THE KLEZMATICS – Live at Town Hall

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THE KLEZMATICS – Live at Town Hall
(FREA Records / MusicWords)

Ça y est ! Dix albums plus tard, les KLEZMATICS ont atteint leur quart de siècle d’existence ! Certains fêtent ça avec un coffret anthologique ou une simple compilation ; le groupe new-yorkais de musique klezmer a lui choisi de sortir un live, ce qui est en fait une compilation, mais avec cet élément supplémentaire et essentiel que constitue l’interprétation live, avec tout ce qu’elle peut constituer de revitalisant.

Ce Live at Town Hall n’est pourtant pas une totale nouveauté. Il a en fait été enregistré il y a cinq ans (soit pour les 20 ans du groupe), et même filmé pour le documentaire On Holy Ground. Restitué en intégralité sur ce double CD, ce concert est légendaire à plus d’un titre. D’abord, il a affiché complet (c’est toujours rassurant…), et la set-list jouée ce soir-là constitue une anthologie de premier choix qui pioche dans tous les projets discographiques réalisés par THE KLEZMATICS. Ce n’est certes pas leur premier album enregistré en concert, mais c’est le premier à couvrir véritablement toute la carrière de ce combo exploratoire et déluré.

Le précédent disque live, Brother Moses Smote the Water, était davantage une création « cross-culturelle » entre la tradition klezmer et la tradition gospel – avec le chanteur afro-américain Joshua NELSON et l’organiste Kathryn FARMER – et seulement deux ou trois « classiques » des KLEZMATICS y figuraient. Avec ce Live at Town Hall, c’est un voyage quasi-chronologique dans la discographie des KLEZMATICS qui nous est conté, avec la participation d’une pléthore d’invités. La première partie du concert livre les pièces les plus emblématiques des cinq premiers albums, avec un furieux Men in a Hat pour cueillir l’audience qui, dès le troisième morceau (Dzhankoye, de l’album Shvaygn = Toyt) est chauffée à bloc.

Suivent un medley comprenant un thème tiré de Rhythms + Jews et un autre de Jews with Horns, qui fait entendre la bienvenue clarinette de l’inévitable revenant David KRAKAUER, puis la pièce montée de Possessed, l’ébouriffante Dybbuk Suite en huit parties, où les cuivres de Matt DARRIAU et Frank LONDON se livrent à des chorus foisonnants.

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Le violon de Lisa GUTKIN n’est pas en reste pour se lancer dans ces variations klezmer tirant souvent vers un jazz débridé, propulsé par le bassiste Paul MORRISSETT et les batteurs (oui, ils sont deux !) David LICHT et Richie BARSAY. Au-dessus de cette fanfare qui navigue sans ambages entre douceur et rage, allégresse et tristesse, surnage la voix claire et singulière de Lorin SKLAMBERG, qui tâte aussi de l’accordéon, du piano ou de la,guitare, selon les moments.

Les invités sont égrenés au fil de cette soirée célébrative : citons la chanteuse Joanne BORTS, qui remplace Chava ALBERSTEIN sur Di Krenitse, et Margot LEVERETT (clarinette) qui intervient sur Bobe Tanz. Enfin, Joshua NELSON assure de sa voix robuste une fiévreuse version d’Elijah Rock. Il y a aussi un chœur féminin qui se manifeste à plusieurs reprises, poussant SKLAMBERG dans ses fulgurances vocales. Il y a de plus une section de cordes qui ajoute une touche tantôt classique, tantôt orientalisante, et quelques cuivres supplémentaires. C’est dire si la scène du Town Hall, que l’on devine assez ample, a pris des allures d’ « auberge klezmer » !

Le second CD débute avec deux pièces de Rise up ! Shteyt Oyf !, l’émouvant Davenen et cette profession de foi anti-intégriste qu’est I Ain’t Afraid. Puis THE KLEZMATICS interprètent trois pièces écrites à l’origine par le père du protest-folk américain, Woody GUTHRIE, au répertoire duquel le groupe a récemment consacré deux disques, Woody Guthrie Happy Joyous Hanukah et Wonder Wheel, ouvrant ainsi plus encore l’éventail de ses influences. Et quel plaisir d’entendre la chanteuse irlandaise Susan McKEOWN, venue spécialement livrer une interprétation très prenante de Gonna Get Through this World.

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Enfin, retour aux « classiques-de-la-mort-qui-tue » avec l’époustouflant medley Lolly Lo/NY Psycho Freylekhs, Shnirele Perele, Ale Brider et Tepel, pour achever la soirée sur des chapeaux de roue et sous des ovations hors contrôle.

S’il fallait résumer cet événement scénique, je dirais : généreux et jubilatoire ! Il y a des albums live qui ont marqué l’histoire du rock. Le Live at Town Hall des KLEZMATICS marquera non seulement celui de la musique klezmer évolutive, mais aussi la world music toutes catégories confondues. 

Stéphane Fougère

Site : www.klezmatics.com

(Chronique originale publiée dans
ETHNOTEMPOS en 2011)

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