Hamtaï !.

Bénéficiant du même travail graphique de Thierry MOREAU, se présentant sous le même format (un double CD) et incluant une partie des artistes déjà impliqués dans Hamtaï !, Hur ! pourrait passer pour la réédition revue et corrigée de ce dernier – ce qu’il n’est pas – ou pour son indigne rejeton, ne comprenant que des sessions de seconde zone qu’on n’avait pas osé faire paraître dans le premier volume – ce qu’il n’est pas non plus ! Hur ! n’est que la suite logique de Hamtaï !, une manière de prouver que l’influence de Christian VANDER est décidément panoramique et que nombreux sont ceux qui sont prêts à lui témoigner leur admiration en reprenant une (ou deux) de ses compositions – en toute humilité bien sûr – et ce sans attendre un funeste événement que l’on ne souhaite pas pour tout de suite. Autant faire part de l’intérêt que l’on porte à un artiste tant qu’il est vivant…

Quand on sait que Hur ! a fait appel à 25 formations ou artistes, il faut immanquablement s’attendre à une hétérogénéité musicale d’envergure et ne pas craindre les coqs-à-l’âne stylistiques d’une plage à l’autre de ce double album. La typologie assez contrastée des artistes et groupes ayant pris part à ce projet rend délicate toute analyse comparative, et établir le palmarès de ceux qui ont « mieux » réussi à reprendre du VANDER que d’autres est aussi périlleux qu’aléatoire, tant l’appréciation subjective joue indubitablement un grand rôle.

Car Hur ! a fait appel à des artistes de générations diverses : certains se sont déjà fait un nom auprès d’un public ou d’un autre, d’autres signent ici leur premier enregistrement, et des formations obscures cohabitent avec des anciens vétérans de la zeuhl, quand ils ne se confondent pas les uns les autres. Il y a des groupes proches de la zeuhl et d’autres qui n’ont rien à y voir. Bref, se retrouvent dans Hur ! la famille kobaïenne proche et la famille plus ou moins distante mais non moins reconnaissante, et les invités qu’on attendait pas… Une belle « garden party » en vérité !

Il reste à déterminer si tous ces braves zélateurs ont correctement répondu au sujet qu’il leur a été proposé. La réponse globale est oui, avec cependant chez certains sans doute individualistes ou caractériels, qui ont personnalisé leur devoir tant et si bien qu’ils ont manqué de peu le hors-sujet. On est particulièrement gré à Klaus BLASQUIZ et à Steve SHEHAN d’avoir précisé que leur Mekajak est basé « sur des motifs de M.D.K. » (sic) parce qu’une écoute en aveugle n’aurait pas permis de les discerner ! Et du reste même en étant avertis… Cela dit, transformer Mekanik en une sorte de ketchak balinais était assez osé ! Et travailler cette ambiance étrange avec un instrumentarium chinois et tibétain l’est tout autant !

Dans un autre genre, la contribution de GUAPO donne un peu l’impression qu’ils ont enregistré un morceau pour un hommage à SOFT MACHINE avant de se raviser en toute dernière minute… où l’on discerne enfin le thème de Klaus Kombalad qu’ils étaient censés reprendre. Le principe de la reprise a surtout offert à certains l’opportunité de laisser libre cours à leur imagination joyeusement divagante (idem pour le trio MAIGNAN / LAVERGNE / BIGOT et sa version du final de Köhntarkösz).

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À l’autre bout, il y a ceux dont le travail se situe dans la moyenne avec mention « inspiré », et d’autres qui ont versé dans le scolaire syndical, ce qui peut être d’un certain point de vue préoccupant, sachant que la nature du sujet (la musique de VANDER) s’est toujours inscrite en marge novatrice par rapport aux genres musicaux officiels et établis. Où l’on voit que ce projet pose en filigrane le problème de la « banalisation » de l’œuvre et du son créé par Christian VANDER…

Ce problème se retrouve du reste dans le choix même des pièces enregistrées par chacun et chacune pour Hur !. Car plus encore sans doute que dans Hamtaï !, ce sont majoritairement des compositions du répertoire de MAGMA qui ont été reprises, ce qui en dit long sur la connaissance (ou la méconnaissance) et la reconnaissance publique envers les différents aspects de l’écriture vandérienne. Bon gré, mal gré, VANDER est surtout connu, vanté, loué et apprécié pour avoir avant toute autre chose créé MAGMA, qui n’est pourtant que l’un de ses véhicules artistiques. La postérité doit-elle être forcément sélective ?

Toujours est-il que la compilation Hur ! aurait pu être sous-titrée « Hommage à la musique de MAGMA » si certaines exceptions à la règle ont heureusement redonné tout son sens au thème officiel de cette compilation, qui est un Hommage à la musique de Christian VANDER. (Il aurait fallu ajouter « sous toutes ses formes ».) Certains participants se sont donc rappelé que VANDER a aussi créé OFFERING ! On applaudira AIN SOPH AUR pour avoir repris Cosmos/A Fïïeh, ainsi que Jannick TOP pour sa troublante version du même Cosmos. D’un côté nous avons droit à une version singulièrement « magmaïenne » d’un titre d’OFFERING, et de l’autre un ancien membre de MAGMA qui reprend du OFFERING pour rendre hommage à Christian VANDER, voilà qui ne manque pas de piquant !

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Bravo également au duo ALIFAIR pour sa reprise, grâcile et épurée, de la Ronde de nuit qui figure à l’origine sur un album de Stella VANDER, il fallait y penser ! Et puis il y a les petits malins du FORGAS BAND PHENOMENA qui sont allés repêchés Africa Anteria, une composition incluse dans le disque de la formation UNIWERIA ZEKT (qui est en fait MAGMA, mais il ne faut pas le dire paraît-il).

Évidemment, la proportion de compositions « hors MAGMA » reste assez maigre. Ceux qui attendaient des revisites de Joïa, de 65 !, d’Anahë, de River, Les Anges, Hymne aux enfants, You Glory the One, J’ai plongé dans les lacs ou Dodo l’enfant do (oups, désolé !) en seront pour leur frais…

On a bien sûr le droit de penser que MAGMA reste la création la plus déterminante de VANDER, et que le répertoire de ce dernier a subi suffisamment de mutations au cours des âges pour donner une image déjà bien assez large du talent du Grand « Zebëhn ». Soit. Quelles sont donc les compositions magmaïennes qui ont le plus retenu l’attention des participants au projet Hur ! ?

Singulièrement, les disques qui ont été les plus « piochés » sont Attahk (4 pièces), Kobaïa (3 pièces, dont deux versions très dissemblables d’Aïna par POST IMAGE et JOHN TRAP) et Wurdah Itah (3 thèmes). Seulement une pièce provient d’Üdü Wüdü (le morceau éponyme repris par MINIMUM VITAL), une de Köhntarkösz et une de Merci (Otis, par JAFIS, et chanté en kobaïen s’il vous plait !). Certains sont même allés reprendre des « simples » de MAGMA (Hamtaak, Klaus Kombalad) ou des morceaux non encore enregistrés en studio (Emëhntëht-Rë par Érik BARON & d-zAkord ; Zëss par Marcus LINON).

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Personne n’a repris quoi que ce soit de M.D.K. (hormis dans ce Mekajak cité plus haut et dont on se demande si le terme « reprise » lui convient vraiment), et encore moins de Theusz Hamtaahk ou de K.A. La popularité des thèmes n’a donc pas été un critère de sélection, et leur degré de complexité non plus…

Hur ! a donc cette qualité de remettre en pleine lumière des compositions pour MAGMA qui ne sont pas nécessairement les plus cultissimes. Comme il a été dit plus haut, certains groupes retenus ont dès le départ inscrit leur esthétique en droite ligne de celle de MAGMA. Ils « font de la zeuhl », comme on dit.

Pour autant, ils n’évitent pas obligatoirement les écueils inhérents à l’exercice de la reprise, car ils s’en acquittent presque comme d’une formalité, collant aux versions originales sans grand éclat ni surprise. D’autres versent dans une expression jazz ou jazz-rock assez proche des formes prises par MAGMA à un moment donné de son histoire. Tout cela reste finalement assez prévisible même si c’est joué avec talent et énergie. Notons tout de même que le groupe français SETNA se distingue en adaptant Titilbon, un morceau joué par MAGMA sur scène « circa » 1977 et qui était lui-même adapté du morceau de STRAVINSKY Tilim-Bom (Catherine JAUNIAUX, vocaliste bien connue des amateurs de musiques nouvelles dans la lignée du Rock in Opposition, en a fait une belle version dans son disque Fluvial.)

Il y a aussi ceux qui ont décidé de prendre les auditeurs par surprise en s’éloignant des « modèles » sonores vandériens ou magmaïens. Ainsi, MINIMUM VITAL continue à faire du MINIMUM VITAL en reprenant Üdü Wüdu mais sans s’éloigner du thème principal ; d-zAkord a magnifiquement repris Emëhntëht-Rë comme il avait repris De Futura Hiroshima ; POCHAKAITE MALKO renouvèle son genre avec son étonnante version folkisante de Hamtaak ; Patrick GAUTHIER a livré une version « machinique » un rien iconoclaste de The Last Seven Minutes ; John TRAP a donné dans le « cartoonesque » irrévérencieux qu’on lui connaît, de même que Simon STEENSLAND… Avec des reprises pareilles, tout risque de « copie » est banni.

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Au bout du compte, ceux qui impressionnent le plus sont ceux qui ont repris du MAGMA en l’abordant par un versant inattendu ou « zeuhlement incorrect ». Là encore, l’appréciation subjective joue à plein, mais force est de reconnaître qu’il faut plus parler de recréations que de reprises dans le cas de la version soul / rythm n’blues de Spiritual (devenu Stand in the Light) par MAPOP & THE ROTULES, de la version heavy metal, gonflée et audacieuse, de Zëss par Marcus LINON (qu’il qualifie lui-même de « vision » pour souligner son démarquage) ou encore avec l’adaptation tirant sur l’univers indonésien du gamelan de Ëk Sün Da Zëss par Bruno HEUZÉ, sans parler du Mekajak de BLASQUIZ/SHEHAN.

Quoi qu’il en soit, il y a dans Hur ! de quoi satisfaire diverses sensibilités musicales, car on ne peut définitivement pas le réduire à une simple compilation de « musique zeuhl », et tant pis pour le paradoxe ! (Pour VANDER, le terme zeuhl n’est de toute manière pas réductible à un genre musical.) Et si à son écoute l’auditeur découvre de nouveaux biais pour aborder la musique de Christian VANDER, c’est que le projet n’aura pas été vain. « Yega ! », comme disait l’autre Kobaïen…

Stéphane Fougère

NEOM – Arkana Temporis
(Soleil Zeuhl 21)

Éternel recommencement de la zeuhl… Dans les années 1970, l’écho impérial de MAGMA a motivé toute une génération de groupes qui ont ouvertement puisé dans le vocabulaire stylistique de cette musique pour y faire éclore leur propre grain de sel. Les ZAO, WEIDORJE, ESKATON, EIDER STELLAIRE, XALPH, FOEHN, ALTAÏS, MUSIQUE NOISE ont ainsi donné naissance à un véritable courant que l’on fut bien obligé de nommer « zeuhl » tant les résonances avec la formation de Christian VANDER étaient flagrantes. Après un passage plus à vide dans les années 1990, pendant lesquelles l’héritage magmaïen a été récupéré et recyclé par des combos japonais, il semble que la France soit à nouveau un terrain propice à un renouveau du genre. Le retour de MAGMA sur le devant de la scène depuis près d’une quinzaine d’années y est certainement pour quelque chose…

Après SETNA, Soleil Zeuhl a dégoté une autre incarnation d’obédience majoritairement zeuhlienne, NEOM. Créé en 2005, ce groupe a attendu 2009 pour paraître en pleine lumière, livrant conjointement sa première galette, participant au projet Hur ! – Hommage à la musique de Christian VANDER et se produisant sur scène à Bourg-les-Valence… en première partie de MAGMA lors de la tournée anniversaire de ses 40 ans, excusez du peu !

Pendant près de quatre années, NEOM a donc pris le temps d’affûter ses armes pour concocter son Arkana Temporis. La musique y est entièrement composée par Yannick DUCHENE SAUVAGE, qui assure également une bonne moitié de l’instrumentation, puisqu’il tient la guitare électrique, les chants et la batterie. Le piano électrique est tenu par Carole DUCHENE SAUVAGE (la zeuhl est décidément une affaire de famille) et la basse par William PAWELZIK. Quelques parties de batterie sont aussi jouées par Alain SIMENDIC.

Avec pareille formation, la filiation avec MAGMA ne fait aucun doute : le Fender Rhodes et la guitare électrique se partagent les solis, la basse et la batterie se chargent d’assoir une pulsation tantôt solide, tantôt plus volatile, et la voix fait valoir ses propriétés instrumentales et déploie différents effets (chant de gorge, voix de fausset, entrelacs vocaux…).

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L’écriture de Yannick DUCHENE SAUVAGE s’épanouit dans des compositions épiques mues par un souffle lyrique qui révèle aussi une inspiration classique et une forte accointance avec les musiques progressives des 70’s, avec une évidente coloration jazz-rock (les solis de guitare évoquent une parenté avec Phil MILLER’s IN CAHOOTS ou encore John McLAUGHLIN). Chaque composition, construite sur des cassures et des contrastes climatiques, alterne moments de tension, déchaînements contrôlés, phases tumultueuses et séquences plus introspectives travaillées dans le détail et sur la durée, au risque parfois d’en diminuer la densité vibratoire malgré le talent évident de NEOM pour la mise en place d’atmosphères ténues qu’on souhaite ne pas lui voir perdre.

Sûrement de nombreuses oreilles ne verront dans ce premier enregistrement qu’un exercice de style certes fort bien maîtrisé mais indubitablement scolaire. Mais NEOM y ajoute une âme, une flamme et une revendication qui lui sont personnelles. Arkana Temporis renvoie en effet à une thématique qui drague un message écologique et existentiel puisque sont évoqués les rapports entre l’humain et la Terre-Mère, et la nécessité de les entretenir à la lumière d’un certain « Amour suprême »…

De fait, Arkana Temporis raconte une histoire dont les trois quarts du disque constituent l’Acte I, segmenté en quatre parties (mais enchaînées). L’Acte II ne contient qu’une partie qui fait un peu fonction d’épilogue (plutôt nerveux, du reste), à moins qu’il ne s’agisse d’un « bonus track » destiné à nous faire saliver sur ce que nous réserve le prochain CD du groupe… Au moins, on est assurés que le groupe n’a pas tout dit. L’histoire de NEOM ne fait donc que commencer, c’est le moins qu’on puisse lui souhaiter.

Stéphane Fougère

SHUB NIGGURATH – Introduction
(Soleil Zeuhl 22)

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(Article original publié dans
TRAVERSES n°27 – décembre 2009)

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