Thierry ZABOITZEFF – Iva Lirma, Archives 02-07
(Margen Records)
Voici une nouvelle preuve – s’il fallait encore en avancer – de la prolixité créatrice dont fait preuve « l’ex-ART ZOYD » depuis son départ dudit groupe. C’est le label espagnol Margen Records, déjà auteur de la réédition CD de son premier LP, Prométhée, qui publie ce recueil pour le moins composite. Iva Lirma compile en effet plusieurs musiques composées par Thierry ZABOITZEFF pour des spectacles de la chorégraphe Editta BRAUN pendant la période 2002-2007 et qui n’étaient pas encore parues en CD. S’agissant d’une compilation, l’homogénéité musicale n’est évidemment pas de mise, mais je soupçonne l’auteur de ces musiques d’avoir sciemment orienté sa sélection en vue d’accroître cet aspect éclectique, comme il l’avait déjà fait avec d’autres précédents albums, comme Heartbeat, India ou The Fantomatick Bands.
Expérimentales ou plus accrocheuses, les musiques réunies dans Iva Lirma (nom du studio d’enregistrement du ZAB ‘) forment un bouquet très contrasté. Elles peuvent prendre la forme d’atmosphères troublantes et heurtées (oXalis 1), de thèmes néo-classiques entêtants aux claviers, violons et violoncelles (Crash), ou de pièces cultivant l’exotisme déviant (la pseudo-chinoiserie Gertrude, le mirage orientalisant de Coppercity) ou encore d’un capharnäum excentrique mêlant rythmes électro, notes jazzy, riffs rock et… des ronflements (Matches of Time) !
La palme de l’extra-terrestrialité revient assurément à Luvos vol. 2, avec ses espaces hiératiques électro-planants subrepticement animés d’étrangetés sidérales. Son épilogue, en revanche, lorgne du côté d’un UNIVERS ZÉRO qui aurait absorbé un euphorisant.
À l’opposé, et comme pour accentuer encore davantage le trouble de l’auditeur, se trouve une pochade à écouter au second degré, revisitant la ritournelle populaire Promenons-nous dans les bois… avec un chant de muezzin à l’horizon.
C’est donc un Thierry ZABOITZEFF totalement affranchi du cadre « artzoydien » qui s’exprime ici, cultivant les coqs-à-l’âne et les croisements musicaux les plus abrupts, voire les plus incongrus, usant de la technologie électroacoustique pour créer des musiques qui se refusent à choisir entre l’abstraction contemporaine et l’accessibilité populaire, et font se côtoyer des scénarii sonores emphatiques, angoissants, oniriques ou ludiques.
Stéphane Fougère
(Chronique originale publiée dans
TRAVERSES n°23 – mars 2008)
PS : Iva Lirma est disponible depuis avril 2021 en version numérique remastérisée chez IMD-ZABMUSIC, avec quatre pièces supplémentaires.
Site : www.zaboitzeff.org
Page : https://thierryzaboitzeff.bandcamp.com/album/iva-lirma