Thierry JARDINIER / Laurence CARCY – Le Cantique des cantiques
(Autoproduction)
Percussionniste depuis une quarantaine d’années ayant notamment participé à l’ensemble DésAccordes d’Érik BARON, Thierry JARDINIER s’est littéralement pris de passion pour l’envoûtant et vibrant univers sonore du gong, ce fascinant idiophone métallique faisant office d’amplificateur de résonance qui est souvent utilisé dans des contextes rituels, thérapeutiques, voire militaires, et que l’on trouve dans bon nombres de cultures musicales, notamment orientales. À force de collectionner différents types de gongs, Thierry JARDINIER s’est mis à créer un ensemble orchestral uniquement constitué de ces instruments, le GONG’s SYMPHONIUM, avec lequel il propose des concerts, des animations et des expositions sonores interactives & pédagogiques et des rencontres avec d’autre formes d’expressions artistiques. EN 2019, le GONG’s SYMPHONIUM avait livré le premier tome de ses aventures discographiques, Monologue(s) pour gongs. Trois ans ont passé, et Thierry JARDINIER, pour sa seconde réalisation discographique, est passé du monologue au dialogue, sous forme d’un voyage sonore pour gongs et voix.
Cette rencontre entre la voix humaine et les résonances vibratoires des gongs s’est faite autour d’une œuvre biblique qui exerce un singulier pouvoir d’attraction sur différents publics du fait de son sujet, à savoir rien moins que le Cantique des cantiques. Considérée comme l’un des plus beaux chants d’amour de la littérature universelle, cette suite de poèmes et de chants d’amour alternés entre une femme et un homme (ou plusieurs couples) célèbre l’aventure du couple, où le bien-aimé et la bien-aimée se trouvent, se perdent, se cherchent et se retrouvent. Ce recueil est universellement considéré comme un sommet de la poésie amoureuse issue de la création littéraire de l’ancien Proche-Orient, et son écriture est traditionnellement attribuée à Salomon, prophète et roi d’Israël au Xe siècle avant J-C. Bien qu’intégré dans le canon des écritures tant juives que chrétiennes, sa canonicité a parfois été mise en doute du fait qu’il décrit un amour sensuel, exalte la beauté et les relations charnelles, au point d’être perçu par certains comme le premier poème érotique, mêlant sexe et sacré en une sorte de tantrisme à l’occidentale.
Le Cantique des cantiques a été adapté par plusieurs personnalités évoluant dans diverses sphères musicales, d’Esther LAMANDIER à Michael LONSDALE et Guy BEZANÇON, en passant par Rodolphe BURGER, Alain BASHUNG et Chloé MONS, ou encore GLORIOUS et Natasha St-PIER, et plusieurs versions chorales. À son tour, le fondateur de GONG’s SYMPHONIUM s’est décidé à faire de cette œuvre érotico-biblique le moteur d’une nouvelle création sonore et vocale. C’est à Laurence CARCY que Thierry JARDINIER a proposé d’effectuer une lecture du Cantique des cantiques, dans sa traduction d’Ernest RENAN, enveloppée et enrobée du son de ses gongs.
À l’expression détaillée des diverses sensations dont l’être humain est doté (parfums, odeurs, toucher, caresses…) que l’on trouve dans le Cantique, Thierry JARDINIER ajoute l’univers vibratoire de ses gongs en vue d’exalter la dimension sensuelle de l’œuvre littéraire. D’une voix au timbre bas, idoine pour exprimer l’intimité et la proximité des âmes et des corps, Laurence CARCY décline huit chants du Cantique, ses lectures étant entrecoupées d’interludes purement instrumentaux dans lesquels les sons des gongs déferlent par brises tout en suspension et en déplacement, ou par vagues sujettes à des ressacs, voire comme des lames de fond réveillant des sens enfouis, attisant le feu dans l’âtre corporel ou suscitant des frissons dans les pores de l’âme. L’ample spectre harmonique créé par les sonorités des différents gongs joués par Thierry JARDINIER (et par une “veena de cristal” jouée par Christian DELBOS sur le Chant VII) génère un relief et une profondeur captivants, prodiguant un écho inédit aux vers du Cantique, dont la dimension incantatoire est sublimée.
Le voyage proposé par Thierry JARDINIER et Laurence CARCY peut de prime abord paraître long (69 minutes), mais une fois que l’on se déleste de ses boulets mentaux et que l’on largue définitivement les amarres, la notion de temps se dilue dans celle d’un espace sensitif de haut vol, et dont les résonances restent longtemps imprimées dans les esprits, et même sur les enveloppes corporelles.
Stéphane Fougère
Site : https://gongssymphonium.fr/